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vendredi 27 mai 2016

Paracha Behoukotaï : L’interdiction de Temoura


La paracha de Bé’houkotay, et avec elle le livre de Vayikra, se conclut avec différentes lois relatives aux « sanctifications » – à savoir la consécration de biens ou de valeurs au Temple. L’une d’elle est appelée la loi de Temoura. A la fin de notre paracha, la Torah prescrit : « Tout ce qu’on aura voué à l’Eternel deviendra une chose sainte. On ne peut ni le changer, ni le remplacer, aussi bien le bon par le défectueux, que le défectueux par un meilleur » (Vayikra 27, 9-10)....
Par ces mots, le verset nous défend de « déplacer » la sainteté d’une bête sanctifiée au Temple sur une autre bête. En clair, il est interdit de prendre deux bêtes – dont une seule est sanctifiée – et de déclarer : « Que la seconde se tienne à la place de la première ».
Cette notion s’appelle « Temoura », dans la mesure où elle consiste à faire « permuter » la sainteté.
Cet interdit ne s’applique qu’aux animaux destinés à être sacrifiés sur le mizbéa’h [l’autel]. En revanche, toute chose sanctifiée uniquement pour sa valeur, et non pour être elle-même « approchée », n’est pas concernée par cette interdiction. Elle peut donc être rachetée par une somme d’argent ou un bien de la même valeur.
Dans le verset, on aura remarqué une répétition a priori inutile : « On ne peut ni le changer, ni le remplacer ». Cette répétition accorde à l’interdit de Temoura la même importance que si deux défenses avaient été prononcées à son sujet, bien que d’un point de vue formel il n’y en ait qu’un.
En règle générale, on n’est passible de flagellation pour une infraction que si celle-ci requiert un acte physique. Pour une parole en revanche – et à plus forte raison pour une simple pensée –, le Tribunal rabbinique n’est pas en mesure d’infliger une punition.

Cette règle connaît cependant trois exceptions : le serment à faux, le blasphème et la Temoura, pour lesquelles la simple articulation de mots entraîne une sanction immédiate.
Si la Temoura constitue ainsi une exception, c’est parce que cette parole entraîne une conséquence concrète et immédiate, puisque la seconde bête se trouve effectivement sanctifiée.

L’animal et son remplaçant

Dans le contexte de la Temoura, la Torah énonce une seconde mitsva : « L’animal et son remplaçant seront sanctifiés » (ad loc.). C’est là une spécificité unique à cette mitsva : bien que la seconde bête se trouve sanctifiée à cause de l’échange, la première ne perd néanmoins rien de son statut antérieur !
Il en résulte que ce faisant, le propriétaire de la bête a non seulement enfreint la volonté de la Torah mais de surcroît, il ne tire aucun avantage puisque ses deux bêtes doivent finalement être approchées sur le mizbéa’h.
Cependant, cette double sanctification connaît certaines restrictions.

Ainsi, la seconde bête – désignée pour remplacer la première – ne peut créer à son tour une autre Temoura : vouloir remplacer la remplaçante resterait sans effet, puisque seule une bête elle-même sanctifiée peut engendrer une situation de Temoura.
En revanche, si l’on fait permuter la sainteté de la première une seconde ou une troisième fois sur d’autres bêtes, elles deviennent toutes sanctifiées au même titre que la première remplaçante, et ce sans aucune limite.
 

Significations

Le Séfer Ha’hinoukh explique que par cette mitsva, la Torah s’efforce d’inspirer dans le cœur des hommes une crainte à l’égard du Temple et de tout ce qui s’y rattache.
Pour que chacun prenne bien conscience de cette primauté, elle interdit à quiconque de se rétracter après avoir consacré une bête au mizbéa’h. Lorsqu’une bête est déclarée « sanctifiée », rien ne pourra la départir de ce statut. Bien plus : pour appuyer cette décision, la Torah prive ce geste de toute influence, et impose que non seulement la bête d’origine mais même la remplaçante soient toutes deux sanctifiées.
Le Rambam envisage pour sa part ce thème sous un autre angle. D’après lui, à travers cette mitsva se reflète l’un des défauts de la nature humaine : la cupidité et l’avarice.

En effet, après avoir consacré au Temple une bête dont la valeur est parfois fort appréciable, l’homme peut être amené à regretter sa générosité. Ou tout du moins, à vouloir « échanger » son don contre un autre de qualité inférieure. Or, s’il était permis d’échanger un animal « défectueux par un meilleur », il ne fait aucun doute qu’on en viendrait un jour à échanger « un bon par un défectueux ».
C’est la raison pour laquelle la Torah s’efforce de combattre ce triste penchant humain, en interdisant toute « négociation » avec ce qui est consacré au mizbéa’h. Et pour cette même raison, même lorsqu’il est permis de « racheter » un bien sanctifié, nous sommes tenus d’ajouter 1/5e de sa valeur pour que le rachat soit effectif.

De la sorte, il n’y a pas lieu de craindre que des calculs mercantiles motivent cette démarche, dans la mesure où un tel rachat « coûte » tout de même à l’intéressé 20% de la valeur du bien…
Le Rambam conclut son propos par une idée récurrente dans son œuvre : « La plupart des préceptes de la Torah sont des prescriptions donné par le Maître des conseils, pour corriger les défauts et amender les actes des hommes » (Hilkhot Temoura 4, 13).  Par Yonathan Bendennnoune


Source Chiourim