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mardi 3 mars 2020

Carentan : Georges et Valentine, héros discrets, bientôt reconnus Justes parmi les Nations ?


Un récit presque oublié, revenu du passé un peu par hasard, en même temps qu’une leçon de vie et une ode à l’obstination. Dans quelques années, les noms de Valentine et Georges Tourneux seront peut-être gravés dans le marbre, à Cherbourg, sur la stèle qui doit être inaugurée en mai par le conseil départemental pour honorer les Justes parmi les nations manchois.......Détails......

Olivier Jouault, professeur d’histoire du collège Gambetta de Carentan, travaillait il y a une petite dizaine d’années sur Georges Cigareff, un Gaulliste mort en déportation.

Un dossier d’une soixantaine de pages

Au cours de ses investigations, une discussion avec Yvette Marie, une dame de Carentan. Celle-ci lui raconte qu’elle était apprentie couturière chez les Tourneux, un couple sans enfant. Elle lui révèle que le couple cachait un juif pendant l’Occupation. 
Olivier Jouault décide d’exhumer cette histoire et réussit à retrouver l’enfant. Il se nomme Jean-Claude Prager et vit à Lyon. Un très grand travail d’enquête débute.
Le titre de « Juste parmi les Nations » revient à ceux et à celles qui, au risque conscient de leur vie et sans contrepartie, ont sauvé des Juifs persécutés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est attribué à titre individuel, nominativement « au nom du peuple juif reconnaissant ».
Près de huit ans plus tard, le dossier de demande de reconnaissance est bouclé. Il a été envoyé officiellement vendredi 28 février. Il comporte une soixantaine de pages. « Quelque part, c’est un soulagement », raconte Olivier Jouault.

Une deuxième famille


Une très rare photo du couple avec Jean-Claude.

En remettant en ordre les pièces du puzzle, on se demande ce qui a pu traverser l’esprit du petit Jean-Claude, quatre ans et demi en 1943, lorsqu’il s’apprêtait à monter dans un train pour Carentan en écoutant une dame qu’il ne connaissait pas lui dire qu’il s’appelait maintenant d’un autre nom. 
Sa maman, Berthe Prager, et son petit frère, Richard, âgé de 2 ans, ne l’accompagnent pas. 
Son papa, Léon, est mort un an plus tôt au terme de sa détention au camp de Compiègne, victime d’une rafle antisémite en décembre 1941.
Sans emploi, Berthe Prager va réussir à sauver ses enfants, grâce à l’entremise d’un voisin, qui a pour ami Georges Rehault, représentant de commerce de l’entreprise de filage et tissage Weill et compagnie.
Une comptable de l’entreprise, Alice Polo, accepte d’héberger Richard, dans la banlieue sud de Paris. Une de ses soeurs, Valentine, couturière à Carentan, protégera Jean-Claude. 
Avec son mari, Georges Tourneux, directeur de l’usine de phosphates de Brévands, ils recueillent le petit garçon dans leur appartement.

Le lien jamais rompu


Jean-Claude, en 1944

Georges et Valentine n’ont pas d’enfant. Pour les voisins et l’entourage, Jean-Claude est un neveu, évacué de Paris. Arrivé malade, le petit garçon retrouve de la force grâce à ses protecteurs. 
Avec Georges, il s’initie aux rudiments de la sculpture. Il accompagne Valentine le dimanche à la messe, impressionné par le cérémonial.

Le petit garçon retrouve sa maman

Après avoir fui Carentan pendant les combats de la Libération, la petite famille revient dans la baie du Cotentin.
En 1946, le petit garçon retrouve sa maman. Pendant toutes ces années, Berthe a réussi à échapper aux arrestations. 
Entre les familles, le lien ne fut jamais rompu. Pendant plusieurs années, Jean-Claude revint passer des vacances à Carentan.
Valentine s’éteignit subitement, en 1954. 
Georges la rejoindra en 1972. Jean-Claude, qui fonda une famille, a toujours pris soin de la tombe de sa bienfaitrice. 
En 2004, c’est lui qui renouvela la concession du terrain dans le cimetière.

Des souvenirs


Yvette Marie, aujourd'hui disparue, devant la tombe de Valentine Tourneux, en 2013

Dans les souvenirs d’Yvette Marie, contés maintes et maintes fois à ses enfants qui, subjugués, en redemandaient, le garçonnet avait les cheveux et les yeux noir geai :
Il était toujours très bien habillé et portait un short d’un beau drap, et un pull à col V. J’étais gamine mais tellement fière de pouvoir le promener à Carentan, d’aller à la messe avec lui. 
C’était comme mon petit frère. Il venait chercher le pain avec moi. Il m’accompagnait aussi à Vindefontaine, chez mes grands-parents à qui je disais : je vous emmène le neveu de Madame Tourneux.

Quatre témoignages

Jean-Claude est aujourd’hui très malade. En plus de son propre témoignage, Olivier Jouault en a compilé trois autres : la fille de Jean-Claude, le frère de Jean-Claude et la fille d’Yvette Marie. Les critères sont très stricts.
Les témoignages doivent être aussi précis et détaillés que possible quant aux dates, aux lieux et aux circonstances. 
Les signatures des témoins doivent être certifiées par un officier ministériel en mairie. Tout témoignage doit être accompagné de la photocopie recto verso d’une pièce d’identité.

Le dossier étudié en Israël

Le dossier est étudié à Paris, puis transmis à Yad Vashem où « la Commission des Justes » statuera. Yad Vashem Jérusalem est seul habilité à décerner le titre de « Juste parmi les Nations ».
La démarche est validée par la Cour suprême d’Israël. Il faudra de longs mois.

Un arbre pour les Justes

La France est le troisième pays le plus représenté après la Pologne et les Pays-Bas. En tout, ils sont un peu de 25 000 dans le monde. Des collégiens de Carentan l'ont visité au printemps dernier.


Dans l’allée des Justes, le souvenir de Manchois. La France est le troisième pays le plus représenté après la Pologne et les Pays-Bas. En tout, ils sont un peu de 25 000 dans le monde. Des collégiens de Carentan l’ont visité au printemps dernier

On dit de certains arbres qu’ils durent pour toute la vie. À Yad Vashem, à Jerusalem, les arbres choisis sont ceux qui donnent le plus tard des fruits, pour mieux signifier la portée des Justes sur le temps long. 
Sauver une vie, c’était souvent sauver toutes celles de sa descendance.
Dans l’allée des Justes plantée d’arbres à leur nom, celui de Louis Gosselin, aumônier de Cherbourg, apparaît. 
Il est venu lui-même le planter en 1971. Et puis, parce qu’il y avait beaucoup de Justes partout en Europe, les noms suivants ont eu leur nom gravé sur des murs, pays par pays.

Liste vertueuse

Dans cette liste vertueuse, Maxime Leluan. Entré en 1942, dans la Résistance dès la création du réseau clandestin de Libé Nord, il était devenu inspecteur de police à Cherbourg, après avoir quitté son boulot au port militaire, refusant de travailler pour l’occupant.
Il permit à Raymond Calamaro, un Cherbourgeois juif, de continuer à travailler malgré la législation répressive en lui procurant une fausse carte d’identité. Il l’encouragea à fuir en apprenant qu’il allait être arrêté quelques heures plus tard.
En 1943, il permit à un autre habitant juif de Cherbourg, Léon Blumzak, d’échapper à la déportation. Le plus connu des Justes s’appelle Oskar Schindler.
La Manche compte aujourd’hui 32 Justes parmi les Nations. 
La liste pourrait s’allonger dans les prochaines semaines, sans compter la demande pour les époux Tourneux. 
Environ 3500 Justes, parmi les 25771 gravés à Yad Vashem, sont français.

     

Source Actu
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