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vendredi 27 novembre 2015

Paracha Vayichla'h : utiliser son Yétser hara pour le Bien

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Lors de son retour en Erets Israël, Yaacov Avinou envoie un message de réconciliation à son frère hostile, Essav. Il commence en ces termes : « J’ai vécu avec Lavan et j’y ai prolongé mon séjour jusqu’à présent [1]. » Hazal interprètent les mots de Yaacov de la façon suivante : « J’ai vécu avec Lavan et j’ai néanmoins respecté les 613 mitsvot ; je n’ai pas appris de son mauvais comportement [2]. »...



Les commentateurs se posent la question suivante : ces paroles semblent quelque peu hostiles – en quoi sont-elles liées au reste du message de Yaacov à Essav ?
Le ‘Hafets ‘Haïm zatsal répond en expliquant les paroles de ‘Hazal de manière originale : lorsque Yaacov dit qu’il a observé les mitsvot, sans apprendre de la mauvaise conduite de Lavan, il s’adresse en fait, une critique. Il assure Essav que celui-ci n’a rien à craindre de sa part, car bien qu’il ait observé les mitsvot, il ne l’a pas fait avec autant d’empressement que Lavan, quand ce dernier se comportait mal.
Ainsi, quand il dit n’avoir pas appris de l’attitude de Lavan, il fait allusion au fait de ne pas avoir mis dans ses bonnes actions le même zèle que Lavan en avait pour pécher [3].
Nous en déduisons que nos bonnes actions sont jugées par rapport à celles des pécheurs qui commettent leurs avérot. Nous sommes l’objet d’un grand kitroug (accusation) s’ils accomplissent le Mal avec plus d’entrain que celui que nous manifestons quand nous faisons le Bien.
Ceci peut nous aider à expliquer un autre passage difficile de ‘Hazal. Lorsque le méchant Bilam [4] se mit en route pour maudire le peuple juif, la Thora nous informe qu’il se leva tôt le matin (vayakam).
Le midrach Tan’houma relate qu’en voyant cela, Hachem s’exclama : « Racha ! Avraham, leur père te surpassa », comme il est dit [au sujet de la akéda (« sacrifice » d’Its’hak)] : « vayachkèm baboker [5] ».
Les mots « vayakam » et « vayachkèm » signifient tous deux « se lever », mais « vayachkèm » implique un lever plus matinal que « vayakam ». Ainsi, Hachem dit à Bilam qu’Avraham s’était levé plus tôt pour aller faire l’akéda que Bilam, dont l’intention était de maudire le peuple juif. Que veut nous enseigner ce midrach ?
Le rav ‘Hanokh Harris chlita [6] explique que Bilam voulait montrer les enfants d’Israël sous un jour négatif, en prouvant qu’il faisait le Mal avec plus de zèle qu’ils n’en avaient dans leur avodat Hachem. Mais Hachem lui dit que le patriarche du Klal Israël, Avraham Avinou, avait fait preuve d’une plus grande ardeur pour accomplir la volonté divine que celle qu’il manifestait à présent, dans le but inverse. Par conséquent, les descendants d’Avraham, héritiers de cette zerizout (empressement), avaient assez de mérite pour résister aux accusations de Bilam.
Dans le Chéma, nous disons que nous devons aimer Hachem de tout notre coeur [7]. La Guemara déduit de ce passouk qu’il nous faut aimer Hachem avec nos deux penchants – le bon ET le mauvais [8].
L’un des moyens d’exploiter la force du yétser hara consiste à observer l’empressement avec lequel nous suivons ses tentations et à tenter d’en manifester autant pour écouter notre yétser hatov. L’histoire suivante (véridique) illustre parfaitement le pouvoir du yétser hara.
Un groupe de jeunes américains qui étudiaient en yéchiva en Israël, se rappelaient avec nostalgie la nourriture qu’ils aimaient en Amérique. Cotisant chacun 50 $ pour la cause, ils désignèrent l’un d’eux comme émissaire pour retourner au pays, acheter un succulent repas dans l’un des restaurants les plus chers et le rapporter aussitôt !
Leur envie d’un bon repas les poussa à faire des efforts impressionnants, tout cela afin de satisfaire leurs désirs. En examinant cet exemple, nous pouvons peut-être exploiter ce dynamisme, à des fins spirituelles.
Le même principe s’applique pour les gens qui consacrent des heures entières à tenter d’assouvir leur désir d’argent et d’honneurs. Ces individus passent souvent des nuits blanches afin d’atteindre leur objectif. Pourquoi ne pas en faire de même et nous surpasser dans l’étude (de la Torah) que nous nous sommes fixée, par ex. ?
Nous pouvons également analyser notre mode de vie. Il y’a peut être des domaines dans lesquels nous ressentons plus d’excitation et d’empressement que dans la avodat Hachem – que ce soit la nourriture, le sport, le travail, ou autre…
Nous devons tenter d’intérioriser une chose que nous savons déjà – à savoir, que l’observance des mitsvot procure bien plus de satisfaction que toute autre chose.
Alors, nous pourrons commencer à « apprendre du mauvais comportement de Lavan et de ses semblables ».


[1] Parachat Vayichlakh, Beréchit 32:5.
[2] Rachi, ibid.
[3] Cité par le rav El’hanan Wasserman zatsal, rapporté dans Talelé Orot, Beréchit, 2e volume, p. 63.
[4] Qui, de façon intéressante, est intrinsèquement lié à Lavan ; le targoum Yonathan (Bamidbar 22 : 5) affirme qu’ils sont en réalité une seule et même personne !
[5] Parachat Balak, Bamidbar 22:21 et Rachi.
[6] Rabbin principal de Aish HaThora, New York.
[7] Parachat Vaet’hanan, Devarim 6:5.
[8] Berakhot, 54a.


Rav Yehonathan GEFEN


Source Torah Box