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mercredi 22 août 2018

Lieux oubliés: l'atelier de «Papa Weidt», le Schindler berlinois


Otto Weidt dirigeait un atelier pour aveugles sous le IIIe Reich dans la capitale allemande. Sa fabrique de brosses employait des juifs qu’il est parvenu à protéger le plus longtemps possible. II est venu en aide à ceux qui étaient déportés et aidait ceux qui choisissaient la clandestinité. Son atelier est aujourd’hui un musée au cœur de Berlin qui passe un peu inaperçu dans une zone pourtant très touristique........Détails.........


Oubliez les boutiques branchées, les bars aux boissons à la mode et les façades toutes aussi rutilantes les unes que les autres.
La maison Schwarzenberg, au cœur du Berlin touristique, est une machine à remonter le temps. En quelques instants, les visiteurs retrouvent les chaudes heures des années 1990, après la chute du Mur, lorsque tout paraissait possible dans la capitale allemande.
En 1995, des artistes alternatifs décrochent un contrat pour cette arrière-cour bien défraîchie qui à l’époque ne dépareille pas dans le quartier. Aujourd’hui encore, les façades sont toujours aussi lépreuses. Les graffitis cachent en partie la misère.
Les touristes adorent ce voyage dans le temps. Ils s’enfonçent dans cette profonde cour intérieure. Au fond, un bar déjanté au nom imprononçable ignore avec mépris l’interdiction de fumer. Un petit cinéma d’art et essai survit. Des ateliers d’artistes et un cabinet rempli de figures monstrueuses complètent le décor.
Schwarzenberg, c’est le nom d’une bourgade au centre de l’Allemagne que les alliés américains et russes ont laissé de côté à la fin de la guerre en 1945 donnant ainsi naissance sans le vouloir à une République libre qui subsista 42 jours.
La maison Schwarzenberg au cœur du Berlin « bobo », elle, tient le coup depuis 23 ans. Les touristes qui prennent des photos de ce musée à ciel ouvert ne voient pas ou ne comprennent pas forcément la plaque au sol à l’entrée du bâtiment qu’ils piétinent en pénétrant dans la cour intérieure.
Elle rappelle que ce lieu hébergea durant la guerre un atelier pour aveugles où des juifs furent protégés et sauvés par son responsable.

Sur le trottoir, quatre pavés de la mémoire, comme 70 000 autres en Allemagne et en Europe, rappellent que Georg, Rosa, Ursula et Gerd Salinger - une famille juive - habitaient au 39 de la Rosenthaler Strasse avant d’être déportés dans les camps de la mort, dont ils ne revinrent pas.

Clandestinité

Les touristes s’attardent moins dans ce lieu authentique que constitue l’ancien atelier pour aveugles de Otto Weidt, devenu il y a près de vingt ans un musée. Cet opposant au nazisme crée sa petite entreprise de brosses en 1936. Il déménage quatre ans plus tard dans la Rosenthaler Strasse, dans un quartier qui, avant l’arrivée au pouvoir des nazis, hébergeait près de 300 magasins, cafés, écoles et synagogues juives.
Depuis 1933, les juifs ont été exclus très largement de la vie publique. Avant le début de la guerre, la moitié de ceux qui vivaient encore à Berlin, soit 80 000 personnes, ont réussi à quitter l’Allemagne.
Dans son atelier, Otto Weidt emploie avant tout des juifs aveugles ou sourds-muets. Comme il livre l’armée allemande, une exception est faite et il est autorisé à les employer. Des pots-de-vins donnés à la Gestapo, la police secrète, permettent aussi à Otto Weidt de protéger ses salariés, un temps du moins, de la déportation.
En 1942, ils sont tous arrêtés. Leur patron peut à nouveau acheter la police et obtient leur libération.
Dans l’atelier, une pièce tout au fond, sans fenêtres, sert de cachette à la famille Horn. L’entrée est dissimulée par une armoire. Mais les Horn seront dénoncés par un juif collaborant avec la Gestapo et déportés à Auschwitz. Otto Weidt doit s’expliquer mais n’est pas condamné.
Sans doute le fruit à nouveau de ces généreux cadeaux à la police.

« Héros silencieux »

Otto Weidt fournit de faux papiers à ceux qui choisissent la clandestinité et dispose d’un réseau pour les cacher. Ainsi, 1 900 juifs parviennent à survivre dans la clandestinité à Berlin jusqu’en 1945.
Comme Inge Deutschkron qui travaille pendant un temps dans l’atelier d’Otto Weidt. L’ancienne journaliste qui a longtemps vécu en Israël est revenue à Berlin dans les années 1990 et s’est engagée pour que l’atelier d’Otto Weidt devienne un lieu de mêmoire.
Inge Deutschkron, depuis quelques semaines citoyenne d’honneur de la ville de Berlin, a pu survivre dans la clandestinité comme d’autres juifs grâce à ces « héros silencieux » auxquels une exposition était consacrée jusqu’au début de l’année dans le même bâtiment.
Elle a depuis déménagé au musée de la Résistance allemande où elle dispose de plus de place.
La plupart des employés de l’atelier seront finalement déportés en 1943. Otto Weidt envoie avec le soutien d’autres personnes une centaine de paquets contenant de la nourriture, vitale pour la survie dans les camps. Il simulera même une visite professionnelle au camp d’extermination d’Auschwitz pour secourir Alice Licht.
Il parvient grâce à un Polonais à lui faire savoir où il a caché des vêtements civils, de l’argent et des médicaments à l’extérieur du camp. Alice Licht prend la fuite en janvier 1945 lorsque le site est abandonné par les Allemands face à l’avancée des troupes soviétiques. Elle gagne Berlin et attend la fin de la guerre dans l’appartement d’Otto Weidt.
Ce dernier meurt en 1947. En 1971, le mémorial de Yad Vashem en Israël lui décernera le titre de « Juste parmi les Nations » pour son engagement en faveur des juifs persécutés sous le Troisième Reich. Au total, 600 Allemands figuraient sur cette liste au 1er janvier 2017.
L’atelier de Otto Weidt, oublié pendant plus de cinquante ans, devient donc un musée en 1999. Une place va porter le nom de ce Juste dans un nouveau quartier encore en construction au cœur de Berlin.

Source RFi
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