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jeudi 21 avril 2016

Dans le conflit du Haut-Karabakh, le «drone kamikaze» israélien de la discorde





La reprise des hostilités entre Arméniens et Azerbaïdjanais a mis en lumière le soutien militaire croissant de l’Etat hébreu à Bakou. Au grand dam d’Erevan. C’était un soir, en plein milieu de la «guerre des quatre jours» (2-5 avril) au Haut-Karabakh, cette enclave arménienne en plein territoire azéri théâtre d’un conflit latent depuis bientôt vingt-deux ans...







Un car transportant des volontaires venus de l’intérieur de l’Arménie a été frappé de plein fouet par ce qui a été présenté d’abord comme un missile air-sol azerbaïdjanais. Sept personnes sont mortes sur le coup, de nombreuses autres ont été blessées.
Une fois la stupeur passée, les témoignages ont afflué sur cet étrange missile qui avait longtemps survolé le véhicule avant de s’abattre sur lui. Une vidéo a même été publiée sur le Net, montrant un objet volant au fuselage en forme de V, prolongé par un «nez» rappelant à la gueule d’un requin-marteau. Pour les spécialistes, il ne pouvait plus y avoir de doute: l’autocar arménien a bien été frappé par le drone israélien Harop.
Cet avion sans pilote a la particularité de ne pas emporter une charge offensive: en cas de besoin, il se transforme lui-même en missile et fond sur sa cible en s’autodétruisant.
Les sept victimes du Harop sont venues grossir le chiffre des quelque 100 morts qu’a causé cette subite reprise des hostilités dans le Haut-Karabakh auxquelles un cessez-le-feu précaire a mis fin le 5 avril.
Mais cela va faire plusieurs mois maintenant que la silhouette si particulière de ce drone est devenue la hantise des habitants du Haut-Karabakh. Des Harop sont, de fait, régulièrement utilisées par l’armée azerbaïdjanaise pour surveiller et tester les lignes de défenses arméniennes. Mais c’est la première fois que cet engin a été utilisé dans sa déclinaison de «drone kamikaze».
L’affaire a fait grand bruit en Arménie, provoquant même une réaction officielle de ce petit pays du Caucase dont les diplomates ont remis une note de protestation en bonne et due forme à Tel-Aviv.
Pour les Arméniens, qui ont commémoré l’année dernière le centenaire du génocide, ce soutien militaire israélien à l’Azerbaïdjan a un parfum d’injustice historique. Beaucoup d’entre eux voient dans le régime de Bakou le bras armé de leur ennemi de toujours, la Turquie.
«Nous aurions dû être les alliés naturels d’Israël parce que nous avons, comme les juifs, survécu au génocide et parce que nous vivons aujourd’hui, comme les Israéliens, entourés de voisins hostiles. Pourquoi Tel-Aviv prend-il systématiquement le parti de nos ennemis?», s’interroge une représentante de la société civile d’Erevan, désireuse de conserver l’anonymat.
Le soutien militaire d’Israël à Bakou est, effectivement, massif. Outre des drones, l’Etat hébreu fournit au régime azerbaïdjanais des radars, des missiles antichars, des instruments de vision nocturne et modernise une partie de son aviation pour un montant estimé entre 2 et 5 milliards de dollars. Autant d’espèces sonnantes et trébuchantes pour l’industrie de l’armement de l’Etat hébreu dont des représentants n’ont pas manqué d’exprimer récemment leur satisfaction de voir leur «drone kamikaze» testé dans de conditions de combat réelles.
A cela s’ajoutent les bienfaits d’une «alliance stratégique», selon l’expression du président Ilham Aliyev, dont la famille est aux commandes de l’Azerbaïdjan depuis l’indépendance du pays en 1991. Une alliance qui permet surtout aux services spéciaux israéliens de disposer d’une véritable base opérationnelle face à l’Iran, l’ennemi juré de l’Etat hébreu.
C’est depuis Bakou que le Mossad mènerait ses opérations de l’ombre dans le pays des mollahs: recrutement d’agents, interception de communications et surveillance aérienne.
Le tout, en accord, voire en harmonie, avec leurs collègues azerbaïdjanais. «Les relations bilatérales entre l’Azerbaïdjan et Israël sont comme un iceberg. Neuf dixièmes sont en dessous de la surface», a reconnu un jour le président azerbaïdjanais, selon un câble confidentiel américain rendu public par WikiLeaks.
Une façon de dire que les drones tueurs israéliens n’ont pas fini de survoler le Caucase du Sud…


Source Le Temps