La voix déchirante du muezzin retentit sous terre. Tous les six mètres, une ampoule illumine le chemin menant à la salle de prière, dévoilant l'amas de tôles de fer qui compose la structure, creusée dans la montagne. Au sol, des bouches d'aération permettent de respirer dans cette galerie serpentueuse de 200 mètres de long sur 70 centimètres de large........Détails.........
Nous sommes sous la colline de Mleeta, au Sud-Liban, à 19 kilomètres d'Israël. C'est ici, en février 1985, que le Hezbollah, créé trois ans plus tôt par les clercs chiites libanais Sobhi Toufayli et Abbas Moussaoui avec l'aide des gardiens de la Révolution iraniens, est sorti de son anonymat pour proclamer la lutte contre l'occupant israélien.
Ce tunnel a été creusé à la pioche par les combattants du Hezbollah en 1986, pour échapper aux avions de reconnaissance israéliens ainsi qu'à la rigueur de l'hiver. Il a été rendu public vingt ans plus tard, au lendemain de la guerre de 33 Jours de 2006 entre Israël et le Parti de Dieu.
C'est ce type de tunnels qu'Israël a débusqué – et détruit – en décembre dernier sous la ligne bleue, la frontière tracée par l'ONU après le retrait israélien du Liban, en juin 2000.
Elles visaient, selon Tsahal, à s'infiltrer en Israël pour y enlever des soldats ou des civils israéliens.
« Rires »
« Cette découverte nous a bien fait rire, car cela faisait longtemps que ces tunnels existaient », sourit Ali, militant du Hezbollah de 35 ans. Ce grand gaillard filiforme est guide du « musée de la Résistance », inauguré en grande pompe par le parti islamiste en 2010, et dont cette grotte est l'une des pièces maîtresses.
« Ce tunnel était un centre de commande des opérations de la résistance », annonce-t-il en utilisant le terme employé par les militants pour désigner le mouvement, considéré comme terroriste par les États-Unis, Israël et l'Union européenne (uniquement pour sa branche armée, NDLR).
« Il représente le côté le plus efficace de la résistance face à Israël, son aspect secret. Puisque nos capacités étaient au départ limitées, nous étions obligés d'innover. »
Ce souterrain est un véritable labyrinthe. À chaque virage apparaît une nouvelle chambre, alimentée en air par une bouteille d'oxygène. Après la mini-cuisine vient la « chambre de repos ».
Ce petit espace de quatre mètres sur trois contient quatre matelas, étalés sur une moquette rouge, ainsi qu'un poste de télévision, installé sur un meuble en bois.
Quatre uniformes militaires vert-kaki sont accrochés au porte-manteau, où pend également un keffieh palestinien.
Au fond de la chambre, une affiche représente un imam chiite détruisant une étoile de David. Après avoir croisé la « salle de prière », le visiteur tombe sur un placard en verre dans lequel sont entreposés une demi-douzaine de fusils d'assaut Kalachnikov. Il peut pénétrer dans le cœur du tunnel : la salle de commandement.
« Nous avons grandi sur cette terre »
« Hadi ! Hadi ! L'unité 101 est prête », lance une voix grave qui grésille depuis un haut-parleur. Le commandant d'époque rappelle à l'ordre ses troupes en vue de la bataille qui s'annonce.
Son bureau est entièrement équipé. Outre le transmetteur radio, il possède une télévision et un ordinateur, auquel sont rattachés une imprimante et un fax. Placardées au mur, des cartes du Liban, d'Israël et des territoires palestiniens, ainsi qu'un drapeau jaune de la « résistance islamique au Liban » : le Hezbollah. « Notre but est que les Israéliens se sentent pourchassés et qu'ils ne puissent jamais penser qu'ils sont en sécurité au Liban et qu'ils peuvent y construire des colonies, car ils ont face à eux une résistance militaire », affirme Ali, qui rappelle que l'ONU ne considère pas le mouvement comme terroriste. En revanche, les Nations unies appellent au désarmement du Hezbollah, ce que ce dernier se refuse à faire prétextant la lutte contre l'État hébreu.
« En réalité, la seule raison pour laquelle Israël nous classe comme tel est qu'on leur fait mal », insiste le militant.
Au bout du souterrain, le chemin reprend des allures de grotte, dans laquelle s'invite bientôt la lumière du jour.
C'est la « sortie de secours », qui offre une vue imprenable sur le sud du pays, ses épaisses forêts et ses routes escarpées. Ali fixe l'horizon et Israël, situé à moins de vingt kilomètres de là. « Les Israéliens ont dessiné beaucoup de cartes, mais au final, ils n'ont jamais compris le terrain dans lequel ils opéraient », souligne-t-il avec fierté.
« Au contraire de la résistance, qui a grandi sur cette terre pour laquelle il combat et qu'il connaît par cœur. » Ali traverse maintenant une luxuriante forêt de chênes, et tombe nez à nez sur des missiles sol-air Khaibar 1, dont la portée moyenne est de 75 kilomètres.
Ils sont tous pointés vers Israël. « Si nous les exposons aujourd'hui, c'est que nous en possédons de beaucoup plus récents », se félicite le guide.
120 000 roquettes et missiles
En novembre dernier, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait assuré dans une intervention télévisée que son mouvement s'était doté, à la faveur du conflit syrien dans lequel il a soutenu les forces de Bachar el-Assad dès 2012, de « missiles de haute précision » capables de frapper n'importe quel point en Israël, dont la centrale nucléaire de Dimona ou l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv.
D'après Tsahal, il disposerait aujourd'hui de 100 000 à 120 000 roquettes et missiles de courte portée, et de plusieurs centaines de missiles de longue portée, fournis par l'Iran ou construits au Liban. « Le message est que la résistance est prête à la guerre, ce qui a clairement un effet dissuasif pour Israël », souligne Ali.
« Voilà pourquoi les Israéliens n'ont pas lancé de nouveau conflit au Liban et n'imaginent pas un instant éliminer la résistance. »
Un calme relatif règne depuis treize ans sur la colline de Mleeta. Mais avec la fin programmée de la guerre en Syrie, et le pic de tensions actuel au Moyen-Orient entre les États-Unis et l'Iran, parrain du Hezbollah, les combattants du Parti de Dieu pourraient à nouveau sortir de leurs tunnels.
Source Le Point
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