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jeudi 9 juillet 2020

Série d’explosions en Iran : le pouvoir cultive le flou


Si les causes de la majorité des incidents ayant eu lieu ces deux dernières semaines restent vagues, le complexe nucléaire de Natanz pourrait avoir subi une opération de sabotage. Une image satellite, datée du 8 juillet 2020, montre un gros plan sur un bâtiment endommagé par un incendie sur l'installation nucléaire de Natanz, en Iran.......Analyse.......

C’est un cauchemar qui n’en finit plus pour la République islamique. Depuis la fin du mois dernier, le pays est en proie à une série d’incidents qui touchent des infrastructures civiles, militaires et nucléaires. 
Le 25 juin, une explosion a eu lieu près d’une base militaire à Téhéran, la capitale. 
Quelques jours plus tard, une autre est survenue dans une clinique médicale dans le nord de la ville. 
Le 2 juillet, c’est autour du site nucléaire de Natanz, qui abrite plusieurs centrifugeuses destinées à la production d’uranium enrichi, de prendre feu. Selon l’agence officielle IRNA, une fuite de gaz chlorine s’est produite dans un centre pétrochimique du sud-ouest de l’Iran le 4 juillet. 
Plus tôt dans la même journée, un transformateur a explosé dans la centrale électrique d’Ahvaz. 
Le 7 juillet, enfin, une explosion a eu lieu dans l’usine Oxijen, à Baqershahr, dans le sud de Téhéran. 
De son côté, le régime iranien communique de manière extrêmement prudente, voire au compte-gouttes. 
Cette multiplication d’incidents dans un laps de temps très court est symbolique tant elle met en exergue les fragilités du gouvernement actuel. 
Si les explosions sont d’origine accidentelle, elles témoignent de son incapacité à maintenir les infrastructures du pays en sécurité et font également écho au drame de l’avion ukrainien abattu accidentellement par les forces antiaériennes en janvier, ainsi qu’au tir de missile involontaire contre un navire iranien par une frégate nationale en mai.
Si, au contraire, ces explosions sont le résultat d’actions ciblées, elles soulignent l’impuissance du pouvoir à affronter certaines menaces, qu’elles émanent d’acteurs internes ou externes, dans un contexte où le pays est en proie à une grave crise économique et sanitaire, et alors que les alliés régionaux de Téhéran, en Irak comme au Liban, ne cessent d’être mis en difficulté.
Le manque d’informations partagées par le régime renforce la confusion autour de l’origine de ces incidents et d’une éventuelle corrélation entre eux. Mais il se pourrait que, selon les cas, les causes soient différentes.
« Concernant la base militaire, cela pourrait tout à fait être un accident. Idem pour certaines explosions en zone industrielle. L’Iran traverse une situation économique terrible et les opérations de maintenance sont probablement en diminution faute de fonds », indique Fabian Hinz, chercheur associé au James Martin Center for Nonproliferation Studies (CNS), spécialiste de la prolifération de missiles dans la région MENA.
« Différents sites sensibles sont touchés par ces explosions. En général, les responsabilités sont imputées par le régime à des causes humaines. Dans le cas de la centrale électrique d’Ahvaz, les causes sont attribuées à une hausse de la température entraînant une plus grande consommation. 
Et effectivement, il y a une vague de sécheresse qui entraîne une surconsommation électrique. 
L’origine pourrait donc être accidentelle », commente pour sa part Jonathan Piron, conseiller au sein d’Etopia, centre de recherche basé à Bruxelles. « En revanche, concernant ce qui s’est passé à Natanz, un site d’enrichissement en uranium lié au programme nucléaire, le régime ne communique pas. Il a des informations mais ne les a pas encore divulguées. Natanz est un site normalement très protégé, qui fait partie du programme nucléaire. Ce n’est pas un site anodin. Une telle explosion interpelle. »

Sabotage ou accident ?

Le service en langue persane de la BBC, la radio-télévision publique britannique, a avancé l’hypothèse d’une action menée contre la centrale nucléaire de Natanz par un mystérieux groupe iranien, « Les guépards de la patrie », dont les membres se présentent comme des « dissidents au sein de l’appareil sécuritaire iranien ». 
Le groupe aurait envoyé un message au média dans lequel il revendique la responsabilité de l’attaque.
« Lorsque l’on regarde les images satellites concernant Natanz, les dommages sont très sévères. 
Il est clair qu’il s’agit d’une explosion. Si l’on obtenait une telle image concernant une infrastructure en Syrie ou au Yémen, je penserais immédiatement qu’il s’agit d’un bombardement aérien. Cela pourrait aussi être le résultat de matériels explosifs placés sur le site », avance Fabian Hinz.
Le 2 juillet, l’agence officielle IRNA a suggéré dans un article la possibilité d’un sabotage perpétré par des ennemis de Téhéran tels qu’Israël ou les États-Unis, tout en évitant de les accuser directement. 
Le lendemain, trois officiels iraniens ont confié à l’agence Reuters, sous couvert d’anonymat, qu’ils pensaient qu’une cyberattaque serait à l’origine de l’incendie au sein du complexe nucléaire. 
Le ministre israélien de la Défense a, de son côté, affirmé dimanche que l’État hébreu n’était pas « nécessairement » derrière chaque incident « mystérieux » en Iran.
« Certaines personnes ont évoqué la possibilité d’une cyberattaque. Cela pourrait l’être, mais c’est un peu difficile à imaginer car généralement, dans un atelier d’assemblage de centrifugeuses, on n’a pas vraiment de matériel qui explose. 
Peut-être s’agit-il d’un réservoir de gaz. Mais il est possible que des explosifs se trouvaient dans le bâtiment. Il est peu probable que le site ait été bombardé depuis les airs, mais je n’exclurais pas complètement cette possibilité non plus », soutient Fabian Hinz.
Le porte-parole du Conseil suprême de la sécurité nationale a déclaré le 3 juillet que des enquêtes « ont permis d’établir avec précision les causes de l’accident (…) au sein du complexe nucléaire de Natanz », tout en reportant leur annonce à plus tard pour « certaines raisons de sécurité ».
« Tous les regards se portent vers Israël qui, pour le moment, est le seul à avoir les capacités opérationnelles pour réaliser cette attaque et ne pas être gêné par toute une série de déstabilisations intérieures, décrypte Jonathan Piron. Les États-Unis, pour l’heure, ne sont pas dans une stabilité qui leur permet de mener ce genre d’opération. 
L’Arabie saoudite n’a pas les moyens de conduire ce genre d’attaque. Et il n’est pas possible qu’un acteur présent sur place puisse entrer sur le site et le saboter. » 
Début mai, une tentative de cyberattaque visant à perturber l’approvisionnement en eau dans au moins deux endroits en Israël avait été imputée à l’Iran. 
La réponse israélienne ne s’est pas fait attendre. Le 9 mai, le trafic maritime au terminal portuaire de Chahid Rajaee en Iran s’était brusquement arrêté. Les ordinateurs qui régulent le flux des navires et des marchandises s’étaient tous effondrés au même moment et de manière inexplicable.
Si la thèse du sabotage est confirmée, l’explosion sur le site de Natanz inflige un sérieux camouflet à la posture iranienne sur la scène internationale concernant le dossier du nucléaire. 
Dans le sillage du retrait américain de l’accord de Vienne, la République islamique avait annoncé sa décision de réduire ses engagements pris devant la communauté internationale et de reprendre les activités d’enrichissement d’uranium. 
Selon plusieurs experts, l’explosion du 2 juillet ralentit le programme nucléaire iranien sur plusieurs mois, voire sur une à deux années. « C’est l’instrument même de la communication et du positionnement du régime par rapport au dossier du nucléaire qui est touché. Mais ça ne met pas le programme nucléaire foncièrement en danger. 
Les Iraniens ont les moyens de rétablir et de relancer leur programme. L’incident n’empêchera pas le pouvoir en place de continuer à enrichir son uranium », souligne Jonathan Piron.

Source L'Orient le jour
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