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mercredi 31 octobre 2018

Assaf Topaz: «L’entrepreneur doit être très charismatique»


Assaf Topaz connaît les start-up sous tous les angles. Entrepreneur, puis investisseur, il a été témoin de l’émergence de son pays, Israël, en tant que start-up nation. Depuis six ans, il a décidé de se mettre à son compte et d’utiliser son expérience pour investir son propre capital. Le tout depuis le Luxembourg......Interview........



Comment voyez-vous les efforts qui sont faits depuis plusieurs années par le Luxembourg pour tenter de devenir une start-up nation?
Assaf Topaz. – «Le principal avantage du Luxembourg est sa proximité avec les marchés. Ce n’est pas le cas pour Israël, où un entrepreneur doit passer au minimum quatre heures dans un avion avant de rencontrer ses clients. Le Luxembourg a de grands pays autour de lui et offre un environnement de grande qualité pour investir. 
Il rassemble aussi beaucoup d’étrangers. Il offre donc un environnement très international, avec des professionnels qui possèdent des savoir-faire et des expertises différents et qui travaillent en harmonie. C’est une chose très importante pour le business. 
Même si ce mélange de cultures rallonge le temps de discussion, les décisions qui en résultent sont toujours plus performantes sur le long terme.
La capacité d’industrialiser rapidement des produits est également un grand atout du Luxembourg et de l’Europe, qu’on ne retrouve pas forcément en Israël. Mais le Luxembourg a aussi des lacunes. Par exemple, en ce qui concerne le financement. 
Il y a beaucoup de capitaux ici, mais pas adaptés pour les start-up. Et il faut avouer que la principale raison, de l’avis de nombreux investisseurs, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’opportunités intéressantes. 
La masse critique n’a pas été atteinte. Il faut continuer à développer l’écosystème en créant des secteurs d’attraction pour les talents et en attirant des entrepreneurs expérimentés qui ramèneront avec eux les investisseurs qui les soutiennent. 
Ces success-stories placeront le Luxembourg sur la carte.

Mais beaucoup d’efforts ont été faits durant ces dernières années?
«Beaucoup, c’est vrai. Des ressources ont été allouées par le gouvernement. Mais le problème, c’est que le monde n’attend pas le Luxembourg. D’autres écosystèmes font également d’énormes efforts pour attirer des start-up. Berlin a beaucoup changé ces dernières années, tout comme Paris ou Londres. Et il ne faut pas oublier Amster­dam... 
D’autres centres se développent très rapidement, et Luxembourg pourra être un hub pour start-up s’il propose quelque chose d’unique, qui corresponde à des attentes bien précises des entrepreneurs.

 Vernissage et exposition Beni Gassenbauer

Si on essaie simplement de faire grossir de façon organique la ‘start-up nation’, le pays ne sera jamais capable de concurrencer d’autres centres plus importants. 
Il faut donc que le gouvernement soit capable de penser et d’agir ‘out of the box’ pour trouver l’argument qui fera la différence.

L’initiative Spaceresources.lu n’est-elle pas une façon de se démarquer?
«C’est une chose très originale, certes. Mais c’est un pari à long terme. Il faut aussi essayer de réfléchir à court et moyen termes, car tout va très vite chez nos concurrents.

Combien de temps investissez-vous dans une start-up avant de récupérer votre capital?
«Si on parle de sociétés très jeunes, la moyenne de l’investissement est de sept ans. 
Ça peut prendre plus, mais aussi moins, de temps. Dans mon portfolio, mes sorties ont toutes eu lieu après cinq ans, pour l’instant. On peut dire que j’ai été chanceux.

Avec le risque de perdre...
«Ça fait partie du métier. Ça m’est arrivé, et à chaque fois, j’ai beaucoup appris. Comme disait Nelson Mandela: ‘Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.’

On dit que 80% des start-up disparaissent après leurs premières années d’existence…
«On en revient à la question de comment investir et sur quelles bases. Moi, on ne m’approche jamais directement, mais toujours par l’intermédiaire d’une personne qui me connaît. 
Et j’ai un réseau de grande qualité, composé de personnes qui connaissent le milieu. Du coup, je sais que si une start-up arrive jusqu’à moi, c’est qu’elle mérite que je m’y intéresse. 
Tous mes investissements se basent sur mon réseau, qui est la chose la plus importante que je possède. C’est pour cela que l’on peut dire que ce marché est totalement inefficient. 
Un seul chiffre peut résumer ce constat: 95% des retours sur investissement dans cette industrie sont générés par 5% des investisseurs.

À quel moment décide-t-on de retirer son capital d’une start-up?
«La phase d’exit mériterait un article entier, car personne n’a encore trouvé la réponse. 
Elle peut avoir lieu dans différentes situations. Les plus fréquentes sont quand l’entreprise est rachetée ou quand elle entre en bourse. Il y a aussi la possibilité de vendre ses parts à un autre investisseur. Mais c’est une solution que je ne choisis jamais, car quand j’investis, je reste aux côtés de l’entrepreneur jusqu’au bout.
Quand vient le bon moment ? C’est une question à un million de dollars. Dans la majorité des cas, les investisseurs ressortent d’une entreprise avec un peu plus d’argent qu’au départ, mais rarement en touchant un jackpot. Si tu multiplies ta mise de départ par quatre, c’est déjà une bonne affaire. 
Un multiple de 15 est considéré comme un jackpot – je rappelle qu’il s’agit toujours d’une échéance de cinq à sept ans.

Y a-t-il suffisamment d’argent dans le monde pour financer les start-up?
«Selon moi, oui. Le problème est sa répartition géographique. Mais globalement, on peut dire que le capital disponible pour ce type d’investissement a été multiplié plusieurs fois au cours de ces 15 dernières années. 
Les investisseurs ont vu qu’il s’agissait d’un secteur très lucratif. L’une des conséquences de cette arrivée massive d’argent est que les sommes investies ont elles aussi augmenté. Je dirais à hauteur de 20 à 30% pour quasiment tous les stades de maturité, durant les cinq dernières années.
Une autre conséquence est que le nombre de start-up a explosé, lui aussi, car les entrepreneurs ont senti, comme les investisseurs, un marché porteur. Tout cela a créé une sorte d’inflation dans la valeur de certaines start-up. 
Plus particulièrement dans certaines régions très en vogue, comme la Silicon Valley. 
Il est aujourd’hui plus intéressant d’investir en Europe, car nous ne nous trouvons pas dans l’œil du cyclone.

Mais il y a moins d’argent qu’aux États-Unis ou en Chine… 
«C’est vrai que la plupart des capitaux se dirigent dans les quelques hubs qui possèdent une grande notoriété.
Mais l’Europe attire toutefois de plus en plus d’argent. Les sociétés de capital – ­risque françaises commencent par exemple à devenir très intéressantes. En Israël, nous avons également beaucoup plus d’argent qu’il y a quelques années.

Comment se passe une de vos journées-types?

«Je lis beaucoup, je reçois aussi énormément de rapports d’instituts d’innovation reconnus, et j’interagis avec des gens de l’industrie. Je participe à de nombreuses conférences et passe beaucoup de temps à conseiller les entrepreneurs en face-à-face ou par vidéoconférence.

Source Paper Jam
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