Après une enfance en Ukraine et une adolescence en Israël, c’est à Lausanne que Yosef Akhtman a décidé de fonder la start-up Gamaya. Celle-ci a développé une caméra miniature hyperspectrale, embarquée sur un drone, destinée à optimiser l’agriculture......Détails........
La journée est froide et pluvieuse. C’est pourtant en chemisette à carreaux que Yosef Akhtman arrive à son rendez-vous, en mordant dans une viennoiserie. Cet ingénieur a créé Gamaya sur le site de l’EPFL.
Depuis sa création en 2015, cette start-up a obtenu au total 7,2 millions de francs auprès de nombreux investisseurs dont le family office Glasshouse de Peter Brabeck, l’ancien patron de Nestlé, Alain Nicod, le directeur du fonds Venture Incubator et cofondateur de LeShop, ou de la Fondation de Famille Sandoz.
Un IRM pour l'agriculture
Considérée comme l’une des start-up les plus prometteuses de Suisse, Gamaya numérise l’agriculture.
Dix-neuf personnes travaillent au sein de cette société qui veut accroître les rendements des cultures grâce à l’utilisation d’une caméra miniature hyperspectrale, embarquée sur un drone.
Une sorte d’IRM volant basé sur l’analyse des spectres de la lumière réfléchie.
Les données récoltées sont traitées et analysées par l’équipe de Gamaya. L’agriculteur obtient alors directement sur son smartphone des informations sur l’état de santé de ses exploitations agricoles, leur besoin en engrais, en eau ou détecte d’éventuelles maladies.
«Notre système évite l’usage d’engrais et de pesticides superflus. L’agriculteur peut ainsi augmenter ses rendements en réduisant ses coûts liés aux fertilisants, aux produits chimiques ou à l’eau», affirme Yosef Akhtman, qui vise les grandes exploitations agricoles de maïs, soja ou canne à sucre de plus de 10 000 hectares, notamment au Brésil, en Argentine, en Russie ou en Ukraine. «Nous établissons actuellement des contrats commerciaux et espérons atteindre des revenus de plusieurs millions dès 2018.»
Manque de ressources
Pour Yosef Akhtman, l’agriculture n’est ni une passion ni un rêve d’enfant. «Je n’ai jamais su ce que je voulais faire dans la vie. C’est toujours le cas aujourd’hui», lance-t-il avec une certaine innocence. Né en 1976 en Ukraine, un pays qu’il a connu avant la chute du mur de Berlin, il se souvient des réveils matinaux vers 5 heures du matin.
«On partait toute la famille faire la queue pour obtenir du beurre ou quelques denrées alimentaires», dit-il en s’adressant à sa collaboratrice russe, qui confirme.
«Dès que l’on voyait des gens agglutinés dans la rue, on les rejoignait automatiquement sans savoir ce que l’on recevrait.» Il se souvient aussi de son père, ingénieur, qui partait parfois à Moscou et revenait avec une valise remplie de chaussettes ou de savons, des denrées qui faisaient souvent défaut en Ukraine.
Chez les Akhtman, quitter le pays était une évidence. Ainsi, dès que l’occasion s’est présentée en 1990, avec la libéralisation du régime soviétique, Yosef Akhtman a suivi ses parents et son frère pour aller vivre près de Jérusalem. «Le premier jour, j’ai tremblé de tout mon corps en voyant la profusion des biens dans les magasins. J’avais envie de tout posséder», dit-il.
«Ma grand-mère ne peut toujours pas s’empêcher de faire des réserves», ajoute sa voisine de bureau.
Pas de baccalauréat
Six jours à peine après son arrivée en Israël, il intègre à 13 ans un internat où il ne comprend pas un mot d’hébreu. «Je me suis vite adapté. En revanche, cela a été très dur pour mes parents, qui ont fait toutes sortes de métiers pour survivre, des ménages à la récolte d’oranges», dit-il. Deux ans plus tard, il met un terme à sa scolarité.
«J’étais un très mauvais élève, sauf en mathématique. Pour me pousser à poursuivre mes études et faire un baccalauréat, la direction de l’école m’avait conseillé de suivre, en auditeur libre, des cours de math à l’université. C’est ce que j’ai fait, mais je ne suis jamais retourné sur les bancs de l’école.»
Pourtant, après ses trois années de services militaires, la secrétaire de l’université accepte de légaliser sa situation et complète son dossier auquel il manque pourtant un papier essentiel: un baccalauréat.
«C’est grâce à elle que je suis devenu ingénieur», dit-il avec reconnaissance.
Après un diplôme en physique et mathématique, il effectuera un doctorat en Grande-Bretagne dans le domaine des télécommunications.
Puis, il partira avec sa femme et ses deux filles sur l’île de la Barbade pour travailler sur un projet de robot sous-marin capable de cartographier la barrière de corail.
«C’est aussi à cette époque que ma fille parlait d’une île imaginaire où tous ses désirs pouvaient se réaliser. Cette île s’appelait Gamaya», dit-il amusé.
Chaque problème a une solution
Comment en est-il arrivé à s’intéresser à l’agriculture? «Dans la vie, je n’ai jamais vraiment suivi un chemin prédéfini», dit celui qu’on ne verra pas faire du jogging au bord du lac.
«Je n’ai pas de temps pour les hobbys et je n’en ressens d’ailleurs pas le besoin», dit-il, l’air concentré derrière ses lunettes métalliques. En revanche, ce qui le fait vibrer et lui permet de mobiliser son énergie, c’est de se creuser la tête pour trouver une solution à un problème.
Il y a six ans, il a rejoint Lausanne pour travailler sur le projet «Léman-Baïkal», un programme d’études helvético-russe pour la préservation des ressources d’eau douce, au travers duquel le fondateur a développé avec son équipe le concept de caméra hyperspectrale miniature, embarquée sur un ULM ou un drone.
Pourquoi n’a-t-il pas choisi Tel-Aviv ou la Silicon Valley pour créer Gamaya en 2015 avec Igor Ivanov et Dragos Constantin? «La technologie vient de l’EPFL et je n’aime pas aller là où tout le monde va. Pour avoir du succès, il faut faire quelque chose avec passion, dans un domaine où l’on excelle et faire le tout différemment.»
Dates clés:
1976: naissance en Ukraine
1990: déménagement en Israël
2010: séjour sur l’île de la Barbade
2011: arrivée en Suisse
2015: création de Gamaya
Source Le Temps
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