"Malgré l'antisémitisme, l'Inquisition, les pogroms et la Shoah, notre communauté existe toujours, c'est un miracle". Ainsi parle Reouven Ohana, grand rabbin de Marseille. Ce miracle, La Provence a choisi de le relater dans un hors série spécial. Avec le soutien de Radio JM et le concours des historiens (Danièle Iancu-Agou, Juliette Sibon, Pierre Echinard, René Moulinas, Renée Dray-Bensousan) et archivistes (Claude-Sabin Nadjari, Daniel Darmon, Patrick Boulanger), sans oublier ces dizaines d'anonymes qui ont envoyé leurs lettres et photos, on voit se déployer l'histoire de la présence juive en Provence. Elle est enracinée depuis deux mille ans dans tout le sud de la France et Marseille compte aujourd'hui l'une des plus grandes communautés d'Europe...
80 000 juifs vivent entre Avignon, Aix et la cité phocéenne, notamment à Saint-Rémy-de-Provence, Carpentras ou Cavaillon. Profondément républicains, beaucoup travaillent à perpétuer des traditions ancestrales, chaleureuses, qui contribuent au rayonnement de la culture provençale. "Pour moi, être juif c'est être plus attaché à une religion qu'à une tradition, souligne Xavier Nataf, délégué du Fonds social juif unifié Provence-Languedoc. Il y a un vrai judaïsme provençal. La plupart des juifs sont fidèles aux rituels sans pour autant être dans une pratique rigoureuse de la religion. Ils sont particulièrement attachés au repas du vendredi soir et au shabbat, un moment familial attendu et très identitaire."
"Ce n'est pas une communauté homogène, religieusement, socialement et culturellement, relève Anik Cohen, directrice du centre culturel Darius-Milhaud d'Aix-en-Provence. Il y a même plus de pauvres dans la communauté juive que dans le reste de la société marseillaise. Cela s'explique par le fait que la plupart des juifs d'aujourd'hui sont originaires d'Afrique du Nord et qu'ils ne sont donc pas descendants de riches familles locales."
Après guerre, cette communauté anéantie tant physiquement que psychologiquement, a dû se reconstruire. Ses fondations s'appuyèrent sur trois piliers , qui demeurent essentiels : le Consistoire assure la formation religieuse et organise le culte ; le Fonds social gère les activités sociales, culturelles et éducatives ; le Conseil représentatif des institutions juives représente la communauté auprès des pouvoirs publics, lutte contre l'antisémitisme et défend la politique d'Israël.
Ce magazine permet aussi de comprendre ce qui conduit au développement des écoles juives (3 000 élèves scolarisés à Marseille) ou à l'augmentation des départs de jeunes adultes en Israël. C'est au final un formidable élan de vie qui traverse ces pages, incarné par une dame de 97 ans, une grande dame : Henriette Cohen fut arrêtée par la Gestapo en juin 44 à Eyguières près de Salon et déportée à Auschwitz. Elle est une des dernières survivantes de la Shoah. Elle a surmonté l'enfer et donné vie à six enfants. Elle symbolise la victoire sur la mort. Son beau regard ne vous quittera plus.
Source La Provence