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lundi 22 juillet 2019

Témoignage: « J’avais 16 ans quand j’ai été déportée »


La Rennaise Magada Hollander-Lafon, 91 ans, est une rescapée du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. A l’occasion de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France, ce dimanche 22 juillet, voici l’intégralité de son témoignage livré le 22 mai dernier devant des lycéens lauréats du Concours national de la Résistance et de la Déportation.........Détails.........



Ce dimanche 22 juillet, à 11 h, à Rennes, se tient la cérémonie de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France, au mémorial des Martyrs de la Résistance et de la Déportation.
Cette journée correspond à la date anniversaire des rafles des 16 et 17 juillet 1942, au cours desquelles près de 13 000 personnes furent arrêtées dans Paris et sa banlieue, dont plus de 8 000 furent regroupées au Vélodrome d’Hiver (le Vél' d’Hiv) avant d’être déportées. 
Elle donne lieu chaque année à une cérémonie commémorative dans le square des Martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver, à Paris (XVe), devant le monument érigé à proximité de l’ancien emplacement du Vélodrome.
Il y a deux mois, la Rennaise Magda Hollander Lafon, 91 ans, déportée au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau avait témoigné devant les lycéens bretilliens lauréats du concours national de la résistance et de la déportation. Voici son témoignage.

«Une des rares survivantes»

« Je suis juive, née en Hongrie, j’avais 16 ans quand j’ai été déportée de ce pays avec ma famille. 
Je suis une des rares survivantes parmi les juifs hongrois.
Après les camps, au delà de toute la culpabilité d’avoir survécu, au delà de toutes les peurs, toutes les angoisses de me trouver toute seule face à la vie, je rêvais restaurer la dignité de l’homme là où son humanité a été bafouée, asservie, anéantie.
Parler et écrire, pour moi, sont une véritable épreuve. Mais je ne peux me dérober. J’ai derrière moi des milliers qui m’aident… J’obéis non pas à un devoir de mémoire mais à une fidélité à la mémoire de ceux qui ont disparu devant mes yeux, uniquement parce qu’ils étaient juifs.

«Tu dois vivre pour témoigner»

Il m’est revenu qu’à Birkenau, une mourante m’avait fait signe, ouvrant sa main qui contenait quatre petits bouts de pain. Elle m’avait dit : tu es jeune, tu dois vivre pour témoigner, pour ce qui se passe ici. Tu dois le dire pour que ça n’arrive plus jamais dans l’humanité.
J’ai oublié ce message pendant trente ans. Jusqu’au jour où j’ai lu dans une revue le mensonge de Darquier de Pellepoix, celui qui déportait les Juifs français, qui osait dire « qu’à Auschwitz, on n’avait gazé que des poux ».
« Cela m’a révoltée. 
La question est devenue pour moi : comment témoigner, comment transmettre une mémoire douloureuse de façon à mobiliser chez chacun un appel à la vie.

«Je ne me sens plus victime de la shoah»

J’ai senti que ma mémoire était restée longtemps sous l’emprise des bourreaux nazis. 
Elle ne pouvait être libérée que par un travail sur moi en reconnaissant, en revivant les blessures absorbées par ma peau. Ce chemin de pacification vers ma vie me permet de me dégager d’un poids immense, de me restituer à mon histoire personnelle, à mon identité.
Aujourd’hui, je ne me sens plus victime de la shoah, mais un témoin de la shoah. 
Si je me sentais victime de la shoah, je revendiquerais ma vie, au lieu de la vivre. Comment pourrais-je prendre ma place de témoin sans consentir à ce chemin ?

«J’ai une immense confiance en tous ces jeunes»

Je me sens une immense responsabilité quand je suis face aux jeunes. La foi dans la vie inspire toutes mes interventions. J’ai une immense confiance en tous ces jeunes. Ils sont magnifiques nos enfants ! 
Je le ressens plein d’attente, plein de présence, de sensibilité et d’ouverture. Ils posent des questions très profondes, ils sont habités d’une richesse personnelle qui m’émerveille.
Je les invite à changer leur regard sur eux-mêmes, d’avoir confiance en eux-mêmes. Je leur dis : quand vous êtes témoins d’une situation que vous ressentez comme inacceptable, comme humainement injuste, faites-vous confiance. 
Discernez, choisissez et devenez responsables de votre choix.

«Retrouvez l’espérance en l’humanité de l’Homme»

Transformez l’indifférence et l’ignorance en connaissance ! Combien, nous autres adultes, avons à changer notre regard sur eux. Je vous propose de les prendre là où ils sont, et non pas là où nous voudrions qu’ils soient. J’ai une foi immense en leur devenir.
Il nous reste maintenant à imaginer ensemble comment œuvrer, comment cultiver de vrais liens, avec moins de peurs, pour retrouver en nous l’espérance en l’humanité de l’Homme, et devenir des témoins vigilants, aujourd’hui, là où nous sommes. Demain dépend de chacun de nous. »


Source Ouest France
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