Issus d’une petite communauté juive vieille de quatre mille ans, ils vivaient autrefois dans une stricte endogamie. Mais les femmes sont si peu nombreuses parmi les leurs qu’ils ont dû s’adapter.......Détails........
Au pied du mont Garizim, sur les hauteurs qui bordent Naplouse, dans le nord de la Judée-Samarie, le village de Kiryat Luza fait figure de sanctuaire. À première vue, rien ne le distingue de ses voisins palestiniens : une artère principale où patrouille un blindé de l’armée israélienne, cinq ruelles abritant des maisons blanches à toit plat et une épicerie où les hommes du village se rassemblent autour de cafés fumants.
Pourtant, c’est ici que résident 300 descendants de la communauté samaritaine, fondée il y a quatre mille ans et vivant selon des préceptes dictés par leur propre interprétation du Pentateuque (la Torah).
Les femmes étaient si peu nombreuses que nous risquions de nous éteindre
Pendant des millénaires, les Samaritains ont ainsi vécu dans une stricte endogamie.
Les jeunes gens en âge de se marier devaient trouver l’âme sœur parmi les leurs, soit au sein du village de Kiryat Luza, soit à Holon, dans la banlieue de Tel-Aviv, où vivent 300 autres Samaritains.
Une règle instaurée pour préserver à la fois la pureté de ce courant si singulier du judaïsme et l’existence même de la communauté.
Teint hâlé et sourire naissant sous sa moustache blanche, Benyamin Tsedaka, alias « Benny », reçoit dans sa maison au cœur du village.
Figure de la communauté, l’homme, âgé de 73 ans, peut disserter des heures sur l’histoire des Samaritains avec une gouaille intarissable.
Selon lui, le début du XXe siècle a marqué un tournant pour les siens : « Nous n’étions plus qu’une centaine, les femmes étaient si peu nombreuses que nous risquions de nous éteindre. »
Face à ce danger, les leaders de la communauté ont décidé, en 1923, d’autoriser les unions entre des Samaritains et des femmes nées hors de la congrégation.
À une condition : qu’elles se convertissent au samaritanisme. Un préalable non négociable.
Mais où trouver des femmes qui accepteraient de vivre selon les rites de la communauté ?
La solution est venue des pays d’Europe de l’Est et de leurs agences matrimoniales.
Pour 30 000 shekels (soit un peu plus de 7 000 euros), Yoeir Cohen a ainsi pu faire la connaissance de Shura, une belle Ukrainienne de vingt ans sa cadette. Depuis sa terrasse, au milieu de ses convives fascinés par son récit à l’eau de rose, ce chef d’entreprise prospère de 53 ans raconte comment il a rencontré celle qui est devenue son épouse.
« Je ne trouvais pas de femme ici, alors je me suis rendu à Tel-Aviv, au bureau de l’agence matrimoniale Jakov Nahoma. À peine avais-je ouvert le catalogue que je tombai sur une photo de Shura. Je l’ai tout de suite trouvée très belle et j’ai décidé d’aller la voir en Ukraine. J’y suis resté trois jours et elle est repartie avec moi. Elle n’a pas pu résister, je suis Don Juan ! » plastronne-t‑il.
La vérité est en réalité moins idyllique : en Ukraine, Shura était étudiante et manquait cruellement d’argent.
Plus qu’un mariage d’amour, Yoeir représentait surtout l’occasion d’une vie meilleure.
D’ailleurs, au moment d’évoquer ces femmes d’Europe de l’Est, le discours de Benny ne souffre aucune ambiguïté. Elles sont là avant tout pour la communauté.
« On adore les Russes ou les Ukrainiennes, parce qu’elles sont toutes très belles, lâche-t‑il sans complexe. C’est très important. Ce sont elles qui font que nos enfants ressemblent tant à des anges ! »
Avant de s’installer en 2011 à Kiryat Luza, où elle a épousé Tamim, un riche Samaritain de 40 ans, Tania travaillait comme interprète pour l’agence matrimoniale Anastasia, à Lviv, en Ukraine.
Tamim était son client. « Il m’a fait la cour. Il se fichait des filles que je lui présentais dans les catalogues. Il ne voulait que moi », se souvient-elle. Face à tant de persévérance, elle a fini par succomber à ses avances. Avant que Tamim lui conte fleurette, Tania s’est vite rendu compte que la plupart des clients qui toquaient à sa porte étaient « des Juifs d’Israël ».
Tous venaient dans le même espoir, attirés par la simplicité du système mis en place par ce type d’agence.
« Tu viens, tu regardes les photos des filles inscrites, explique Tania. Au dos des photos, il y a toutes les informations “utiles” – mensurations, couleur des yeux, nombre d’enfants, éventuel précédent mariage… Une fois la sélection faite, l’agence met en contact l’homme et la femme.
Chaque étape est ensuite payante. Par exemple, le premier rendez-vous coûte 50 dollars [42 euros]. Moi, je traduisais les messages de l’anglais à l’ukrainien ou au russe, j’organisais aussi des fêtes et des soirées pour tout ce beau monde à Odessa. »
Reste une question en suspens : comment ces nouvelles converties se sont-elles adaptées à leur nouvelle vie en terre samaritaine ? Réponse de Tania, honnête mais ne transpirant pas la dévotion absolue envers sa nouvelle religion : « Avant de venir au mont Garizim, j’ai beaucoup réfléchi, je me suis bien renseignée et j’ai aisément adopté le style de vie.
Finalement, le seul vrai changement, c’est que j’ai changé mon jour de repos, de dimanche à samedi [jour de shabbat]. Ils ne m’ont pas retourné le cerveau, ils prennent soin de moi. Ici, j’ai tout d’une princesse. » Tout, même le prince charmant.
Source Jeune Afrique
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