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mercredi 12 septembre 2018

Prix Renaudot : les librairies s'insurgent contre la sélection d'un livre distribué par Amazon


Parmi les dix-sept premiers titres choisis par les jurés du prestigieux prix littéraire, Bande de Français, de l'auteur franco-israélien Marco Koskas, est un ouvrage autoédité et disponible uniquement sur le site du géant américain. Une provocation pour les librairies françaises, qui refusent de contribuer à financer leur principal concurrent......Détails........


«C'est comme tendre le bâton pour se faire battre.» Mélanie Le Saux est une ancienne libraire exaspérée.

Elle a dû fermer sa boutique dans les Yvelines il y a un an, mais espère toujours pouvoir reprendre son commerce. Lorsqu'elle a découvert la première sélection du prix Renaudot, dévoilée le 5 septembre, le choc a été immense.
Parmi les dix-sept titres choisis, Bande de Français, de l'auteur franco-israélien Marco Koskas, est un ouvrage autoédité et disponible uniquement sur Amazon chez Galligrassud, une contraction de plusieurs noms de maisons d'édition.
«On ne va pas payer le concurrent qui veut notre mort, explique Mélanie Le Saux. Et les librairies dans tout ça? Jamais un mot n'est prononcé en leur faveur.»
Révoltée, cette dernière a publié dimanche sur sa page Facebook une lettre ouverte, adressée aux jurés du prix Renaudot. «Autant dire que si cet ouvrage gagne le prix, et même s'il ne l'emporte pas d'ailleurs, les libraires se verront contraints de le commander chez leur concurrent le plus féroce.
Celui-là même qui se targue d'éradiquer toutes les librairies, puis les éditeurs, pour avoir le monopole du circuit du livre, déplore-t-elle.
Merci, donc, à vous président Frédéric Beigbeder, à Patrick Besson en particulier, qui a amené et défendu le livre en question, et aux autres (...) d'avoir créé ce précédent, d'avoir ouvert la porte bien grande à la ‘'bête''.»
Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française pense également que «les jurés ont leur part de responsabilité».
«Ils ne sont pas conscients du symbole porté par leur choix, explique-t-il. C'est de plus un bien mauvais service rendu à l'auteur qui est distribué dans aucune des 3500 librairies françaises.
Leur souci doit quand même être que le livre soit lu», s'insurge-t-il. Par le biais de son syndicat, il a lui aussi diffusé un communiqué pour faire part de son mécontentement.
Mélanie Le Saux n'appelle pas ses collègues au boycott, une action qui ne serait ni favorable «aux libraires, ni aux éditeurs, ni aux auteurs» d'après elle, mais elle les conjure de faire des «choix éditoriaux».
«Pour l'instant, on n'a eu aucune réaction de la part du jury du prix Renaudot. S'il s'obstine, on ne mettra pas leurs livres en avant. On ne peut pas tout avoir dans une librairie.
On fera des choix et on commandera seulement si le client nous le demande», indique-t-elle. Plusieurs boutiques auraient déjà renvoyé aux éditeurs les titres sélectionnés par les jurés, ou directement leurs ouvrages, tels Frédéric Beigbeder ou Patrick Besson.
Selon Mélanie Le Saux, Bande de Français est un livre, certes intéressant, mais «mal édité». «Un professionnel de l'édition s'arracherait les cheveux», regrette-t-elle.
Guillaume Husson attend avec impatience la prochaine sélection du jury du prix Renaudot, qui tombera début octobre.
«Ce sera la meilleure des réactions, on verra s'ils ont compris, ou non, le péril que représente Amazon, indique-t-il. Ce géant américain a une stratégie mortifère pour le marché du livre en général.»
Parmi les dix jurés, les avis sont loin d'être tranchés. Patrick Besson défend ardemment son choix.
Dans Le Point, où il est chroniqueur, il a  spécifié: «Bande de Français est un témoignage sur la vie quotidienne de rêve en Israël, sauf quand elle tourne au cauchemar.
Presque tout, chez Koskas, tourne toujours au cauchemar, y compris sa carrière littéraire. (...) Pour qu'un tel auteur en soit réduit à s'éditer lui-même, faut-il que le sort se soit acharné sur son style.»
Georges Olivier Châteaureynaud reconnaît lui qu'une «erreur a été commise». «C'est regrettable, avoue-t-il. Je n'ai pas prêté grand attention au fait que c'était un livre autoédité et distribué par Amazon.
Je comprends les librairies car il y a une importance symbolique dans ce choix.» D'après lui, «le livre n'a aucune chance d'arriver au bout». Le nom de l'écrivain(e) gagnant du prix Renaudot, qui succédera à Olivier Guez et La disparition de Josef Mengele (Grasset), sera révélé le 7 novembre.

Source Le Figaro
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