Disponible sur Apple TV+, le programme met en scène la mission dangereuse d’une agente du Mossad à Téhéran. Palpitant et crépusculaire, il montre un pays à la population profondément divisée.Certes, regarder une fiction israélienne sur la situation actuelle en Iran, c’est un peu comme demander au président de l’Automobile Club de France son opinion sur la politique d’Anne Hidalgo. Sa réponse est assez prévisible. C’est ce que l’on s’est dit avant de jeter un œil à "Teheran". Et pourtant.......Détails.........
Ce récit d’espionnage est financé par la chaîne publique israélienne Kan 11. Avant même sa diffusion en juin dernier, il était acquis par Apple TV+ pour être mondialement distribué.
Il le doit à ses qualités narratives et d’interprétation, mais pas seulement. Comme l’a écrit le grand quotidien de gauche de Jérusalem, Haaretz, "Teheran" a le mérite de multiplier « les points d’intrigue inattendus et même un peu subversifs ».
Le thriller a été filmé à Athènes et parsemé de vues générales de Téhéran. Il nous place dans le sillage de Tamar Rabinyan. Cette hackeuse israélienne est envoyée par les services secrets de son pays, le Mossad, pirater les radars protégeant une centrale nucléaire iranienne.
Elle est censée se faire passer pour une technicienne persane travaillant dans une compagnie d’électricité. Très vite, ce plan part en vrille et Tamar se retrouve traquée dans la mégapole aux quinze millions d’habitants. Belle, douée pour la baston, la jeune femme sourit peu et porte en elle un mystère magnifié par ses envoûtants et interminables cils.
Malgré sa crinière de jais, elle nous fait beaucoup penser à Carrie Mathison, l’inoubliable héroïne de “Homeland”, incarnée par la blonde Claire Danes. Les deux espionnes ont en commun un sens du tragique qui précipite dans l’abime tous ceux qui ont le malheur de vouloir les aider.
Le patriote entêtement de Tamar jonche ainsi son errance de cadavres.
TAXI DÉSABUSÉ
Sur son chemin, elle croise également des acteurs iraniens vus dans d’autres fictions aimées, comme Shaun Toub (“Homeland”) ou Shervin Alenabi (“Le bureau des légendes”).
On peut ici remercier la révolution islamique de 1979 : en chassant près de 480.000 habitants, elle a fourni un riche réservoir d’acteurs aux productions étrangères souhaitant représenter l’Iran. Parmi ces exilés, 67 000 juifs ayant choisi Israël comme nouveau pays.
Tamar est issue de cette diaspora qui compte aussi Moshe Katsav, président israélien de 2000 à 2007. Semi-apatride chez elle, pourchassée là où poussent ses racines, elle est le véhicule idéal pour observer les fractures à l’œuvre au pays des mollahs.
Durant sa mortifère ballade, elle croise un taxi désabusé se demandant « À quoi ça sert la bombe quand l’argent est dévalué chaque mois ? ». Ou des étudiants aux points de vue diamétralement opposés. Une moitié demande le droit de ne pas porter le hijab à la fac quand l’autre moitié répond « Khamenei est notre prophète ! ».
On est bien loin des débats français sur le crop-top au lycée. Les images de ces deux jeunesses se battant au ralenti sont les plus marquantes du troisième épisode.
ELDORADO SÉRIEL
Autre élément marquant, le script signé par le scénariste de “Fauda”, Moshe Zonder. Alors qu’on regrettait – ici-même en juin dernier – le manque d’objectivité de cette autre production made in Tel Aviv, on est ravis de ne pas réitérer cette critique.
Certes, la série met aussi en scène une opération militaire. Mais le rigorisme des Gardiens de la Révolution et leur violence quand il s’agit de réprimer la rue sont assez documentés pour ne pas mettre en cause la partialité de Zonder.
Il montre aussi que le Mossad fait peu cas de la morale pour arriver à ses fins.
Ayant compris, comme tout le monde, qu’Israël est le nouvel Eldorado sériel, Apple a décidé de continuer à y faire ses emplettes.
Le géant de Cupertino vient de racheter les droits de “Losing Alice”, thriller psychologique à dominante féministe. Encore un programme qui n’aura pas les honneurs d’une diffusion en Iran.
Source Marianne
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