Serge Klarsfeld, qui a dédié sa vie à la reconnaissance de la Shoah et à la condamnation des crimes nazis, anime un débat ce soir à Toulouse au conseil départemental. Surnommé le «chasseur de nazis», pour l'acharnement qu'il mit lui et son épouse Beate à faire juger les criminels nazis, Serge Klarsfeld est ce soir à Toulouse pour animer un débat au conseil départemental de Haute-Garonne. Entretien....
Le sens de votre combat est-il le même aujourd'hui qu'il y a cinquante ans ?
Pratiquement le même, oui. Nos actions ont toujours été appuyées par des dossiers ou des œuvres historiques, comme le «Mémorial de la déportation» qui donnait toutes les identités des juifs déportés. C'est un document que je ne pouvais pas ne pas établir avant le procès de Cologne où des organisateurs de la Solution finale étaient jugés. Il fallait que soient présentes toutes les parties civiles, toutes les victimes. C'est un travail de longue haleine qui fait appel à l'histoire, à la mémoire et à la justice. Mais il y a moins de justice aujourd'hui car les criminels nazis ont presque tous disparu.
Il ne reste plus de criminels nazis aujourd'hui ?
À ma connaissance plus personne. Il reste des criminels qui ont tué, des gens qui étaient âgés de 18 à 20 ans à l'époque et qui ont aujourd'hui 73 ans de plus. Mais des criminels décisionnaires, il n'y en a plus. Ceux que l'on juge aujourd'hui, on les juge sans témoin ni document de ce qu'ils ont fait. Il reste des tueurs dont on ne peut établir s'ils ont été des tueurs.
Vous avez coécrit «Mémoires» avec votre épouse Beate. Quels sentiments dominent après tant d'années, tant de souvenirs ?
D'avoir eu une vie intéressante et d'avoir rempli mon contrat vis-à-vis de mon père, disparu à Auschwitz. Par miracle j'avais une formation d'historien qui m'a permis d'écrire l'histoire de la Shoah. À la fois j'ai été un grand militant, j'ai mobilisé autour de moi, et en même temps j'ai mené une vie heureuse, avec mon épouse, avec mes enfants. Nous avons traversé des situations dangereuses, nous avons échappé à un attentat et pourtant, nous n'avons pas eu à payer un prix exorbitant à notre existence. Je touche du bois !
Des regrets ?
Nous avons fait tout ce que l'on pouvait faire donc je n'éprouve aucun regret. Sinon que l'on aurait voulu qu'Alois Brunner soit jugé contradictoirement (il a été condamné en 2001 à perpétuité par contumace). C'est dommage, nous avions eu de la chance avec Klaus Barbie. Brunner était protégé par Assad en Syrie. Il est mort petit bout par petit bout : un œil en moins, les doigts d'une main, etc. Je ne sais pas comment il a fini mais je sais que sa vie a été dominée par les crimes qu'il a commis.
Et votre plus grande fierté ?
Que la République nous ait honorés. Quand Beate avait giflé le chancelier allemand Kiesinger en 1968 (elle l'avait traité de «nazi», N.D.L.R.), je lui avais dit : «Tu seras honorée par l'Allemagne, mais quand tu seras vieille !»
L'antisémitisme actuel est-il le même qu'autrefois ?
Avant il se nourrissait des conflits au Moyen-Orient ; aujourd'hui, c'est un phénomène qui reprend tous les clichés des années trente : le complot, les juifs riches qui dominent le monde, etc. Il s'agit d'un antisémitisme quasiment aggravé. Même dans les années trente, il n'y avait aucun juif tué en France.
Vous et votre épouse avez obtenu la nationalité israélienne. Envisagez-vous de vivre en Israël ?
Oui. Nous avions lancé un cri d'alarme lors des élections régionales face à la montée du Front national. Car il ne faut pas se tromper : le noyau qui constitue le FN reste xénophobe et antisémite.
Conférence à Toulouse
Le Mémorial de la Shoah, en partenariat avec le conseil départemental de Haute-Garonne et la librairie Ombres Blanches propose une soirée débat avec l'avocat et historien Serge Klarsfeld et l'historien Alexandre Doulut ce soir à partir de 18 heures. Ce débat s'articulera autour de la présentation des ouvrages de Serge Klarsfeld «Mémoires», coécrit avec Beate Klarsfeld (éditions Fayard-Flammarion), et «1945, les rescapés juifs d'Auschwitz témoignent» (éditions Après l'Oubli) coécrit avec Alexandre Doulut.
Ce soir à 18 heures au conseil départemental, boulevard de la Marquette, salle de l'Assemblée. Inscription obligatoire :
Tél. 05 34 33 30 15 ou 05 34 33 30 16
Propos recueillis par Sébastien Marti
Source La depeche