Il est écrit dans notre paracha Ki-Tetsé : « Un Ammonite ni un Moabite n’entreront dans l’assemblée de Hachem, même après la dixième génération ils seront exclus de l’assemblée à perpétuité. Parce qu’ils ne vous ont pas offert le pain et l’eau à votre passage, lors de votre sortie d’Égypte, et parce qu’il a embauché contre toi Bilam ben Beor, de Pethor, Aram Naaraïm, pour te maudire. [1] »...
La Thora nous informe que Ammon et Moav sont les seuls peuples qui n’ont pas le droit, et ce, à perpétuité, de s’apparenter au peuple juif et elle nous donne deux raisons pour expliquer cette discipline sévère ; tout d’abord, ils ne se sont pas montrés hospitaliers vis-à-vis du peuple juif dans le désert.
De plus, ils louèrent les services de Bilam pour maudire les Bné Israël. Les commentateurs demandent comment la Thora peut mettre en parallèle le manque d’hospitalité et le fait d’avoir embauché Bilam pour maudire notre peuple ; la volonté de maudire est certainement une faute bien plus grave que le manque de ‘hessed !
Le livre Béérot Its’hak [2] explique que la Thora considère la malveillance de Amnon et Moav [3] comme un acte atroce, parce qu’ils héritèrent d’une tendance naturelle à l’hospitalité, de Loth, leur ancêtre.
Ce dernier, en dépit de ses défauts, est présenté comme une personne très accueillante, compte tenu de ses efforts pour accomplir la mitsva de akhnassat orkhim à Sodom.
Il était prêt à se mettre en danger de mort pour subvenir aux besoins de voyageurs. En tant que descendants de Loth, Ammon et Moav héritèrent de cette même mida, mais agirent délibérément contre leur nature et refusèrent de donner du pain et de l’eau au peuple juif qui voyageait dans le désert et qui avaient sûrement besoin de ces denrées de base.
Bien que le fait d’avoir loué les services de Bilam pour maudire les Juifs était objectivement un acte bien plus préjudiciable, à leur niveau de be’hira, le refus d’aider les Juifs fut traité avec la même rigueur et les exposa à cette sanction particulièrement stricte.
Nous pouvons tirer plusieurs leçons de cet épisode. Tout d’abord, nous apprenons qu’une personne est jugée d’après sa propre nékoudat habe’hira [4] (le niveau où se situe son libre arbitre) et que ses points forts sont donc évalués avec plus de sévérité.
Ainsi, renforcer ces domaines doit être une partie essentielle du travail sur soi. Dans cet ordre d’idées, l’exemple de Ammon et Moav est particulièrement éloquent ; en effet, pourquoi c’est précisément à ce propos qu’il trébuchèrent, alors qu’ils y excellaient de façon naturelle ?
En réalité, leur bonne mida de hakhnassat orkhim ne provenait pas d’un travail sur soi, mais c’était une qualité innée qu’ils héritèrent de leur ancêtre.
Étant donné que leur akhnassat orkhim ne fut pas dirigée par les lignes de conduite de la Thora, il était presque inévitable qu’elle soit mal utilisée ou qu’elle ne soit parfois pas utilisée du tout.
Quand Ammon et Moav virent le peuple juif arriver, leur nature aurait certainement pu les pousser à leur proposer du pain et de l’eau, or leur haine et leur crainte du Klal Israël prirent le dessus sur leur mida de ‘hessed et les empêchèrent de fournir cette aide si précieuse.
Nous déduisons de ce développement que si l’on ne travaille pas sur ses qualités et que l’on ne les canalise pas selon les exigences de la Thora, on en viendra à mal les utiliser, ou à ne pas les utiliser de manière optimale.
Par exemple, une personne peut être de nature sociable, et refuser néanmoins de se lier d’amitié avec quelqu’un si elle est fatiguée.
Dans ce cas, sa mida innée n’est pas assez forte pour la mener vers la bonne voie, parce qu’autre chose, en l’occurrence la fatigue, fait obstacle et rend son altruisme difficile.
En revanche, si elle lutte pour être gentille parce que c’est une grande mitsva de montrer aux gens qu’ils sont importants, alors elle sera bien plus capable de surmonter sa fatigue et de faire les efforts nécessaires pour aborder l’autre.
On peut aussi apprendre de cette mitsva concernant Ammon et Moav qu’ils auraient pu atteindre de très hauts niveaux s’ils avaient utilisé leur mida de ‘hessed de façon optimale ; en effet, s’ils étaient sortis et avaient offert au peuple juif du pain et de l’eau, la Thora aurait très probablement pris en compte cet acte de générosité pour l’éternité et ils auraient, bien entendu, eu le droit de s’allier au peuple juif [5].
Mais, parce qu’ils n’employèrent pas leur force correctement, ils sont considérés avec le plus grand mépris. Nous en concluons qu’une personne peut accomplir de grandes choses en exploitant au mieux ses points forts et que le fait de s’en abstenir est sévèrement puni.
Le ‘Hafets ‘Haïm zatsal insiste sur ce sujet dans son livre, ‘Homat HaDath, qui est une exhortation visant à protéger le Klal Israël des diverses influences laïques qui l’entourent.
Il décrit longuement le besoin que chacun a d’utiliser pleinement ses potentiels – par exemple, quelqu’un qui est doté d’une aisance à parler en public doit s’en servir pour discourir publiquement. Le même principe s’applique aux midot ; il est très probable que le tafkid d’une personne (son but dans la vie) exige l’utilisation maximale de ses bonnes midot.
Nous apprenons donc de Ammon et Moav ce que signifie NE PAS utiliser ses qualités – puissions-nous user de cet enseignement et profiter pleinement des bienfaits que Hachem nous prodigue.
[1] Parachat Ki Tétsé, Devarim 23:4-5.
[2] Rav Yérou’ham Fishel Goldwasser, cité dans le Léka’h Tov, Devarim, 2e ‘Hélek, p. 63.
[3] Certains commentateurs écrivent que Moav n’était pas coupable de n’avoir pas proposé du pain et de l’eau et que Ammon n’était pas responsable de l’embauche de Bilam. Pour plus de simplicité, nous suivrons le pchat selon lequel les deux peuples commirent les deux fautes.
[4] Rav Dessler zatsal développe longuement ce sujet dans Mikhtav MeEliahou.
[5] Il est également intéressant de noter que Ruth, la descendante de Moav, se caractérise par son ‘hessed exceptionnel – elle utilisa noblement cette mida et en fut conséquemment récompensée (elle eut, entre autres, le mérite d’être l’ancêtre de David HaMélekh et du Machia’h).
Rav Yehonathan GEFEN
Source Torah Box