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mercredi 21 novembre 2018

Le souverainisme antisémite de Pétain


Contrairement à certaines affirmations de quelques polémistes, le «Maréchal» n’a pas sauvé les Juifs français. L’historien Laurent Joly démontre avec précision ce que fut l’antisémitisme d’Etat du régime de Vichy........Détails.........
  


En ces temps de pétainisme oblique, il est bon de se tourner vers un historien sérieux qui nous ramène à un peu de vérité. Un historien qui nous rappelle ce que fut l’action de Philippe Pétain de 1940 à 1944 ; un historien qui explique aux Français pourquoi la gloire incontestable acquise à Verdun par celui qu’on appelait «le Maréchal» fut détruite à Vichy.
Dans cette tâche, Laurent Joly a usé de ses propres travaux, consacrés à la politique de l’Etat français envers les Juifs, mais il s’est aussi appuyé sur l’ensemble des recherches menées en France et à l’étranger sur la France des années noires. 
Chacune ou presque de ses analyses, de ses affirmations, de ses découvertes, est dûment sourcée et justifiée : un travail à la fois méticuleux et pédagogique, qui fait justice calmement, sans trémolo ni polémique, des entreprises subreptices de réhabilitation du maréchal qu’on lit ici et là dans la littérature nationaliste d’aujourd’hui.
Quelle a été la politique antisémite de Vichy ? Le maréchal a-t-il sacrifié les Juifs étrangers pour sauver les Juifs français ? Que savait-on de l’extermination des Juifs à l’Est ? Quelle a été la part de la pression allemande et celle de la volonté autonome de Vichy ? 
A toutes ces questions qui refont surface, Joly apporte une réponse circonstanciée, précise et difficilement réfutable.
Aux yeux d’un certain révisionnisme contemporain, le régime de Vichy, aussi critiquable soit-il, a néanmoins atténué le sort réservé aux Juifs pendant l’Occupation. 
On en veut pour preuve la comparaison avec un pays comme les Pays-Bas, où la communauté juive fut déportée et assassinée dans une proportion très supérieure à celle de la France. 
Il aurait ainsi servi de «bouclier» à la France occupée, y compris aux Juifs, tandis que De Gaulle aurait été «le glaive» de la libération du territoire aux côtés de la Résistance et des Alliés. 
On en vient parfois à suggérer, dans cette double action, une sorte de convergence objective, ou même de connivence consciente, entre pétainistes et gaullistes pour atténuer le malheur de la France et concourir à la victoire sur les nazis.
Implacable dans sa démonstration, inattaquable dans sa documentation, Joly fait justice de ce mythe du «glaive et du bouclier». 
La politique générale de Vichy n’était pas destinée à préparer secrètement la victoire des Alliés, et encore moins à protéger les Français juifs en faisant la part du feu. 
C’est une politique dite de «collaboration» avec l’Allemagne nazie, symbolisée par la poignée de main Hitler-Pétain à Montoire, puis, plus tard, par la déclaration de Laval, numéro 2 du régime : «Je souhaite la victoire de l’Allemagne» (contre le bolchevisme, dira-t-il ensuite, en fait, par définition, contre les Alliés).

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Le gouvernement de Vichy considère que l’Allemagne a toutes les chances de gagner la guerre et cherche à négocier pour l’Etat français une place dans la nouvelle Europe dominée par Hitler. 
Il est lui-même travaillé par un antisémitisme plus ou moins virulent issu de l’extrême droite, dont celui de Pétain, qui le rapproche de l’idéologie nazie, même s’il s’agit plus d’un «antisémitisme d’Etat» à la Maurras - les Juifs sont des éléments étrangers - que d’une doctrine purement raciale et biologique. Pour satisfaire leurs propres obsessions et pour complaire à l’occupant, les hommes de Vichy promulguent, dès l’automne 1940, sans aucune demande particulière émanant des autorités allemandes, un «statut des Juifs» qui place ces citoyens au ban de la société et les contraint à un recensement raciste qui fournira ensuite à l’Etat l’un des principaux instruments de la déportation décidée en 1942.
De la même manière, c’est Vichy, jaloux de sa souveraineté, qui organise lui-même, sous l’impulsion de René Bousquet, et à l’aide de la seule police française, les grandes rafles de l’été 1942, qui continueront jusqu’en 1944 au rythme de plusieurs trains par mois (exemple : le convoi de Bordeaux de 1944, expédié en Allemagne sous la férule de Maurice Papon). 
Il est vrai, en revanche, que l’existence d’une «zone libre» exempte d’occupation jusqu’en novembre 1942 permettra à nombre de proscrits juifs d’échapper à l’arrestation. 
Avantage fragile : Vichy livrera néanmoins à l’occupant une grande partie des Juifs étrangers réfugiés en France dans les années 30. 
Pour protéger les «Juifs français», comme le diront les pétainistes après la guerre ? Oui et non. 
L’Etat français rechigne à livrer ses propres nationaux, moins par compassion humanitaire que par souci de préserver une certaine autonomie nationale, et dans le but de limiter les protestations d’une partie de la population, qui comprend mal pourquoi la police française arrête des citoyens français qui n’ont rien à se reprocher, y compris les femmes et les enfants.
Bénéficiant du soutien de l’Eglise, Vichy s’inquiète de voir certains évêques - Mgr Saliège à Toulouse, par exemple - dénoncer les déportations. 
Laurent Joly remarque d’ailleurs, avec une certaine ironie, que la fuite des Juifs a été mieux tolérée, ou facilitée, dans la zone d’occupation italienne (Mussolini n’était guère antisémite) que dans la zone dite «libre».
Au total, sur 280 000 individus recensés comme Juifs par les autorités, 74 150 ont été déportés de 1942 à 1944, pour l’essentiel à Auschwitz, dont une forte minorité de Français juifs (contrairement à ce que clameront les pétainistes). Seuls quelque 3 500 sont revenus. 
Certes, ce fut pire aux Pays-Bas ou dans d’autres nations occupées. Mais ces pays étaient de taille géographique bien moindre, rendant les arrestations plus faciles, et ils ne disposaient pas, à la différence de la France, de frontières salvatrices pour les Juifs, comme celles de la Suisse ou de l’Espagne. 
Plus de 70 000 innocents sacrifiés à la politique de collaboration.
L’énormité du crime devrait nous dispenser des arguties misérables qu’une certaine extrême droite tente de faire valoir pour trouver des excuses à l’Etat français et à Philippe Pétain.

Laurent Joffrin

Source Liberation
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