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dimanche 28 juin 2020

Perpignan : le temps des rafles


Combien d’entre nous savent encore aujourd’hui que Perpignan, comme tant d’autres villes de France, a connu les rafles de juifs. Le 10 juillet 1940, les députés votent les pleins pouvoirs à Pétain. Vont commencer alors des années noires qui ne vont pas épargner Perpignan. La ville va connaître quelques années plus tard des rafles de juifs.......Détails.......


Témoignage 

Elle s’appelait Mathilde. Mathilde Arira. Elle était commerçante à Perpignan, rue des Augustins, dans un magasin qui porte encore aujourd’hui son prénom. Elle était Juive. 
Arrêtée par les Allemands au cours d’une rafle, Mathilde a été gazée à Auschwitz. 
C’était le 3 novembre 1943, il y a juste cinquante-quatre ans. Son fils, Sylvain, épargné par un concours de circonstances miraculeux, témoigne…
« Mes parents étaient Grecs, se souvient Sylvain Arira. Ils sont arrivés dans le département dans les années 1930. 
Ma mère avait une boutique qui existe encore rue des Augustins, le magasin Mathilde, qu’ elle avait créé. Elle se croyait protégée par les Conventions de Genève. 
Mon père était, en effet, prisonnier de guerre. De nationalité grecque, il s’était engagé en 1940 dans la légion étrangère. J’ avais 15 ans, à l’ époque. J’allais au collège moderne, celui qui s’ appelle aujourd’hui Jean Moulin. Le 3 novembre 1943, c’était un mercredi. 
Le lendemain, jeudi, on n’allait pas à l’école. La veille, c’était férié. La veille ou le lendemain, j’aurai été à la maison et j’aurai été pris. Ce mercredi matin, j’ étais donc au collège. Les Allemands sont arrivés, ils ont arrêté ma mère vers 9 heures Ils se sont ensuite rendus à la maison, rue Neuve, et ont pris ma grand-mère qui avait alors 80 ans. 
En face du magasin de ma mère, rue des Augustins, se trouvait un commerçant que l’on connaissait bien. Pierre Chauzy. Quand il a vu les Allemands arriver, il est allé au-devant de ma mère. 
Elle lui a juste dit : “Le petit est au collège”. Pierre Chauzy s’ y est rendu immédiatement, a fait appeler le proviseur. Il m’a fait prévenir de ne pas retourner à la maison. 
Je savais où aller. J’avais des parents, rue de la Barre. Des parents juifs qui auraient dû être raflés le même jour.

De la citadelle à Auschwitz

Le 3 novembre 1943, le jour où l’on a arrêté ma mère, quatre cents autres Juifs, dont un enfant de un an, ont également été arrêtés, tous à Perpignan. Il y avait ici une très forte colonie juive, venue de Paris, qui s’était repliée. (…) On est parti avec cette parente et son vieux mari de la rue de la Barre à la place Cassagnes, chez un Alsacien, M. Grandjean, qui servait d’ interprète à la Gestapo. 
Grandjean nous a cachés et hébergés pendant pratiquement un mois. Le 2 décembre, un autre homme, Marcel Torjman, m’a habillé au “Derby” – Je n’avais rien, j’étais parti sans repasser chez moi. Torjman m’ a emmené en voiture jusqu’ à Toulouse. 
De là-bas, une tante m’ a conduit jusqu’à Albi, dans un couvent, un orphelinat de garçons dont le père était un Catalan, l’ abbé Fabre. J’ai passé toute la guerre là-bas sans être inscrit sur aucune liste. (…) Après son arrestation, ma mère a été enfermée à la Citadelle. 
J’ai appris qu’elle était partie dans un convoi le 20 novembre. Elle a été gazée à son arrivée au camp d’Auschwitz. (…) Mon frère Jacques, était parti vers l’ Espagne pour éviter le STO. Les Allemands l’ont pris avec un ami, le 4 avril 1943, de l’autre côté de la frontière, dans les Albères. Il a été emprisonné à la Citadelle, puis convoyé à Drancy avant d’ être déporté à Buchenwald. Il y a passé 19 mois avant d’être libéré, à la libération. 
Il a ensuite passé deux à trois mois à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris avant de revenir à Perpignan. Quand mon père est rentré, à la fin de la guerre, le seul qui restait, c’était moi. Mon frère n’ est rentré que quelques mois plus tard… ».

1943 Le temps des rafles

Flash-back. Le 10 juillet 1940, les députés votent les pleins pouvoirs à Pétain. Seuls quatre-vingt d’entre eux s’y opposent. Les députés des P.O., Louis Noguères et Joseph Rous, le séna- teur Georges Pézières sont de ceux- ci. Le sénateur socialiste Joseph Parayre s’abstiendra. 
Ces hommes seront considérés comme des traîtres au retour de Vichy où était rassemblé le Conseil. Rous, de retour à Prades, est injurié et frappé dans la ville du Conflent. Il s’exila en Ariège. 
Noguères, le conseiller général de Thuir, sera considéré comme démissionnaire. Pézières, le député de Céret, trouva une mort inexpliquée en 1941. Leur vote négatif ne servit à rien. Le département comme le reste de la France basculait sous Vichy.

Camps de Rassemblement national

Partout comme ailleurs, l’administration française allait suivre, précéder parfois, les volontés des vainqueurs. Ici comme à Bordeaux, des fonctionnaires de la préfecture vont signer les ordres de départ des convois vers Drancy puis vers les camps de la mort. 
En parallèle vont se constituer des corps collaborationnistes. La milice est créée le 28 février 1943 dans le cinéma le Paris avec, à sa tête, André Cutsach, maréchaliste convaincu, qui fera machine arrière quelque temps plus tard. 
A cette date pourtant, une partie importante de l’histoire s’est déjà jouée. Selon l’historien Jean Larrieu, auteur de plusieurs ouvrages sur cette période, ce sont environ 20 000 juifs qui passeront par le camp de Rivesaltes, devenu camps de rassemblement national et dans lequel seront regroupés rapidement les juifs et les réfugiés espagnols encore détenus dans les camps de Saint Cyprien et d’ Argelès. 
Tous les convois partis du camp de Rivesaltes ont été organisés par l’administra- tion française « Entre le 11 août 1942 et le 5 octobre 1942, 1 911 juifs d’ origine étrangère, non français, seront déportés vers Drancy puis les camps de la mort. Tous ces convois ont été organisés par l’ administra- tion française ». Le secrétaire général de la préfecture, Jean Latscha, signe les ordres de départ des convois. 
Comme Papon, et comme d’autres, son action reste complexe. Ne dit-on pas que dans le même temps, ou quelque temps plus tard, le même homme cachera, dans la préfecture même, des résistants, des aviateurs recherchés, a qui il fera franchir la frontière. 
Le secrétaire général, muté le 11 août 1943, refu- sera de partir et quittera le corps préfectoral. 
On retrouve ensuite sa trace dans le réseau de résistance Maurice, celui de Jean Olibo, Jean-Louis Vigier, Jean Parayre, Marthe et Joseph Boix, entre autres, réseau qu’il intégrera. 
Blanc ou noir, pas grand-chose de ce qui remonte de l’époque n’est clair. Les événements sont à l’image de l’époque, troubles. A la libération, Jean Latscha sera nommé préfet des Pyrénées-Orientales. Papon, lui, a continué sa car- rière jusqu’à devenir ministre de la République. 
La date charnière selon Jean Larrieu, « cette date à laquelle il s’est passé quelque chose qui a fait tourner la tête à beaucoup de monde, c’ est le 8 novembre 1942, date du débarquement des Américains à Alger et à Casablanca ». Le vent tourne. 
Le souffle commence à changer de camps. Les comportements pro-vichystes se font plus prudents. Certains, très impliqués, commencent à tenter de prendre contact avec les mouvements de résistance. Mais le 8 novembre 1942 ne stoppera pas l’horreur. 
En 1943, le préfet, suivant les ordres de Vichy, organise le recensement des juifs en préfecture. La mention « juif » figure dès lors sur leurs papiers. Les étoiles jaunes apparaissent dans les rues de Perpignan. Puis, les rafles s’organisent. 
Selon Jean Larrieu, 1 506 personnes habitants les P.O. seront arrêtées par les soldats allemands et déportées. Résistants, communistes, francs-maçons, juifs, gitans. 
Un tiers de ces arrestations ont pour base des motifs raciaux. Sur les 1 506 personnes déportées, seul un tiers reviendra des camps.

Source La semaine du Rousillon
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