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lundi 18 décembre 2017

Chez les Palestiniens, la solution à un Etat dopée par la déclaration Trump

 
Samedi, en Judée-Samarie, beaucoup de manifestants ne voulaient plus croire à une paix à deux Etats. Une fuite en avant, signe de frustration dans leurs rangs. Ce n’est pas encore un slogan. Mais dans les cortèges palestiniens, à Jérusalem comme en Judée-Samarie, l’argument revient en boucle depuis la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump....Détails......


«Plus personne n’y croyait encore, mais là, la solution à deux Etats est morte», assène Khaldun Bshara, rencontré en marge d’un rassemblement à Ramallah samedi.
Pour cet architecte et ses amis, c’est limpide : «Un seul Etat pour tout le monde, musulmans, chrétiens et juifs, avec les mêmes droits et la liberté de mouvement».
L’impensable est devenu une évidence pour ces Palestiniens de la classe moyenne, peu suspects de radicalité juvenile.
«Nos dirigeants ne sont pas prêts à le dire mais ils vont y venir. Il n’y a nulle part où aller», promet-il.
Ce jour-là, à Ramallah, aucun activiste n’a voulu défendre la solution à deux Etats, mantra de la communauté internationale face à la stagnation morbide du processus de paix, vingt-six ans après les accords d’Oslo. Pour les Palestiniens, Trump a mis fin à cette dissonance entre discours et réalité.
Le soir de l’annonce, Saeb Erekat, à la tête de l’équipe de négociation de l’OLP, proclamait la mort de la solution à deux Etats.
Sa direction l’avait vite recadré. Groggy, le leadership palestinien peine à formuler une riposte.
Au-delà des propos d’estrade, la décision de couper tout lien avec les Etats-Unis n’est pas sur la table, même si les Palestiniens boycotteront la visite cette semaine du vice-président, Mike Pence.
Vendredi soir, Hanan Ashrawi, l’une des dirigeantes de l’OLP, avertissait que «les règles du jeu ont changé. Tous les accords, tacites ou officiels, sont nuls et non avenus.
C’est une nouvelle ère.  […] Si Trump pense avoir fait une faveur à Israël, il se trompe.»
Signe de ce durcissement, le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas a fait savoir samedi que les Palestiniens rejetaient la motion selon laquelle le mur des Lamentations reviendrait aux Israéliens au terme d’un hypothétique accord.
Un tournant, comme l’a souligné sur Twitter l’ex-négociateur américain Martin Indyk.

Balfour.

En septembre, devant l’ONU, Mahmoud Abbas avait pour la première fois mentionné la solution à un Etat, en amont du centenaire de la déclaration Balfour, indiquant que «la politique israélienne actuelle, qui a gravement sapé la solution à deux Etats», pourrait amener les Palestiniens à réclamer«des droits entiers et égaux sur toute la Palestine historique».
La déclaration de Trump, ce «second Balfour» pour les Palestiniens, amorcera-t-elle ce revirement ?
Pas encore, répond Nabil Shaath, conseiller aux affaires étrangères de Mahmoud Abbas. «Ce n’est pas une idée nouvelle, j’ai écrit en 1969 qu’un Etat binational avec séparation de l’Eglise et l’Etat était la seule option possible, confie le vétéran palestinien.
Mais nous avons admis que ça ne serait jamais accepté par les Israéliens ou même l’ONU et que la solution à deux Etats était la plus réalisable. Si Abou Mazen [nom de guerre d’Abbas, ndlr] a mentionné pour la première fois cette éventualité, c’est qu’il n’y a pas de troisième voie. C’est soit deux Etats, soit des droits égaux pour tous.»
Pour l’OLP, l’Etat binational reste une menace et non un souhait. Une position qui attriste Diana Buttu, ex-conseillère d’Abbas devenue l’une de ses plus féroces critiques.
«Cette génération de dirigeants n’en parle que d’un point de vue défaitiste - "on n’a pas pu avoir deux Etats, alors va pour un seul" - comme si l’on devait le redouter, explique-t-elle.
L’Etat unique existe déjà : c’est l’apartheid actuel. Mais un Etat unique égalitaire serait la meilleure chose pour la région.»

Check-points.

Pour le sondeur Khalil Shikaki, «la décision de Trump a fait significativement baisser le soutien à la solution à deux Etats chez les Palestiniens». Mais, d’après lui, la solution à un Etat reste marginale : «Un tiers l’envisage, mais pour la plupart seulement en deuxième option. Ce chiffre est stable depuis des années.»
Selon Diana Buttu, cette proportion devrait grossir : «La génération qui n’a connu qu’Oslo rejette l’idée de deux Etats. On leur parle d’Autorité palestinienne, de président et de ministres, mais tout ce qu’ils retiennent, ce sont les check-points. Ils ne veulent plus de frontières.»
La lutte pour un Etat binational ferait basculer ce qui est présenté comme un conflit territorial en lutte pour les droits civiques, sur le modèle de l’Afrique du Sud de l’Apartheid.
Et entraînerait, à terme, démographie oblige, la fin du rêve sioniste d’un Etat juif où ces derniers seraient en majorité.
En Israël, où que l’on se place sur le spectre politique, personne n’en veut. Si la gauche réclame la fin de l’occupation, c’est pour mieux acter le «divorce» avec les Palestiniens.
«Quand les Palestiniens deviennent nerveux, ils se mettent à parler de solution à un Etat, relativise Ghassan Khatib, ancien ministre palestinien du Travail.  Mais quand ils s’assoient et réfléchissent, ils voient bien que ce n’est pas possible.
La seule façon de l’imposer serait par la force.  Ce n’est pas réaliste.»  Pour les militants prenant la rue depuis la déclaration de Trump, l’absolutisme de cette revendication a le mérite de la clarté comparé aux entrechats de l’OLP. Un épouvantail palestinien pour crier son désespoir.
Source Liberation
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