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mercredi 21 novembre 2018

Policiers et gendarmes sous l'Occupation : collabos ou résistants ?


Deux ouvrages reviennent, cet automne, sur la manière dont les forces de l'ordre se sont comportées entre 1940 et 1945. Deux livres qui donnent à réfléchir......Détails........

 
Le sujet est hautement sensible. Le rôle joué par la police et la gendarmerie françaises pendant l'Occupation divise, de longue date, la communauté des historiens. 
Mais pas seulement. Auxiliaires de l'occupant et instruments d'une politique raciale ignominieuse, adoptée par le gouvernement de Vichy, pour les uns. Simples fonctionnaires assurant la continuité des services de l'État, pour les autres, qui relèvent que nombre d'agents mais aussi de gradés intégrèrent les rangs de la Résistance… l'examen du comportement des forces de l'ordre a longtemps été empreint d'une forme de manichéisme.
Spécialiste de cette période, Jean-Marc Berlière explore depuis près de vingt ans les archives du ministère de l'Intérieur pour démêler le vrai du faux. 
Déjà auteur d'une demi-douzaine d'ouvrages consacrés au sujet, l'historien publie aujourd'hui une somme de plus de 1300 pages synthétisant l'ensemble de ses recherches. 
Il en ressort une radiographie précise de l'organisation des services qui rend compte de « l'état d'un pays déboussolé et anesthésié par le choc de la défaite », comme l'écrit Patrick Modiano dans sa préface.
Longtemps passée sous silence, la responsabilité de la police nationale (entre 1940 et 1945) est mise en lumière par le travail des historiens depuis le milieu des années 90.


Le sujet avait été laissé en friche pendant de longues décennies. Le vide historiographique qui en résultait tenait à la fois aux difficultés d'accès aux archives (dans les années 80), au désintérêt d'historiens peu enclins à se frotter à un objet d'étude « sale », mais aussi à une forme de gêne à l'idée d'exhumer des secrets honteux. 
Le procès Papon, en 1997, et la courageuse décision de la Place Beauvau d'ouvrir ses archives aux chercheurs, depuis, ont changé la donne. Le livre que signe Jean-Marc Berlière comble un manque en recensant, service par service, les missions effectuées par les différentes brigades et compagnies de terrain qui servirent ce ministère régalien pendant ces années noires.
En une centaine de chapitres classés par ordre alphabétique, il examine le rôle de la « sûreté nationale » et des différentes polices municipales, bientôt réunies en polices régionales d'État, à partir de 1941: des services chargés de la traque des « criminels » à ceux responsables du maintien de l'ordre (les groupes mobiles de réserve, ancêtres des compagnies républicaines de sécurité), en passant par le « service de répression des menées antinationales » mais aussi les innombrables cellules de renseignements, la garde nationale, les sections anticommunistes, sans oublier les corps de volontaires, milices parallèles et autres forces « supplétives ». 
Ce faisant, il pointe la responsabilité de chacun dans la mise en application, et parfois la préparation, d'actions infamantes. 
Il détaille le quotidien souvent sans gloire mais aussi, parfois, sans déshonneur de ces fonctionnaires qui reprirent, pour la plupart, du service à la Libération, comme si de rien n'était. Mais il n'hésite pas à relever les errements de certaines unités plus zélées que d'autres : comme la brigade nord-africaine de la rue Lauriston, les 3e et 4e sections des Renseignements généraux, les sinistres brigades spéciales ou encore le service d'enquête et de contrôle, tous complices de l'assassinat de milliers d'hommes, de femmes mais aussi d'enfants juifs.
À la Libération, plus de 10 000 policiers ont été jugés. Les chefs des brigades spéciales et les commissaires les plus zélés ont été condamnés à de lourdes peines. 13 d'entre eux ont été exécutés. 
Les autres reprendront leur service comme si de rien n'était.
Contradictoire, la mémoire de la police l'est, assurément. Et Jean-Marc Berlière restitue avec fidélité la complexité du sujet qui ne supporte assurément ni simplisme ni approximations. 
Il étudie avec précision l'accord conclu, en juillet 1942, entre René Bousquet, funeste secrétaire général de la police, et Carl Oberg, officier supérieur de la SS en France, pour la conduite des grandes rafles dites du Vél' d'Hiv. Il se penche sur les obsessions très françaises qui conduisirent à la création d'un département dédié à la traque des francs-maçons : via notamment le « service des sociétés secrètes » puis du « service spécial des associations dissoutes ». Il s'intéresse aux équipes spécialisées dans la surveillance des établissements nocturnes mais aussi dans la répression du marché noir. 
Il s'interroge, enfin, sur la raison pour laquelle si peu de fonctionnaires démissionnèrent dans ces circonstances dramatiques. Ce qui le pousse à analyser la manière dont ils furent formés (formatés ?) dans cette période trouble. 
Ce travail est si exhaustif qu'on apprend même quel type d'armement leur fut versé.
Tout juste pourra-t-on regretter que Jean-Marc Berlière traite trop rapidement le « nettoyage » des archives de la préfecture de police à la Libération. On aurait ainsi aimé que les liens conjugaux qui unissaient la responsable de ce service d'archives et le « sous-directeur » du service des affaires juives (à ce titre, responsable de la création du fameux fichier juif de la préfecture) soient mentionnés. 
Il explique probablement pourquoi si peu de documents détaillent le rôle éminent joué par André Tulard au service de la barbarie nazie... Même si est reproduite, par ailleurs, dans le livre une indécente demande d'augmentation de ce fonctionnaire, au moment de sa promotion au sein du service des « étrangers ». Hormis ce petit oubli, cette somme est impressionnante et remplit, une fois encore, un vide. 
Notamment quand elle décrit les factions qui entouraient le maréchal Pétain, dans l'orbite de Bernard Ménétrel, médecin personnel mais aussi confident et « homme à tout faire » du chef de l'État français. Le livre de Jean-Marc Berlière permettra ainsi aux jeunes générations de chercheurs de s'y retrouver dans l'organigramme complexe d'une administration qui cultive le goût des acronymes.
Jean-Marc Berlière épluche, depuis vingt ans, les archives du ministère de l'Intérieur pour tenter de cerner l'étendue de la collaboration de l'appareil policier avec les forces d'occupation.

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Sur le même sujet, mais dans une tout autre perspective, Limore Yagil consacre, de son côté, une étude aux 68 policiers et gendarmes qui furent reconnus « justes parmi les nations » par l'Institut Yad Vashem pour avoir sauvé de nombreuses vies en évitant que des centaines de personnes ne soient déportées vers les camps d'extermination. 
Même s'ils n'étaient pas tous affiliés à un réseau clandestin ou à un mouvement de résistance combattante, ces agents n'en firent pas moins preuve de grand courage en désobéissant aux consignes, en avertissant des juifs de futures rafles, voire en les aidant à passer la ligne de démarcation.
L'action de ces représentants des forces de l'ordre, souvent au bas de l'échelle hiérarchique, méconnue du grand public, se révèle inspirante. 
« Face à un discours traditionnel qui met en avant l'activité des policiers ou des gendarmes ayant appliqué avec zèle les lois et les ordonnances en vigueur pendant l'Occupation, l'histoire de ces hommes, basée sur des documents d'archives inédits, met à mal nombre d'idées reçues et montre que, même au cours du système vichyssois, il était possible de contrevenir aux ordres », écrit Yannick Dehée, qui édite cet ouvrage.


Ils se nommaient Pierre André, Julien Azario, Alphée Bonnaud, André Caillou, Nicolas Dupont ou encore André Martin et Édouard Vigneron. La plupart d'entre eux ne réclamèrent jamais qu'on reconnaisse leur bravoure car, comme Charles Péguy, ils avaient intégré qu'il existe un « devoir de désobéissance » quand la justice et la liberté l'exigent. 
En refusant d'exécuter aveuglément les ordres de leur hiérarchie, ces hommes sauvèrent l'honneur de la police et de la gendarmerie françaises. Limore Yagil leur rend ici justice en rappelant les risques qu'ils prirent en mettant le principe de fraternité au-dessus de tous les autres.
Limore Yagil a choisi, quant à lui, de se focaliser sur de discrets héros qui, en réfusant d'appliquer les consignes de leur hiérarchie, ont contribué à sauver des milliers de vie.

Source Le Point
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