La Libération et ses déceptions : l’avènement de la IVe République n’a profondément rien changé aux yeux de ceux qui, dans la Résistance, avaient rêvé d’une société idéale, égalitaire et juste.
La Libération et les divisions d’anciens maquisards communistes : d’un côté, les « connivents », qui acceptent de jouer la carte politique et le jeu démocratique, de l’autre, les « purs », qui prônent « l’action directe » et pratiquent le terrorisme au nom de l’intransigeance révolutionnaire.
POINTS FORTS
Sur la forme, un style reconnaissable, une langue très orale, des images à foison, une gouaille pétrie d’authenticité, signant la qualité de l’écrivain.
Sur le fond, un propos qui n’a rien de neutre.
Meckert a beau être lui-même un révolté, un anarchiste, il n’en dénonce pas moins vigoureusement la folie des « purs » qui, au nom de la construction d’un monde idéal, se révèlent prêts à tout au risque de ressembler comme des frères à leurs pires ennemis d’hier : les nazis.
Ils se voulaient justiciers, les voilà tueurs et c’est en vain que Lucas, le maquisard communiste élu conseiller général – qualifié depuis par ses anciens amis de « bigot rouge » et considéré comme un « pet de lapin » - s’indigne de les voir « assez couillons pour croire qu’il suffit d’assaisonner de temps en temps [un profiteur] pour obtenir paix, justice et prospérité » … Rien n’y fait, la « guerre aux ploucs » est déclarée … « Aux purs, tout est pur », y compris le crime.
POINTS FAIBLES
L’histoire et certains personnages manquent quelque peu de crédibilité, sauf à considérer le tout comme une allégorie.
EN DEUX MOTS
Soyons clair : il ne s’agit pas là du meilleur des romans de Meckert, loin de là ; il permet néanmoins de pénétrer dans son univers par le biais d’un moment d’histoire rarement exploité.
UN EXTRAIT
« Laurent n’aimait pas les ploucs, cette race inférieure. (…) Ah ! les sales truies immondes ! Quand ils vous jugeaient de bas en haut, dans un coin de porte, graisseux et luisants, pétant de la bedaine, tripes à l’image de Dieu, mâles et femelles, qui vous sentaient la faim au ventre et vous faisaient attendre trois heures près du fumier ! … Ah ! les sales maîtres !
Dégoût sans nom du nombre, maintenant tous électeurs, les gorets, maîtres encore, tabous, protégés, encensés par les politiques !
Paysans, commerçants, toute la bassesse du monde, profiteurs des misères, hyènes, chez qui un homme de bonne race prend figure d’incongru !
Non vraiment, si l’on cassait la gueule à quelques-uns de ces salauds, on n’accomplissait qu’un devoir humain d’autodéfense ! Avait-on assez craché sur le juif !
Et le plouc, donc ! Le plouc aux champs, le plouc en boutique, le plouc en caserne, le plouc en bureau, le plouc en usine, toujours profiteur, combinard, fort en gueule et bestial ! A quand donc, la ligue anti-plouc ? A quand l’extermination de la race ! »
L'AUTEUR
Jean Meckert (1910-1995) a publié neuf romans entre 1941 et 1954 chez Gallimard dans la collection Blanche, dont Les Coups, son livre majeur, livre « culte », réédité en Folio, salué à raison avec enthousiasme par Gide, Queneau, Martin du Gard et Jean-Jacques Pauvert qui l’adouba comme « l’un des très grands livres du XXe siècle » ...
Sous le pseudo de Jean Amila, Meckert est également l’un des plus prolifiques auteurs français de la mythique « Série noire » où il publia une vingtaine de titres entre 1950 et 1985, dont une dizaine furent portés à l’écran.
Source Atlantico
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