La transition agricole et alimentaire est en marche, les entreprises doivent s'y préparer. Pour Yael Rozencwajg (ci-dessus), mentor pour les startups chez Google, la blockchain offre des avantages indéniables pour tous les secteurs et pas seulement dans les domaines bancaire et financier.....Analyse......
En matière de production, d'environnement, de traçabilité des produits, de logistique ou de distribution, le secteur agri-agro a tout à gagner à s'emparer dès maintenant de cette technologie de rupture. Associée à l'IoT et à l'intelligence artificielle, elle pourrait bouleverser (en mieux) toute la chaîne de production et de valeur.
D'où viennent les avocats que j'achète ? Avec quels pesticides ont-ils été produits ? Comment être sûr que cette viande est saine ? La chaîne du froid a-t-elle été bien respectée ?
Quand les crises sanitaires, liées au bœuf, aux œufs ou tout récemment à des poudres de lait, reviennent régulièrement dans l'actualité, le consommateur devient méfiant et demande de plus en plus de garanties sur la traçabilité et la sécurisation des produits qu'il achète.
Or, l'on sait qu'en 2050, il faudra nourrir près 10 milliards d'individus, et que cela sous-tend une augmentation de la production, une productivité accrue, une logistique plus efficace.
Voilà de quoi donner des suées aux entreprises de l'agriculture (580 000 actuellement en France) et de l'agro-alimentaire. Comment s'adapter et préparer cette transition ?
Pour Yael Rozencwajg, écoutée avec intérêt par les acteurs bretons du secteur lors de la Digital Tech de décembre dernier à Rennes, l'avenir réside dans la blockchain, ce système de stockage et d'échanges d'information décentralisé et à gouvernance partagée. Donc sans intermédiaire ou organe central de contrôle.
Impact sur la chaîne de production et de valeur
« Contrairement au cloud, par exemple, la blockchain est une technologie complètement décentralisée, qui permet de réaliser des transactions virtuelles, de sécuriser des échanges de valeur en répartissant les données sensibles sur les utilisateurs eux-mêmes », explique la co-fondatrice de l'organisation Blockchain Israel et dirigeante de Bl0ckch21n, une jeune pousse israélienne concevant des solutions blockchain pour les entreprises et l'internet des objets.
« Les secteurs de la finance et de la banque ont été les premiers visés, mais potentiellement la blockchain concerne tous les secteurs d'activité, y compris l'agriculture et l'agro-alimentaire, deux domaines où la sécurisation de la chaîne alimentaire va devenir de plus en plus cruciale. »
Alors qu'actuellement 500 millions d'agriculteurs couvrent 80% de la production mondiale (pour 40% des revenus mondiaux), la croissance attendue de la population va engendrer des contraintes nouvelles, voire des risques accrus de faille, de contamination ou de fraudes.
Associée à l'IoT et à l'intelligence artificielle, la blockchain serait donc en mesure de « disrupter » toute la chaîne de production et de valeur, rendre plus efficace le maillon logistique, raccourcir les temps de transport pour conserver la fraîcheur des produits.
Et, au final, rapprocher les producteurs (mieux rémunérés aussi ?) des consommateurs.
Innovation et intelligence collective
« Entre les frais logistiques ou les coûts de stockage, un tiers du prix du produit s'évapore », rappelle Yael Rozencwajg, également mentor pour les startups chez Google.
« Les solutions blockchain vont permettre de limiter les intermédiaires, de certifier les étapes. Également, de mieux identifier les problèmes, voire d'isoler dans la chaîne de distribution les produits à risques. De la traçabilité à la sécurité alimentaire en passant par les bio-technologies pour améliorer les rendements (avec moins d'intrants chimiques) et les transactions, leur champ d'application est vaste. Et plutôt collaboratif.»
Pour créer des solutions blockchain, Yael Rozencwajg isole en effet trois facteurs clés : l'innovation (avec la R&D), l'intelligence collective (avec la mise en place au niveau des États et des institutions de moyens et de mesures de régulation), la mise à disposition auprès du public de systèmes de cryptomonnaie (monnaie virtuelle).
« L'intelligence se trouve dans les startups »
« On est entré de manière concrète dans une révolution réelle qui connaîtra ses premiers effets ou services à l'horizon 2019-2020 », assure la cheffe d'entreprise.
« La blockchain, c'est un environnement global qu'il faut exploiter. La France a bien compris ce virage technologique et industriel et se mobilise.
L'Europe y travaille en prenant des initiatives [un concours de 5 millions d'euros a été lancé en novembre dernier, Ndlr]. Sur le seul sujet de la production de viande, trois startups (Etats-Unis, Israël, Australie) ont développé des solutions. Le groupe Tesco investit pour sa part sur la partie traçabilité et distribution. Rien qu'à Tel Aviv, plus de 150 jeunes pousses travaillent sur la cryptomonnaie ; en France, c'est 15% à 20% des nouvelles entreprises. »
Avec les smart contracts, certains agriculteurs en Europe achètent déjà leurs matières premières avec une cryptomonnaie, du type Bitcoin ou Ethereum. Or, ce moyen de paiement alternatif est appelé à jouer un rôle central dans l'organisation de communautés, voire, à terme, faciliter la création de liens plus étroits entre les producteurs et les consommateurs.
« L'intelligence se trouve dans les startups, avec, sur la partie agricole, un souci d'écoute des attentes de l'acheteur final. La blockchain sera très profitable aux entreprises qui s'y mettront rapidement », prédit Yael Rozencwajg.
Le principal défi étant quand même d'en avoir les moyens.
Source La Tribune
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