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mercredi 26 août 2015

Le jour où… le roi Hussein a repris le contrôle de la Jordanie


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Du 17 au 27 septembre 1970, le monarque hachémite lance son armée contre les fedayyine palestiniens. Ces derniers, qui ont au fil des années sapé son autorité et créé un «État dans l’État», périssent par milliers....


Jusqu’à ce matin de septembre 1970, la tension entre les fedayyine palestiniens et le gouvernement jordanien est palpable et la situation explosive. Tous ont littéralement le doigt sur la gâchette. Depuis un bon moment déjà, des affrontements opposent régulièrement les uns aux autres, non sans faire de victimes.
Le 17 septembre 1970 à 6h, l’enfer se déchaîne. Le roi Hussein vient d’ordonner aux unités blindées jordaniennes de se diriger vers le centre d’Amman pour détruire les bases palestiniennes. Parallèlement, les fedayyine ouvrent le feu contre le QG jordanien dans la capitale, dont l’aéroport interrompt toute activité. Au compte-gouttes d’abord, abondamment ensuite, les informations filtrent surtout à travers Radio-Amman et des émissions palestiniennes émettant de Bagdad et Damas, dont La Voix de la Révolution palestinienne. La guerre des ondes est aussi intense que sur le terrain.
Au fil des heures, les uns et les autres affirment avoir repris telle ou telle position stratégique de la capitale, ville fantôme où les seuls bruits à trouer le silence sont ceux des armes et des obus. Des combats ont également lieu à Zarka, Irbid, Ramtha, Madaba, Jarash, Salt…
Pendant dix jours, heure par heure, minute par minute, combattants palestiniens et soldats jordaniens rendent compte par l’intermédiaire d’émissions radio de leurs prises et de leurs victoires respectives sur les différents champs de bataille. Les camps de réfugiés palestiniens, comme ceux de Wahadat ou de Jabal Hussein par exemple, sont dans le collimateur de l’armée jordanienne et seraient même attaqués au napalm, aux dires de certains commentateurs radio, qui n’hésitent pas à qualifier le roi Hussein de « Néron de Jordanie ».
La situation devient vite dramatique à Amman. Les guerres de rues font rage, les rumeurs de couvre-feu reviennent sans cesse sur le tapis ; des équipes médicales régionales et internationales débarquent tous les jours à Amman et se retrouvent vite débordées. En effet, dès le troisième jour, certains, dont le journal égyptien al-Ahram, font état de 5 000 morts, et du double en termes de blessés.
Sur place lorsque la guerre éclate, le journaliste Éric Rouleau, correspondant pour Le Monde, raconte ce qu’il a vécu après avoir été pris au piège à l’hôtel Jordan Intercontinental avec des centaines d’autres journalistes, sans eau, sans électricité, sans téléphone, pendant toute la durée de la guerre, carburant au whisky et aux minipots de confiture…


Guerre de juin 67

Comment en est-on arrivé là ? La défaite cuisante des armées arabes face à Israël lors de la guerre des Six-Jours en 1967 a fortement contribué au renforcement de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). En quelques jours à peine, l’État hébreu avait occupé le Sinaï égyptien et la bande de Gaza sous administration égyptienne, puis la Judée-Samarie sous contrôle jordanien depuis 1950, ainsi que Jérusalem-Est et le Golan syrien.
Des vagues de réfugiés palestiniens fuient de nouveau vers les pays voisins, dont la Jordanie.
Si la débâcle militaire arabe renforce Israël, elle contribue à pousser des milliers de Palestiniens vers les organisations armées qui, après le quatrième congrès national palestinien de juillet 1968, rejoignent l’OLP. Entre-temps, le Fateh de Yasser Arafat a pris de l’ampleur et gagné en popularité après la bataille de Karamé (camp palestinien en Jordanie).
Les militants palestiniens multiplient les opérations à partir de la Jordanie, où les camps de réfugiés représentent un vivier de choix pour la résistance armée. Il est nécessaire de souligner au passage que les deux tiers de la population jordanienne sont d’origine palestinienne et comprennent près d’un million et demi de réfugiés. De plus en plus, l’autorité du roi Hussein est rejetée par les Palestiniens qui, d’après Éric Rouleau citant des observateurs étrangers, créent un véritable « État dans l’État ».
« Dès mon atterrissage à l’aéroport d’Amman, il m’était apparu qu’ils avaient raison. Les fedayyine en battle-dress y accueillaient les journalistes, leur délivraient des cartes d’accréditation, des tracts, des brochures de la résistance, ils les guidaient vers le meilleur hôtel de la ville, le Jordan Intercontinental, leur proposaient de ménager des rendez-vous avec les personnalités de leur choix (…).
Ils assumaient avec davantage d’efficacité les tâches habituelles des fonctionnaires du ministère jordanien de l’Information, mais aussi celles de la police et de l’armée du royaume (…). Rouge de honte, le général Ali Abou Nawar, ancien chef d’état-major, conseiller du roi, me dit qu’il ne sortait plus de chez lui pour ne pas avoir à subir les humiliations qu’infligeaient les commandos palestiniens (…).
Personne ne pouvait entrer ou quitter Amman sans montrer patte blanche. Ils disposaient de camps d’entraînement, d’arsenaux et – disait-on – de leurs propres tribunaux et prisons. Ils prélevaient des impôts, finançaient leurs écoles et hôpitaux, assuraient les frais sociaux de centaines de milliers de réfugiés palestiniens », raconte Éric Rouleau.


Lancement de l’offensive


Le roi Hussein ne peut laisser faire, il y va de son autorité, de sa dignité, de son désir de paix avec Israël pour récupérer la Judée-Samarie, de l’héritage même de son grand-père.
Depuis quelques mois, le monarque essaie de faire adopter le plan Rogers, qui a pour but d’apporter une solution au conflit israélo-arabe, prévoit un cessez-le-feu et affirme la légitimité de l’État hébreu, tout en réduisant les Palestiniens à un état de réfugiés. Le plan, adopté par Amman et Le Caire, est rejeté avec véhémence par la partie palestinienne, qui dénonce une trahison et un « complot impérialiste ».
Au début de l’année 1970, l’OLP multiplie en toute impunité les attentats et les opérations sanglantes, sous l’ascendant croissant du Front de libération de la Palestine (FPLP) fondé par Georges Habache. Début juin, le roi Hussein échappe à une tentative d’assassinat. Idem le 1er septembre. Au cours des jours suivants, il est accusé par Arafat d’être un agent de la CIA. Le chef palestinien compare même la Jordanie à l’Allemagne nazie ! Le 6 septembre, le FPLP parvient à détourner trois avions de ligne vers l’ancienne base de Dawson’s Field à Zarka, dans le Nord jordanien.
La grande majorité des otages sont libérés quelques jours plus tard et, le 12 septembre, les trois appareils vides sont détruits sur le tarmac devant la presse internationale.
Ayant perdu toute crédibilité, le roi Hussein ne peut plus reculer. Il impose la loi martiale le 16 septembre, constitue un gouvernement militaire et met Habès al-Majali à la tête des forces armées. Le lendemain commence ce qui devait être connu dans l’histoire sous le nom de Septembre noir. Dix jours durant, les combats font rage, la plupart des victimes sont civiles. Les Palestiniens avancent un bilan allant de 10 000 à 25 000 morts, mais certaines sources (jordaniennes du moins) affirment qu’il faut réduire ce chiffre de moitié. Quoi qu’il en soit, lorsque les violences s’arrêtent, le bilan est catastrophique, les camps de réfugiés ont été rasés.
L’OLP avait bien appelé les pays arabes à l’aide. D’ailleurs, la Syrie répond à cet appel et envoie des blindés à la frontière le 21 septembre. Mais lorsqu’Israël fait mine de les attaquer, les chars font demi-tour, abandonnant les Palestiniens à leur sort.
 Sous la pression du président égyptien Gamal Abdel Nasser, Yasser Arafat et le roi Hussein de Jordanie finissent par signer un traité au Caire le 27 septembre. Nasser s’éteint d’épuisement le lendemain.

Le jour même, Hussein nomme Wasfi al-Tall Premier ministre, le chargeant de rétablir l’ordre. Les affrontements se poursuivent et, à l’été 1971, les fedayyine palestiniens sont complètement éradiqués du royaume hachémite. L’OLP est alors chassée vers le Liban, où elle s’installe.


Source Tribune Juive