Pages

dimanche 22 octobre 2017

Sarreguemines : au nom de tous les siens

 
 
A 92 ans, Ginette Kolinka témoigne inlassablement de son vécu de déportée et du tragique destin de sa famille. Avec force détails, elle s’est exprimée hier face aux élèves du lycée professionnel Simon-Lazard.......Rencontre.........



Il faut m’arrêter, parce que vous savez, quand je commence à parler…  » Ginette Kolinka aime le contact des jeunes, même s’il s’agit de relater l’enfer. La nonagénaire est à l’aise et sait captiver son public sur l’instant.
Elle débute son intervention, montrant quelques photos de jeunes dans les années 1930.
«  Leur trouvez-vous quelque chose d’anormal ?  », demande-t-elle aux élèves de 1re bac pro commerce, gestion et hôtellerie du lycée Simon-Lazard, présents avec leurs enseignants au forum de la médiathèque.
Des images d’enfants juifs qui ne sont pas revenus des camps de la mort. «  Pour un certain monsieur, nous n’étions pas des êtres normaux, mais de la vermine. Il voulait nous tuer.
Moi, j’ai eu de la chance et le jour où je mourrai, je mourrai de ma propre mort. Ils ont tué les enfants seulement parce qu’ils étaient, pas pour ce qu’ils ont fait  », témoigne-t-elle, pesant chaque parole.

Processus en marche

Ginette Kolinka, sixième d’une famille de sept enfants, parle de son enfance heureuse à Paris, de son père tenant un atelier de confection et de son petit frère Gilbert, seul garçon entouré de six filles…
Puis les jours sombres sont arrivés. «  Il y a plein de métiers qu’on ne pouvait plus exercer. On n’avait plus le droit de quitter les lieux où on était enregistrés , poursuit celle qui parle de l’époque avec les yeux de la jeune femme qu’elle était. 
Moi, j’étais un peu égoïste, j’étais très heureuse qu’on soit tous ensemble et jusqu’en 1942, nous avons vécu avec les restrictions, les interdits.  »
Le père de famille étant identifié comme juif et communiste, Ginette raconte comment il a fallu quitter Paris avec de faux papiers, de manière séparée avant de se retrouver à Avignon.

«  En route vers Pitchitpol »

En Provence, le petit groupe reprend une vie normale tout en faisant attention, se croyant protégé par des certificats de citoyens orthodoxes. Jusqu’à ce jour de mars 1944, «  une très belle journée où nous étions derrière l’étalage au marché  », raconte Ginette qui, en rentrant chez elle, se trouve nez à nez avec des policiers.
«  Deux avaient un manteau de cuir et un chapeau. Je les connais, c’était la Gestapo  ». S’ensuit un parcours menant la famille de Marseille à Drancy. «  Le 12 avril 1944, nous sommes prévenus que nous allons quitter Drancy. Une rumeur disait qu’on allait vers Pitchitpol, mais ça n’existe pas enfin ; on allait à perpète.  »
Dès lors, la brutalité de l’armée allemande, l’interminable voyage en train, le manque de place, les odeurs font basculer vers l’horreur. «  Cette odeur, je m’en souviens  », dit-elle.

Un lien précieux

Ginette évoque l’arrivée à Auschwitz-Birkenau en Pologne, les projecteurs, les ordres secs, cette langue qu’elle ne comprend pas, son père et son frère qu’elle voit partir sans savoir qu’ils seront gazés dans la foulée, ces baraques en nombre et ce lieu qu’elle prend d’abord pour une usine…
Ginette passe un an dans le camp des femmes, à la fin de la guerre, elle retrouve sa mère et quatre sœurs, mais au début, traumatisée, elle ne parlait à personne de cette période.
Hier à Sarreguemines, les élèves du Simon-Lazard ont reçu une belle leçon de vie face à une passeuse de mémoire certes bavarde, mais ils ne sont pas près d’oublier son poignant récit. D’autant que de tels témoignages sont devenus rarissimes.
Source Le Republicain Lorrain
Suivez-nous sur FaceBook ici:
Suivez nous sur Facebook...
Sommaire