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lundi 22 juin 2015

Le franco-israélien Patrick Drahi veut poursuivre son expansion en mettant la main sur Bouygues Telecom


Patrick Drahi, le propriétaire de Numericable-SFR, a abattu une nouvelle carte. Il est prêt à mettre 10,1 milliards d'euros sur la table pour mettre la main sur Bouygues Telecom, selon une informations du JDD, confirmée par nos sources. Le magnat des télécoms a repris le schéma imaginé il y a dix-huit mois par les équipes de Bouygues Telecom, lorsqu'elles voulaient racheter SFR. Numericable-SFR reprendrait la base de clients de Bouygues Telecom et Free le réseau et une partie des fréquences...

«Un tel montage satisfait tout le monde. Numericable-SFR a besoin de davantage de clients sur son réseau pour amortir ses coûts fixes et Free doit renforcer son réseau mobile», résume un analyste. De son côté, Orange se serait même engagé à reprendre une partie des salariés de Bouygues Telecom. L'opérateur historique doit en effet faire face à 11.000 départs à la retraite d'ici 2020. Un apport de main d'oeuvre qualifié ne serait pas négligeable.
Stéphane Richard, le PDG d'Orange repète à l'envie que son groupe ne sera pas leader sur une opération de consolidation en France «mais qu'il est prêt à y prendre part».
Numericable-SFR serait prêt à payer 10 milliards d'euros, soit plus de 14 fois la marge d'exploitation (Ebitda) de Bouygues Telecom, deux fois plus que le niveau de valorisation de SFR l'année dernière! «Patrick Drahi est un homme pressé. L'argent est disponible.
Quand il estime qu'une opération est importante pour son business, il y va», constate un proche du secteur. Même si pour cela il doit encore augmenter sa dette. Actuellement, celle d'Altice, la holding de Patrick Drahi, culmine à près de 32 milliards d'euros. Mais aux taux actuels, les conditions de marché restent idéales.

Le ministère de l'Économie opposé à cette manoeuvre

De son côté, Bouygues Telecom a pris le parti d'affirmer qu'il pouvait très bien continuer seul. «Trois des quatre opérateurs du secteurs considèrent que ce serait mieux à trois.
Sauf nous», affirmait encore mardi Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, au colloque de l'Idate. Un discours qui pourrait être sérieusement écorné par une offre de 10 milliards d'euros. L'année dernière, Iliad (la maison mère de Free) avait proposé 5 milliards d'euros. «Tous les conseils de Martin Bouygues le poussaient alors à accepter», rappelle un fin connaisseur du dossier.
Martin Bouygues avait rejeté la proposition, affirmant avec un rien de provocation qu'il attendait «11 milliards». Aujourd'hui, le prix proposé par Patrick Drahi pour la filiale télécoms est quasiment égal à la valorisation totale du groupe Bouygues en Bourse (11,3 milliards d'euros). De quoi rebattre les cartes lors du conseil d'administration du groupe qui doit se tenir mardi. Mais pour beaucoup, ce n'est que le début des discussions... Le prix pourrait encore monter.
Ce niveau de prix intégrerait aussi une grande partie des synergies qui seraient dégagées par un rachat de la filiale télécoms de Bouygues par le groupe de Patrick Drahi. «Sans même parler d'une hausse des prix de détails, le passage de quatre à trois opérateurs permettrait de réaliser des économies sur les réseaux», explique un connaisseur du dossier.
Le facteur temps est aussi à prendre en compte. Dans quatre à cinq mois, le processus d'enchères pour les fréquences 700 Mhz sera ouvert. Le gouvernement espère retirer au moins 2,5 milliards d'euros de l'opération, avec quatre opérateurs en lice. Le calendrier de l'annonce de l'intérêt de Numericable-SFR pour Bouygues Telecom est parfait. Il intervient juste après la diffusion des conditions d'attribution des fréquences 700 Mhz et laisse suffisamment de lattitude aux protagonistes pour discuter.
Le secteur des télécoms devra toutefois composer avec le gouvernement, qui ne souhaite pas le voir passer de quatre à trois opérateurs. «Je dis et répète que la consolidation n'est pas aujourd'hui souhaitable», a déclaré Emmanuel Macron dimanche.
«L'emploi, l'investissement et le meilleur service aux consommateurs sont les priorités. Or les conséquences d'une consolidation sont à ces égards négatives, comme l'ont prouvé les cas récents en Europe.» Pour le ministre de l'Économie, «le temps n'est pas à des rapprochements opportunistes auxquels plusieurs peuvent trouver un intérêt qui ne retrouve pas ici l'intérêt général.»

Source Le Figaro