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jeudi 24 novembre 2016

Cuisiner glatt casher et manger gourmet






En vous promenant dans les rues de Beit Chelkiya, vous ne croiserez guère que des hommes en chapeaux noirs qui discutent en yiddish. Difficile d'imaginer, dès lors, que ce moshav orthodoxe est le siège d'une véritable révolution culinaire...







Pourtant, c'est bien à l'orée de ce village que s'élève la maison de Miri Zorger. A l'intérieur : un congélateur géant et un garde-manger débordant de tablettes de chocolat, de poudre d'or et de minuscules cartes de visite blanches qui dépassent de chacune de ses truffes signées.
A 43 ans, Miri Zorger est un traiteur très convoité, chantre d'une nouvelle philosophie de la cuisine casher qui refuse de voir la tradition comme synonyme de limitation.
Dans son livre tout comme dans son émission radiophonique hebdomadaire, Miri encourage ses adeptes à utiliser des herbes fraîches et à confectionner du pain français. Sa notoriété grandissante en dit long sur l'enthousiasme culinaire qui saisit aujourd'hui les milieux ultra-orthodoxes en Israël.
 Désormais, on peut voir des femmes portant perruque ou foulard suivre des cours de pâtisserie, s'arracher le chocolat français de première qualité dans les supermarchés et s'absorber dans la lecture de superbes livres de cuisine sur papier glacé dont la vocation est d'améliorer la cuisine casher. Les entreprises israéliennes ne se font pas prier pour les approvisionner, proposant les meilleurs produits et services nécessaires à ces gourmets glatt casher.


La réussite de "Balabousta"


Un dimanche soir à Bnei Brak : Miri s'active sous les projecteurs. Elle pétrit de la pâte pour une focaccia. Ses cheveux bruns (une perruque) lui arrivent juste au-dessus des épaules. Par moment, elle chasse d'un mouvement de tête l'épaisse frange qui lui tombe sur les yeux.
Sa jupe noire n'est pas loin de recouvrir ses chevilles et son chemisier tout aussi sombre est boutonné jusqu'au cou. Sans le maquillage nécessaire au spectacle et le micro qu'on lui a accroché, Miri ne se distinguerait pas de ces milliers de femmes qui peuplent la salle de conférence.
 "Notez en vitesse !", lance-t-elle, les mains plongées dans la pâte. "Un kilo de farine, 1/2 verre d'huile, dix grammes de levure, un demi-litre d'eau, sel et poivre !"
Miri est la conseillère culinaire de "Balabousta" ("mère de famille" en yiddish), un marathon de treize heures de gastronomie casher où l'on vend appareils ménagers, couteaux, livres de cuisine et ingrédients pour la pâtisserie. Toutefois, l'événement phare de Balabousta, ce sont les démonstrations de Miri Zorger, en compagnie d'un boulanger pour les Halot, d'un œnologue et de Jamie Geller, célèbre chef américaine de cuisine casher.
Pour les 10 000 femmes qui assistent au festival ce jour-là, regarder sur écran géant ces professionnels qui s'activent est une nouveauté, car rares sont celles qui ont la télévision.
Au premier rang, Yaël Nahari et Batshéva Cohen prennent furieusement des notes. Elles ont fait plus de deux heures de route depuis Tibériade et sont arrivées tôt pour obtenir ces places de choix.
"Impossible de quitter nos chaises", s'exclame Batshéva, 40 ans, jardinière d'enfants. Du doigt, elle désigne le sac en plastique posé à ses pieds, d'où dépassent une épaisse planche à découper bleue et un grand couteau de cuisine. "On ne trouve pas ce genre de choses à Tibériade."


Le parcours d'un chef au féminin


Miri Zorger a commencé sa carrière de cuisinière assez tardivement. Née à Bnei Brak, elle a épousé à 18 ans un homme choisi par ses parents dont elle a eu 4 enfants. Elevée dans la plus stricte orthodoxie, elle a toujours aimé le dessin. A la naissance de son premier enfant, elle entre à l'école de design Shenkar, à Tel-Aviv.
Mais un accident de voiture presque fatal la pousse à reconsidérer ses projets. Et à s'inscrire dans une école de cuisine à l'âge de 36 ans.
Elle choisit l'institut Bishoulim, à Tel- Aviv, où elle étudie un an, puis enchaîne sur une autre année, en pâtisserie cette fois.
C'est la seule école de cuisine non cachère d'Israël, mais Miri tient à étudier au plus haut niveau. Pendant ces deux ans, elle ne goûte jamais rien, mais chaque soir, en rentrant chez elle, elle recrée les recettes dans sa cuisine, remplaçant les ingrédients "treif" (non casher) comme le porc, les crevettes ou la gélatine, par des aliments de substitution, par exemple d'autres viandes ou du agar-agar, alternative tout juste passable, mais casher, à la gélatine à base de porc. "Ce n'était pas facile du tout !", confie-t-elle.
Puis Miri entre en apprentissage chez le chef allemand Hans Bertele, qui officie en Israël, et prend d'autres cours avec un pâtissier français à Eilat. Gagnant confiance en elle, elle entreprend de confectionner des desserts pour des amis ou des voisins.
Bientôt, on commence à lui passer commande de buffets entiers. Sa première grande réalisation : un dîner de sushis pour un entrepreneur en bâtiment en Israël. Puis c'est un hôtel suisse qui l'emploie pour confectionner des gâteaux casher pour Pessah.
 Lorsqu'elle n'est pas dans sa cuisine, Miri écrit des recettes pour l'entreprise Tnouva. Mais la notoriété, c'est avec son émission de cuisine sur Kol Haï, la radio préférée des orthodoxes, qu'elle l'a acquise il y a quatre ans. Une émission suivie par des auditeurs fidèles. Elle présente les herbes par leur nom et institue un concours de recettes annuel appelé "Hashéfit Haba'a", le prochain chef (au féminin).


Pâtisseries ou décorations ?


Aujourd'hui, Miri organise en moyenne quatre réceptions par mois. Il y a six mois, elle est passée de Bnei Brak à Beit Chelkiya, sur la côte sud, pour avoir une plus grande cuisine et bénéficier d'un peu de calme, loin de l'agitation qui entoure sa vie de cuisinière célèbre.
"Gastronomie rime avec cacherout", affirme-t-elle, "car elle implique une cuisine très méticuleuse. Or qui est plus méticuleuse qu'une femme haredite quand il s'agit d'éliminer les insectes ou de s'assurer que tout est net ?"
 Cette attention au détail se traduit dans ces chocolats miniatures aux formes précises, que Miri saupoudre de poudre d'or, ou dans ces assaisonnement présentés dans des éprouvettes, à l'intérieur de jolis petits saladiers.


Par DANIELLA CHESLOW ( source : Jpost.fr)


Source Chiourim


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