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lundi 27 janvier 2020

"Les champs de la Shoah" de Marie Moutier-Bitan


C’est aussi la rentrée chez les excellentes et jeunes éditions Passés composés qui confirment leur volonté de publier des ouvrages d’histoire de très grande qualité. C’est ici, Marie Moutier-Bitan qui nous propose un ouvrage excellent, le mot est faible, sur l’extermination des juifs en Union soviétique entre 1941 et 1944.......Détails........



Marie Moutier-Bitan est doctorante en Histoire contemporaine, chercheuse et responsable des archives dans l’association Yahad-in Unum depuis 2009. Elle a effectué de nombreux séjours de recherche en Allemagne et en Europe de l’Est, ainsi qu’à l’United States Holocaust Mémorial Museum. Elle est déjà l’auteure des Lettres de la Wehrmacht.
Son dernier ouvrage est la première grande synthèse historique sur la Shoah par balles, il est l’aboutissement de plus de dix années de recherche. 
La démarche choisie est celle d’une histoire à hauteur d’homme, dans la mesure où nombre d’individus furent impliqués de près ou de loin dans la machine génocidaire, du bourreau à la victime, en passant par les innombrables voisins, situés dans cette zone grise qu’il faut encore préciser tant les comportements furent complexes. 
Marie Moutier-Bitan relate ainsi la fin d’un monde : au sortir de la guerre, des villages entiers ne comptèrent plus aucun juif, les ronces engloutirent bientôt les pierres tombales, puis aucune trace tangible des anciens ne subsista.
A la veille de l’opération Barbarossa, l’Union soviétique comptait environ 5 millions de juifs, dont plus de deux millions furent victimes de la politique génocidaire nazie. 
La plupart d’entre eux furent fusillés au bord de fosses, tandis que d’autres périrent de la faim, du froid, du typhus ou asphyxiés dans des camions à gaz.
Ce génocide sur les terres de l’Est se distingua par le fait que les bourreaux allèrent aux victimes, les principales unités responsables des massacres (Einsatzgruppen, bataillons de police, Waffen-SS, Wehrmacht) étant mobiles. Cette histoire s’ancre dans un territoire, un quotidien, une proximité. 
De la forêt de Ponary au ravin de Babi Yar, de la plage de Skede à Liepaja aux tranchées antichars de Moguilev, les campagnes devinrent un vaste cimetière.
Ce qui nous frappe à la lecture de l’ouvrage et qui le rend terriblement passionnant vient du choix narratif de l’auteur qui permet au lecteur de comprendre de l’intérieur les crimes commis contre les juifs. 
A cela s’ajoute une écriture superbe qui ne peut laisser le lecteur indifférent face à ces champs de la Shoah en Union soviétique entre 1941 et 1945.
Une fois l’ouvrage terminé, on comprend pourquoi Marie Moutier-Bitan a travaillé pendant 10 ans sur sa réalisation. 
Il est d’une précision chirurgicale impressionnante concernant tous les évènements criminels qu’il relate. 
Toutes ses précisions ne nuisent pas à la lecture de l’ouvrage, au contraire, elles plongent le lecteur dans l’ouvrage et permettent d’étayer chaque fait raconté, que cela soit sous la parole, d’un bourreau, d’un voisin ou d’un témoin ou d’une victime.
L’ouvrage est construit autour de six parties qui évidemment ont une trame chronologique allant de 1941 à 1944 avec une première partie qui nous dresse un Etat des lieux de l’Union soviétique à la veille de l’opération Barbarossa, un pays composé de nombreuses nationalités avec près de 3 millions de juifs, présents surtout en Ukraine et en Biélorussie. 
Il est accompagné aussi de nombreuses cartes qui illustrent les propos de l’auteur.
Marie Moutier-Bitan nous dévoile ce qu’elle appelle une Shoah "intime", une Shoah où les bourreaux connaissent les victimes, avec des bourreaux qui viennent chez les victimes à l’opposé de la Shoah qui s’est déroulée dans le reste de l’Europe. 
Et puis elle évoque aussi les témoins, impliqués très souvent dans ces crimes, qui y participent aussi, ce fut le cas de nombreux paysans qui devaient notamment creuser les fosses où l’on mettait les cadavres. 
Cette sorte de soutien local peut être volontaire, ce fut le cas de certains paysans ukrainiens et lituaniens qui vont aller d’eux-mêmes participer à des pogroms quand d’autres sont réquisitionnés de force par les allemands pour accomplir les basses besognes.
L’histoire qu’elle nous raconte est souvent monstrueuse, à nous glacer le sang. Elle s’appuie sur de nombreux exemples qui caractérisent parfaitement la cruauté des allemands vis-à-vis des juifs d’Europe de l’Est. 
L’auteur nous prouve que les exactions menées contre les juifs font totalement partie de l’opération Barberousse puisqu’elles débutent très rapidement après le 21 juin 1941 par des premières fusillades de juifs.
Tout est organisé par les allemands, particulièrement suivi par Himmler et Heydrich, qui reçoivent régulièrement des rapports qui permettent de suivre l’avancée des Einsatzgruppen. Ils se rendent même sur le terrain lorsqu’ils ont l’impression que les crimes et les exécutions ne vont pas assez vite.
On apprend aussi que les Einsatzgruppen sont constitués d’allemands mais aussi de colons allemands présents en Union soviétique depuis bien longtemps, qui parlent le russe. 
Ils vont donc jouer un rôle d’interprètes parfaits et être utiles aux allemands car ils connaissent parfaitement les structures et les pratiques soviétiques.
On voit aussi les principaux problèmes qui se posent aux Einsatzgruppen qui à chaque fois montrent leur capacité d’adaptation. Ils ont des difficultés pour creuser des fosses car la terre est trop gelée.
Se pose aussi le problème pour brûler les corps lorsque les allemands se disent que les soviétiques pourraient trouver les fosses communes qu’ils ont laissées derrière eux et que cela pourrait être utilisé pour en faire de la propagande.
Alors voilà, ce livre de Marie Moutier-Bitan est un ouvrage exceptionnel qui m’a impressionné de par ce qu’il raconte mais aussi de par la précision des propos. On voit bien le travail effectué par l’auteur (on comprend bien les dix années passées à travailler) pour arriver à une analyse historique aussi précise de ces évènements. 
Cet ouvrage m’a autant impressionné que celui qui est paru il y a quelques mois sur l’opération Barabarossa, déjà aux éditions Passés Composés. 
Marie Moutier-Bitan est une immense historienne et ce qu’elle vient de nous proposer avec son ouvrage en est le témoin. Chapeau bas !
Amis historiens, camarades férus d’Histoire, vous ne pouvez pas passer à côté de cet ouvrage magistral qui fera date sur le sujet du génocide par balles en Union soviétique.

Source Froggy Delight
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