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mardi 2 avril 2013

Gilad Shalit, un héros tombé de son piédestal



Un journaliste israélien s'est procuré l'interrogatoire auquel la sécurité militaire a soumis Gilad Shalit après sa libération par le Hamas. Le débriefing met en lumière les erreurs successives du soldat qui aurait pu éviter sa capture. Par Marc DAOU (texte)  Il aura suffit d'un article paru dans la presse israélienne pour que l'image de héros national du soldat Gilad Shalit, qui n’avait que 19 ans lors de sa capture en juin 2006 par des combattants palestiniens près de la bande de Gaza, soit sérieusement écornée.

Dans le "Jerusalem Post", l'éditorialiste Ben Caspit rend compte du débriefing de Gilad Shalit par des enquêteurs militaires après sa libération. S’il affirme se garder de juger ou de blâmer le comportement au moment de l’enlèvement d’un "anti-héros" devenu "l'enfant de tous", le journaliste dresse néanmoins un inventaire sans concessions des nombreuses erreurs commises par Gilad Shalit au moment de sa capture. D’ailleurs précise-t-il, le jeune Israélien a affirmé lors de son interrogatoire "qu'il savait qu’il n'avait pas fait son devoir de soldat et n'avait même pas fait le minimum pour éviter d'être capturé".

"Dehors c’était dangereux, l’intérieur était protégé"

Selon le récit rapporté par Ben Caspit, le 26 juin 2006, le soldat israélien s'est endormi à 4h35 du matin dans son char alors qu’en tant que canonnier il aurait dû rester éveillé. D’autant plus que la veille, lors d’une réunion, un avertissement avait été émis par le Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien, à propos d’une probable infiltration de combattants du Hamas chargés d’enlever des soldats. "Je n'ai pas écouté [l'avertissement, NDLR], le commandant était en train de le faire, je lui ai fait confiance", avouera-t-il lors de son interrogatoire.
Au moment où son char, un Merkava 3, essuie un tir de roquettes, Gilad Shalit se réveille en sursaut. Son arme personnelle est posée à ses pieds, il ne porte pas son casque et son gilet pare-balles est posé sur le dossier de sa chaise. Quelques secondes après l’impact, il aperçoit le lieutenant Hanan Barak, suivi du sergent Pavel Slutzker, les deux officiers qui ont péri dans l’embuscade, sortir précipitamment du char. Au lieu de les imiter, Gilad Shalit, aussi surpris que tétanisé par les évènements, préfère rester à l’abri dans le Merkava. Une décision qui lui sauve la vie. "Dehors c’était dangereux, l’intérieur était protégé", expliquera-t-il.
Selon Ben Caspit, le jeune soldat aurait cependant dû faire feu, sans pour autant se mettre en danger en sortant la tête à l'extérieur, ne serait-ce que pour sonner l’alerte pour appeler au secours les troupes israéliennes postés à 200 mètres du char. Au lieu de cela, après avoir compris que ses deux camarades ont été abattus en entendant leurs corps s’effondrer près du tank, il se met à "prier pour que tout se termine".
À l’extérieur, les deux assaillants palestiniens lancent des grenades dans la tourelle du Merkava. A l’intérieur, Gilad Shalit n’est que légèrement blessé par les explosions. Et ce, selon le journaliste, grâce au choc absorbé par son gilet pare-balles et sa veste pare-éclats posés sur sa chaise. Pris de panique, il attend une ou deux minutes le temps que la fumée s’échappe, avant de décider de sortir de son abri d’acier. Sans son arme.

Un jeune homme introverti, aussi émotionnel que fragile


"Si seulement Shalit avait pris son fusil d’assaut et s’il avait vu l’assaillant s’approcher du char et commencer à l’escalader, il aurait pu facilement le descendre", écrit Ben Caspit.  Ce qui, explique ce dernier, aurait pu faire fuir le deuxième combattant palestinien. Au lieu de cela, Gilad Shalit est fait prisonnier sans avoir résisté et sans avoir utiliser une seule des armes en sa possession dans le char - armes qui lui donnaient "un avantage considérable sur ses adversaires", regrette Ben Caspit.
Pis selon l’éditorialiste, une fois captif, l’Israélien s’est montré très coopératif avec ses ravisseurs qui se sont rapidement dirigés vers la clôture qui les séparaient de la bande de Gaza. Sans essayer notamment de les ralentir pour gagner de précieuses minutes le temps qu’un deuxième char ou du renfort arrivent sur place. "Il a tout simplement couru avec eux en direction de la clôture […]. Les assaillants lui ont dit de presser le pas, et il s’est empressé de leur obéir", rapporte Ben Caspit. Sa captivité qui allait durer 1941 jours pouvait alors commencer.

"Peut-être qu'il n'aurait pas dû être placé dans une unité de chars, il est probable qu'il n'était tout simplement pas fait pour cela, écrit-il. Quand son char a été touché, il a été choqué et a perdu toute capacité d’action", explique le journaliste du "Jerusalem Post" qui décrit Gilad Shalit comme un jeune homme introverti, aussi émotionnel que fragile. Et de conclure : "Il n’y aucun héroïsme dans cette histoire, c’est une histoire humaine qui est la fois triste et touchante".


Source France24