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dimanche 27 avril 2014

OLP Hamas : le vrai faux accord qui risque de poser plus de problèmes qu’il n’en règle !


L'OLP et le Hamas ont formé un accord dans la nuit du 23 avril pour former un gouvernement d'union "d'ici cinq semaines". Faut-il voir dans cette entente la fin des dissensions qui ont jusqu'ici animé les différents responsables politiques palestiniens ?...
 


Frédéric Encel : Non, et cela pour deux raisons. D'abord, c'est le cinquième accord en sept ans ! A chaque fois, l'annonce est triomphale qui précède de peu la rupture. Je ne crois pas davantage à cet accord qu'aux précédents, du moins dans la durée. Ensuite, même si cet arrangement tient un certain temps, il correspond à une simple trève ; le Hamas a en effet non seulement des stratégies mais des objectifs très différents de ceux de l'Autorité palestinienne. En clair, il joue respectivement la tension constante avec Israël et la non reconnaissance des accords d'Oslo, et envisage in fine de supplanter carrément l'Autorité palestinienne pour contrôler l'ensemble des Palestiniens des Territoires et au-delà. On rappellera qu'il a déjà perpétré un véritable putsch contre l'Autorité palestinienne à Gaza, en juin 2007, et qu'il constitue la branche palestinienne dure des Frères musulmans...
 
Les divisions au sein du Hamas pourront-elles être atténuées par cette accord ?
Je ne crois pas que les radicaux poseront problème car ils perçoivent cet accord comme un moyen efficace d'être enfin reconnu comme interlocuteur des Occidentaux. Sempiternelle tactique du cheval de Troie ! Mais à terme, c'est l'ensemble des leaders du Hamas qui prônent la lutte armée...
 
Cet accord serait aussi le moyen pour Mahmoud Abbas de faire pression sur les Etats-Unis et Israël alors que le processus de paix semble patiner à nouveau. Quel pouvoir cette union offre t-elle concrètement aux Palestiniens ?
Mahmoud Abbas est pris entre enclume et marteau. A chaque blocage du processus de paix avec Israël, il menace de s'allier au Hamas. En réalité, il sait que ce mouvement demeure son ennemi mortel, mais il s'agit de sa seule carte face au gouvernement Netanyahou. Abbas s'évertue à tenter de convaincre ses interlocuteurs que sans une concession substantielle, il perdra pied dans l'opinion face aux islamistes de Gaza. Nous sommes dans un jeu à trois acteurs et non pas à deux comme beaucoup le croient. Concrètement, cet accord fait apparaître le vieux président palestinien comme un leader duplice, ce qu'il n'est pas à mon avis. Il a toutjours démontré depuis sa prise de pouvoir démocratique - suite à la mort naturelle d'Arafat en novembre 2004 - qu'il renonçait à la violence.
 
Israël a réagi dans la matinée du 23 avril en dénonçant cet accord, Benyamin Netanyahou allant jusqu'à dire que " Quiconque choisit le Hamas ne choisit pas la paix". Un regain des tensions est-il à craindre dans la région ?
Paradoxalement, je ne crois pas à un vrai regain de violence. L'Autorité palestinienne gère sérieusement à la fois le socio-économique et le sécuritaire. Mais il va de soi que l'interruption du processus de pourparlers, même si personne ne va en faire publiquement le deuil ainsi - et surtout pas John Kerry ! - pour ne pas désespérer les populations, est une mauvaise nouvelle.
Au fond, le plus problématique pour l'Autorité palestinienne, c'est à la fois l'environnement immédiat en pleine ébullition - la situation en Egypte et en Syrie préoccupant bien davantage les puissances occidentales (ainsi que la Russie et la Chine) que la question de Jérusalem - et l'absence de vrai soutien extérieur. Sauf sur le plan financier de façon occasionnelle par l'Arabie saoudite, le pouvoir de Mahmoud Abbas ne peut guère compter sur une aide conséquente. Même la Ligue arabe, contrairement à ce qu'imaginent encore ses vieux amis gaullo-mitterrandiens, a fait la preuve de son inefficacité voire de son impéritie totale ! Et de ce point de vue-là, le Printemps arabe n'a rien arrangé. Enfin, pour les Etats-Unis et l'Union européenne, les crises ukrainienne, sino-japonaise et même indo-pakistanaise représentent des enjeux infiniment plus sérieux que le conflit (de plus en plus perçu dans les grandes chancelleries comme un contentieux secondaire) israélo-palestinien.

Source Atlantico