La foudre tue nos forêts, titre même le New Scientist. Elle provoque des incendies qui réinitialisent les écosystèmes, augmentent les gaz à effet de serre et libèrent d’autres polluants, en plus de faucher certains des plus magnifiques arbres anciens.
L’article cite Steve Yanoviak, un écologiste de l’Université de Louisville, Kentucky, un des nombreux chercheurs confrontés aux effets sous-estimés de la foudre sur le milieu naturel.
En plus de l’impact des changements climatiques sur l’augmentation probable de la fréquence des coups de foudre, la croissance démographique et les changements dans l’utilisation de nos terres, exacerbent ces effets.
Lorsque le sol se réchauffe, l’air chaud chargé d’humidité s’élève. Lorsque ça refroidit, la vapeur d’eau se condense autour de particules microscopiques, comme la poussière, le pollen, le sel marin et la fumée, pour former des gouttelettes et des nuages.
Au fur et à mesure qu’elles montent et refroidissent, ces gouttelettes se transforment en glace. Les particules de glace plus légères montent au sommet du nuage et ont tendance à perdre des électrons, devenant chargées positivement, tandis que des particules tombantes, plus lourdes, ont tendance à gagner des électrons et à devenir chargées négativement. Le potentiel électrique entre les deux tente d’établir un équilibre alors que des étincelles géantes se forment dans le nuage.
Bien que les données soient incomplètes, on estime que la foudre tue jusqu’à 24 000 personnes par année dans le monde et en blesse 10 fois plus, particulièrement dans les pays en voie de développement.
Dans une étude récente, le météorologue Ronald L. Holle, co-auteur du livre Reducing Lightning Injuries Worldwide, a souligné comment la foudre culmine au Bangladesh en avril et mai, la période de l’année où les agriculteurs doivent récolter leur riz.
Bien que les feux de forêt causés par la foudre aient toujours fait partie du cycle forestier, ils constituent un phénomène de plus en plus indésirable dans les zones frappées par la sècheresse. La foudre a été le principal déclencheur des incendies désastreux du début de 2020 en Australie.
L’effet peut aussi ne pas être immédiat.
L’écologiste britannique Lucy Rowland, à l’Université d’Exeter, qui avait planté des aiguilles dans quelques arbres de la forêt amazonienne pour mesurer l’écoulement de la sève, a trouvé, après le passage d’un orage, ses instruments ruinés, mais l’arbre sans signe apparent de dommage. Quelques mois plus tard, cet arbre et ses voisins étaient morts.
Le collègue de Lucy Rowland, Tim Hill, qui s’est penché sur les données satellitaires sur la foudre et le recensements des arbres, avance que si chaque arbre avait une chance égale d’être frappé, la foudre serait insignifiante pour le sort de la forêt, mais pas si les plus grands arbres le sont plus souvent. Or, ceux-ci sont souvent des structures-clés pour la forêt et la biodiversité, en étant des hôtels pour insectes.
Pour déterminer quels sont les arbres principalement atteints, Steve Yanoviak a installé un système de caméras de surveillance au-dessus de la canopée de la forêt panaméenne, ainsi que des mètres de fils sur le sol susceptibles de détecter une surtension électrique.
Jusqu’à présent, leurs résultats indiquent que la moitié des décès de grands arbres tropicaux sont dus à la foudre – il semble qu’une seule frappe puisse rebondir sur un arbre pour affecter en moyenne cinq autres. Si les autres forêts tropicales réagissent de la même façon, cela signifie que la foudre pourrait éliminer environ 190 millions d’arbres tropicaux chaque année dans le monde.
Comme la planète se réchauffe et que la convection atmosphérique nécessaire pour créer la foudre augmente, il y a de bonnes raisons de croire que ces chiffres soient à la hausse.
En 2014, David Romps de l’Université de Californie, à Berkeley, avait fait sensation avec un modèle qui prévoyait que la foudre augmenterait à mesure que la planète se réchaufferait. Celui-ci prévoyait que, pour chaque hausse de 1 °C de la température mondiale, il y aurait une augmentation de 12 % de l’incidence de la foudre au-dessus des États-Unis.
Pour sa part, Sander Veraverbeke, de la Vrije University à Amsterdam, a étudié l’incidence de la foudre dans les forêts d’épinettes et de pins du nord du Canada et de l’Alaska, et a constaté que les feux de forêt allumés par la foudre dans la forêt boréale ont augmenté de 2 à 4% par année au cours des 40 dernières années.
Le modèle de David Romps ne fait pas l’unanimité. L’an dernier, Declan Finney de l’université de Leeds, au Royaume-Uni, a soutenu qu’il ne tenait pas compte de la quantité d’eau évaporée qui se transforme en glace dans les nuages. Son propre modèle prédisait au contraire une chute de l’incidence de la foudre
Le professeur en sciences de l’atmosphère de l’Université de Tel Aviv, Colin Price, étudie les données des « jours du tonnerre » collectées depuis des années autour de la planète.
Ces relevés montrent une augmentation des orages depuis 1970 dans des endroits allant du sud-est du Brésil au Royaume-Uni et du Japon à l’Alaska – une augmentation, dit-il, de 40 % pour chaque hausse de 1°C.
Aux États-Unis, le satellite Geostationary Lightning Mapper, lancé en 2016, permet de prévoir les tempêtes de foudre imminentes dans les régions côtières de l’est et de l’ouest. L’Europe parle de lancer une version plus ambitieuse, le Lightning Imager, en 2022.
Source Science Presse
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