Depuis le mont des Oliviers, on vient de revivre les moments forts de la semaine sainte, menant à l'arrestation du Christ. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? On quitte la périphérie de Jérusalem pour plonger dans le quartier musulman, au nord, où la Via Dolorosa raconte la suite des événements. Conçu par des moines franciscains au XIVe siècle, cet itinéraire se veut plus symbolique qu'authentique, étant donné les nombreuses transformations subies par la ville jusqu'à nos jours...
Accompagné d'un expert des religions, il ne reste plus qu'à écouter, sinon sa foi, du moins son imagination. Une promenade tant passionnée que passionnante.
Avant d'entamer le Chemin de la Passion, synonyme de Chemin de Croix ou Chemin de la Souffrance, petit détour au Mur des Lamentations (traduction de la traduction anglaise du nom arabe), que les juifs appellent tout simplement le Mur - sous-entendu le seul, l'unique –. Et on parle du mur occidental lorsque l'on préfère rester neutre. En effet, ce lieu de culte n'est autre que la façade ouest de remparts construits sous Hérode Le Grand, au Ier siècle avant notre ère. Entre ces murs de pierres se trouvait – et se trouve toujours – le Saint des Saints, rocher sur lequel Abraham manqua de sacrifier son fils Isaac, en gage de piété.
Passage obligé par le contrôle de sécurité. À gauche, les hommes ; à droite, les femmes. On retrouve la même configuration devant le mur. Une cloison séparent les deux sexes, afin qu'aucun ne distraie l'autre durant sa prière. Pas une fissure disponible pour y glisser un message ! C'est pourtant le moyen le plus direct pour communiquer avec Dieu. Après la destruction de Jérusalem par Titus, en 70, la divinité se serait posée sur le mur en attendant le retour du peuple juif et, par ricochet, la construction d'un nouveau temple à même de protéger le Saint des Saints. Ce nouveau temple ne fut jamais construit, mais remplacé par un dôme, le Dôme du Rocher. Accès limité aux touristes et aux Israéliens, qui doivent se lever aux aurores pour pénétrer ce sanctuaire placé sous l'autorité des Palestiniens. Lamentations justifiées, donc ? Telle n'est pas, là, la question.
On refoule la politique, pour se fondre dans la foule en route vers le tunnel qui longe le Mur sur plus de 200 mètres. C'était le niveau originel du sol avant que les musulmans ne commencent à y superposer des maisons. D'où le caractère souterrain des lieux. La largeur des parois rétrécit à mesure que l'on approche de la sortie. Fiat lux ! On lève les yeux pour regarder l'ancienne forteresse d'Antoine, reconvertie aujourd'hui en école coranique. C'est là que Jésus Christ aurait été jugé et condamné à mort par Ponce Pilate. Juste en face, un monastère franciscain regroupe les deux premières étapes, « stations », de la Via Dolorosa. À droite de l'entrée, la chapelle de la Flagellation arbore un style gothique. À gauche, une chapelle romane des plus modestes. Impossible de savoir si c'est l'endroit précis où Jésus s'est vu remettre la Croix de son calvaire. A priori non, quoique rien n'indique le contraire.
Entre les faits attestés par le Nouveau Testament et les épisodes ancrés dans la tradition, difficile de ne pas s'embrouiller. Les stations 3, 7 et 9, par exemple, évoquent trois chutes dont il n'est question dans aucun écrit. La chapelle arménienne située en bas de la rue, à gauche, serait un point de rencontre entre le Christ et Marie. On continue tout droit pour tomber sur une inscription sous laquelle Jésus aurait officiellement vacillé. À droite du même mur ressort une pierre plus rugueuse et plus foncée que les autres, témoin d'un miracle. Saisissant le mouchoir que lui tendait Véronique, le futur crucifié y aurait imprimé ses traits. Ce mouchoir est conservé dans la Basilique Saint-Pierre, au Vatican.
Les stations suivantes ont été déplacées par les musulmans, le long du cardo, artère datant de l'époque romaine.
Au bout, à droite, se profile le Saint-Sépulcre, fondé au IVe siècle par Sainte-Hélène, la mère de l'empereur Constantin. C'est elle qui a retrouvé l'emplacement du Golgotha, dissimulé par l'empereur Hadrien, et la trace de la Vraie Croix, où expira le Christ. Cette église abrite les quatre dernières stations de la Via Dolorosa. À l'étage, la onzième et la douzième correspondent au moment où le Christ fut crucifié, puis saigné au flanc droit. On redescend contempler la fresque réalisée à l'occasion de la visite de Jean Paul II en Israël, en 2002. La scène centrale fait écho à la dalle trônant au centre de la salle, en lieu et place de la Pierre de l'Onction, où le corps du Christ fut préparé avant son ensevelissement. La partie gauche représente justement la mise au tombeau. S'ensuit la découverte des chapelles Sainte-Hélène, de la Vraie Croix, et d'Adam.
La chaleur est à son comble. Cap sur le musée d'Israël, dont la visite apporte une cohérence au séjour. La vue sur la maquette de Jérusalem, depuis l'entrée, rappelle le panorama spectaculaire du mont des Oliviers. On croirait à un copié-collé si ladite reproduction n'illustrait pas une époque antérieure, l'époque hérodienne. Le puzzle se met doucement en place. Fier d'avoir identifié le mont Sion, le Mur, la Cité de David, et les points cardinaux, on peut se jeter à corps perdu dans les expositions temporaires célébrant le cinquantenaire du musée. Au passage, on remarque un énorme cœur en métal ceint, tel un cadeau, d'un ruban. Joyeux anniversaire de la part de Jeff Koons ! Qui eût cru que l'artiste s'exposait jusqu'en Israël ?
Source Atlantico