Il y a urgence à redécouvrir l’œuvre de Bat Ye’or, jadis saluée par Jacques Ellul. Cela a commencé dans l’ambiance du Quatuor d’Alexandrie, le roman de Lawrence Durrel. Le bonheur s’étalait sur les bords du Nil pour cette jeune fille juive cairote et francophone des années 1950 nommée Gisèle Orebi. Mais bientôt surviennent le nationalisme arabe, la prise du pouvoir par Nasser et l’intervention de Suez.......Détails.........
Octobre 1957, elle doit quitter Le Caire avec ses parents, pour gagner Londres et retrouver la liberté perdue.
Comme pour les 45 000 autres Juifs d’Égypte, c’est un nouvel exode loin des pogroms, des humiliations et vexations attisées par la confrérie des Frères musulmans, aussi hostiles aux enfants d’Israël qu’aux chrétiens coptes et aux nationalistes arabes.
En 1959, elle épouse un historien juif britannique, David Littman (1933-2012). Elle prend conscience qu’elle a vécu en Égypte un « événement majeur: l’agonie et la mort d’une communauté et d’un monde ».
Dans ce combat qui commence, elle se heurtera vite à plusieurs obstacles: les politiques arabes des pays occidentaux, à commencer par celle de la France, l’obsession anticolonialiste des marxistes, dont de nombreux « intellectuels » juifs antisionistes.
De tout cela, octogénaire mais toujours aussi vaillante, celle qui a adopté le pseudonyme de Bat Ye’or (littéralement « la fille du Nil » en hébreu) témoigne aujourd’hui dans une Autobiographie politique passionnante.
Un retour sur elle-même qui n’épargne pas l’Union européenne, accusée non sans raison d’opposer à l’État d’Israël depuis la Guerre des Six Jours une politique extérieure pro-palestinienne.
Cinquante ans passés par nos gouvernements successifs, à de rares exceptions, à forger ce qu’elle appelle « l’Eurabia », une entité méditerranéenne où l’Arabe musulman serait la nouvelle figure du prolétaire, colonisé, asservi et opprimé par l’impérialisme occidental allié à la puissance fantasmée d’Israël.
Bat Ye’or réédite par la même occasion l’un de ses maîtres livres, Le Dhimmi, paru pour la première fois en 1980.
Il est orné d’une postface de Jacques Ellul (1912- 1994), génial universitaire touche-à-tout que l’on n’attendait pas forcément là mais que son goût pour la théologie a conduit à s’intéresser de près à l’islam.
L’auteur du recueil Islam et judéo-christianisme (PUF) loue l’objectivité de l’ouvrage et indique qu’il apporte un « avertissement décisif » sur un point essentiel: « Le monde islamique n’a pas évolué dans sa façon de considérer le non-musulman, et nous sommes avertis par-là de la façon dont seraient traités ceux qui s’y seraient absorbés. C’est une lumière pour notre temps. »
Le statut de dhimmi, qui, loin d’être une protection, se révèle être un statut personnel minoritaire, concerne non seulement les Juifs vivant en terre d’islam (qui se sont réduits comme peau de chagrin depuis la création de l’État d’Israël) mais aussi les chrétiens d’Orient, soumis au bon vouloir de leurs maîtres du jour, hier les sultans ottomans, aujourd’hui l’État islamique et ses épigones.
Ce sont bien les communautés chrétiennes d’Orient qui sont aujourd’hui en première ligne, victimes d’une « marginalité aliénante […] au sein de l’arabisme » alors que l’expérience commune de la dhimmitude devrait leur faire rechercher l’alliance avec Israël.
L’œuvre de Bat Ye’or possède la force des analyses nées de la connaissance intime des manifestations du sujet étudié.
Loin de troubler la pertinence de ses travaux sur l’islam, la tragédie intime qu’elle a vécue dans l’Orient compliqué, à l’âge des plaisirs et de l’insouciance, leur confère un souffle prophétique dont elle rêve de voir s’emparer les jeunes générations pour que les mêmes erreurs et les mêmes renoncements ne reproduisent une nouvelle fois les mêmes effets tragiques.
Source L'Incorrect
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