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lundi 5 mars 2018

La fenêtre d’opportunité de Naftali Bennett

 
Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est fragilisé du fait de son implication dans plusieurs affaires de corruption, prévoir l’« après-Bibi » demeure un exercice risqué. Aucun héritier ne se distingue clairement au sein du Likoud et le Premier ministre, qui s’est dit hier hostile à des élections anticipées, bénéficie pour l’instant d’une solidarité gouvernementale exemplaire........Analyse..........

L’unique hiatus au soutien sans réserve de la droite gouvernementale vient de Naftali Bennett, ministre de l’Éducation et leader du Foyer juif (Habayit Hayehudi).
Dans un discours prononcé lors d’une conférence locale du gouvernement le 14 février, rediffusé sur Facebook avec la transcription écrite, le ministre a livré une critique très calculée du Premier ministre : « Recevoir autant de cadeaux pendant aussi longtemps ne répond pas aux attentes du peuple d’Israël. »
Bennett a pris toutefois le soin d’amortir le coup en enveloppant sa critique très lisse d’empathie et d’admiration pour le bilan de M. Netanyahu.
L’intérêt du discours feutré de M. Bennett ne réside pas dans sa capacité de nuisance à court terme, mais dans ce qu’il révèle de ses projets à moyen terme. En accédant en 2012 à la tête du parti Sioniste religieux, il a fait un choix tactique pour les militants, engourdis depuis l’évacuation de Gaza en 2005 par un débat permanent : poursuivre les efforts pour une représentation politique indépendante ou s’intégrer au Likoud pour y bousculer l’équilibre interne des pouvoirs.

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Naftali Bennett a tranché en faveur de la première option. Avec M. Netanyahu sur la sellette, Avigdor Liebermann à la traîne dans les sondages et le manque de charisme des autres personnalités du Likoud, M. Bennett voit une fenêtre d’opportunité s’ouvrir pour les prochaines élections.
Un alignement de planètes susceptible de servir positivement l’entreprise de dédiabolisation que celui-ci poursuit depuis cinq ans.
Nafatli Bennett est en effet un personnage politique en trompe-l’œil.
Vétéran des forces spéciales de Tsahal, ancien PDG d’une start-up high-tech vendue à plusieurs millions de dollars, délesté de signes religieux trop ostentatoires : il a tous les attributs de l’élite intégrée et laïque.
À la primaire du Foyer juif en mai 2012, sa candidature et celle de son alter ego féminin Ayelet Shaked vont permettre au parti de passer un cap l’année suivante.
Alors que les sondages l’estiment incapable de passer le seuil électoral minimal pour entrer au Parlement israélien, aux élections de 2013, le parti rafle 12 sièges et devient la quatrième formation la plus importante à la Knesset.
Contrastant avec la vieille garde grise et bigote, M. Bennett ne s’exprime jamais dans un langage messianique et exploite à fond les réseaux sociaux.
Ses publications concernent souvent des sujets en marge de l’agenda politique israélien.
Un mois avant les élections, il partage par exemple son coup de cœur pour une compétitrice du The Voice israélien.
Le tour de force de M.Bennett consiste à arrondir les angles sans altérer la matrice idéologique du parti : l’annexion de la Judée et de la Samarie.

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Conscient que ce programme constitue une rampe de lancement problématique, le Foyer juif veut se présenter comme la maison « de tous les Israéliens ». La promotion d’Ayelet Shaked, une mère de famille laïque résidant à Tel-Aviv, accentue l’identification du parti avec les milieux sécularisés et bourgeois.
Les copieuses félicitations de M. Bennett à l’écrivain David Grossman, récemment récompensé du prix national de littérature, sont la dernière opération de récupération idéologique en date.
David Grossman est l’auteur israélien le plus important de son temps, une icône de la gauche intellectuelle.
M. Bennett a déclaré au journal Haaretz que Grossman est « un auteur merveilleux et un Israélien qui aime son peuple et son pays ».
L’écrivain est un symbole de choix pour M. Bennett, dont le principal nœud stratégique consiste à conquérir l’électorat moyen sans s’aliéner sa base électorale d’origine.
Difficile de prévoir si la dernière marche est proche pour Naftali Bennett. Ce qui est certain cependant, c’est que le pouvoir politique de son parti, qui détient deux portefeuilles ministériels de premier plan (la Justice et l’Éducation), n’a pas seulement influencé les budgets et les lois.
L’exemple de M. Bennett modifie aussi la façon dont les jeunes nationaux religieux se représentent dans la société : il est possible de réussir dans le monde laïc sans renoncer à ses principes religieux.
Intégrer sans tiédir les vues politiques d’une minorité perçue comme extrémiste : c’est une évolution stratégique majeure dans la tradition nationale-religieuse israélienne.

Source L'Orient le Jour
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