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dimanche 15 février 2015

Joseph Kessel, résistant, aventurier et témoin

 
Il rédige, « Le chant des Partisans », le troisième hymne français. Il écrit le Roman de la Résistance. Officier d’aviation et héros des deux guerres, il parcourt et raconte le monde. Il découvre la Palestine en 1926 et y revient souvent. Ce « Témoin parmi les Hommes » surnommé Jeff, cet académicien à l’épée « ornée de l’Étoile de David et de la Croix de Lorraine », s’appelait Joseph Kessel...


Janvier 1943, un officier d’aviation arborant sa Légion d’honneur et sa croix de guerre 1914-18, pénètre dans le bureau du général de Gaulle à Carlton Gardens. À 45 ans, Kessel demande à participer aux combats. De Gaulle, qui admire sa plume, répond : « C’est difficile à votre âge… vous pourriez écrire quelque chose sur la Résistance. » Ce sera L’Armée des ombres. Ce roman est nourri de ses souvenirs de lutte en Provence et de ses rencontres avec les chefs de la Résistance. Emmanuel d’Astier, cet ami des fumeries d’opium d’avant- guerre, fondateur et patron du réseau « Libération » lui demande d’écrire le chant des maquis. « Le chant des Partisans » est ainsi composé avec son neveu, Maurice Druon. Puis Kessel reprend des missions au-dessus de l’Europe occupée.
Ce roman et ce chant naissent ainsi sous la plume d’un homme ayant vu le jour en 1898 à Clara dans une « colonie » juive d’Argentine. Ses parents, le Docteur Samuel Kessel et Raïssa Lesk sont des juifs russes. Son père a étudié la médecine à Montpellier et accepte la proposition du Baron de Hirsch d’être le premier médecin de sa Jewish Colonization Association en Argentine. Joseph n’y reste pas longtemps, et grandit quelques années dans l’Oural dans sa famille maternelle. À 10 ans, il s’installe à Nice et étudie au Lycée Masséna comme plus tard son ami Gary.

Après quelques essais au théâtre, aux côtés de son frère Lazare, il s’engage début 1917 et devient pilote de chasse. Cette aventure sera la trame d’un de ses premiers succès, L’équipage. Le goût de l’aventure et de l’écriture ne le quittera plus. Grand reporter, il couvrira les guerres, les conflits, et les peuples en quête de dignité.
Il ira en Irlande, aux Pays Baltes, en Palestine, avec les marchands d’esclave, les pilotes de l’Aéropostale, les chasseurs de perles. Ses reportages font la une des journaux à gros tirages, du Figaro à Paris-Soir. Ceux-ci nourrissent aussi romans et nouvelles, de Mary de Cork, Makhno et sa juive, En Syrie, Nuits de Sibérie, Fortune carrée, La Rose de Java, Mermoz… Roi des nuits parisiennes, il découvre Piaf, écrit Nuits de Prince, Secrets parisiens mais surtout Belle de jour.
Juif, il ne s’en cache pas, il est un des fondateurs de la LICA. Lorsqu’il se rend en Palestine en 1926, il publie un chant sioniste Terre d’amour et offre à ses parents l’édition originale reliée par ses soins, avec le titre gravé en hébreu en cou- verture. Il y retourne pour couvrir la guerre d’indépendance et en se posant à Haïfa le 15 mai 1948, il reçoit le visa n°1 du jeune État d’Israël. Il en rapporte Terre de feu.

Puis il revient pour le procès Eichmann. En 1973, il crée la revue Les combats d’Israël. Ses combats étaient contre tous les totalitarismes. Il s’était battu contre les bolchéviques. Il fut un des premiers à défendre la République espagnole dans Une balle perdue et à dénoncer les persécutions allemandes des juifs ainsi que les premiers camps de concentration dans La passante du Sans-Souci en 1936. Lors de sa réception à l’Académie Française en 1962 au siège du Duc de la Force, il clame haut et fort sa fidélité : « Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France… qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît.
Un juif d’Europe orientale. » Ce patriote français, ce défenseur des libertés aura une dernière volonté. Il demande que son épée « ornée de l’Étoile de David et de la Croix de Lorraine », soit remise au Musée d’Israël à Jérusalem.
 
Par François Heilbronn
Source Tribune Juive