Pour la première fois, Israël est représenté en France par une femme ambassadeur. Il s’en est fallu de peu que Klaus, son mari d’origine allemande, soit au Stade de France le 13 novembre. Parti en retard, il a dû faire demi-tour, à la demande de la sécurité. Le premier kamikaze venait de se faire sauter. Elle a appris la nouvelle à la résidence, vaste appartement un peu impersonnel...
« Même si c’était, hélas, prévisible, ça a été un choc. En Israël, nous vivons au rythme des attentats, plus ou moins graves, plus ou moins spectaculaires, et c’est toujours un choc. Au début, on change son quotidien, puis vous verrez, la vie reprend le dessus. On ne peut pas être sans cesse sur le qui-vive… »
Diplomate de carrière, mère de deux filles dont une née au Swaziland, où elle a étrenné ses talents de diplomate, Aliza Bin-Noun, première femme ambassadeur d’Israël en France, a un petit air de Cindy Crawford et le corps diplomatique le mieux gardé de Paris. Autour d’elle, en permanence, un essaim d’hommes équipés d’oreillettes. Un seul de leurs regards et Aliza (« Joie ») obtempère. En Israël, « avant », elle pratiquait le Pilates. A Paris, « ce n’est plus possible. Alors je marche le week-end avec mon mari… et eux ! ».
« Notre petit pays ne nous a pas été livré sur un plateau d’argent. Nous allons rester parce qu’il n’y a pas d’alternative »
Le poste a beau être « un honneur », on sent que cette cage dorée lui pèse parfois un peu. Les journées démarrées à 8 h 30 ne s’achèvent jamais avant 22 h 30. Sa vie s’égrène en rendez-vous, réunions, discours, réceptions, galas… « Tout le monde veut me connaître. »Et particulièrement la communauté juive. « Les attentats ont ravivé l’effroi, même si, contrairement à Toulouse ou à l’Hyper Cacher, elle n’était pas spécifiquement visée, cette fois. » Arrivée mi-août, Aliza Bin-Noun n’a pas eu le loisir de vanter, comme elle en rêvait, les bienfaits des sels de la mer Morte, le dynamisme des start-up et les stages en kibboutz…
On repassera pour une offensive de charme qu’elle n’aurait aucun mal à mener. C’est à la faveur d’une crise que Son Excellence a rodé, sur les ondes et les plateaux télé, un français perfectionné à l’Université hébraïque de Jérusalem. C’était mi-novembre, quand la Commission européenne a demandé qu’on étiquette comme tels les produits en provenance des colonies israéliennes de Cisjordanie.
Elle préfère le terme « implantations, moins connoté ». « Vous savez qu’il y a plus de 200 territoires contestés dans le monde ? Ce genre de pression est inutile. Les Israéliens n’aiment pas ça. Pas du tout. »
Elle est marquée par le récit de cet Holocauste rapporté par son père, rescapé, « mort vivant »
Le ton est direct, courtois, sans appel. Aliza Bin-Noun a, certes, grandi au bord de plages idylliques, mais c’était celles du nord d’Israël, à portée de tirs du Liban. Elle a servi l’armée, confnée dans les bureaux de la Marine, à Tel-Aviv. « J’aurais mille fois préféré crapahuter sur le Golan, mais, à l’époque, on n’avait pas le choix. » La montée du FN en France ne l’émeut pas plus que ça. « Cela aussi, c’était assez prévisible, non ? »En Hongrie, où elle était en poste de 2007 à 2011, elle a côtoyé cette extrême droite qui porte des habits neufs mais garde, pour Aliza, des relents d’autrefois. « Ça a été une expérience émotionnelle très forte de revenir comme ambassadeur d’Israël dans ce pays d’où ma famille a dû fuir, d’où mes grands-parents ont été déportés vers Auschwitz. »
Elle est marquée par le récit de cet Holocauste rapporté par son père, rescapé, « mort vivant ». « Le fait que nous soyons encore menacés, c’est toujours le même sentiment, cette haine qui nous incite à la prudence et à la résistance. » Israël pour seul horizon.
C’est ainsi qu’elle le vit. « Ce petit pays ne nous a pas été livré sur un plateau d’argent. Chaque jour, chaque heure, on nous le rappelle. Mais nous allons rester. » Parce que, martèle- t-elle, « il n’y a pas d’alternative ».
Source Paris Match