Pages

vendredi 24 avril 2015

Un an après, l’impossible réconciliation palestinienne


Les ministres du gouvernement d'union palestinien devaient venir une semaine à Gaza mais n'y sont restés qu'un jour : un an après, la réconciliation avec le Hamas reste une chimère et le lien entre l'enclave et la Judée-Samarie semble de plus en plus distendu. Depuis 2007 et le coup de force du mouvement islamiste dans la bande de Gaza, les officiels de l'Autorité palestinienne, basée à Ramallah en Judée-Samarie et dominée par le Fatah, n'étaient plus les bienvenus...


La réconciliation des frères ennemis du 23 avril 2014 devait mettre un terme aux gouvernements concurrents et à la division spatiale et politique des Territoires occupés. Or un an après, « rien n'a changé sur le terrain, la réconciliation est dans l'impasse et on se dirige vers une division encore plus marquée », estime le politologue gazaoui Moukhaïmer Abou Saada.
L'accord a fait long feu.

Le gouvernement formé d'indépendants approuvés par le Hamas et le Fateh n'a effectué que de rares visites à Gaza où le Hamas fait toujours la loi. Les deux camps s'accusent mutuellement de faire obstacle à la reconstruction de l'enclave après les dévastations de la guerre de l'été 2014 avec Israël. Les élections promises dans un délai de six mois après la formation du gouvernement n'ont pas eu lieu et, de l'aveu même des responsables, ne sont pas envisageables avant longtemps.
Lors du dernier scrutin, en 2006, le Hamas avait emporté la majorité au Parlement, mais celui-ci ne se réunit plus depuis la quasi-guerre civile de 2007.

« Bâtons dans les roues »


La discorde a culminé lundi quand une trentaine de hauts fonctionnaires et huit ministres ont dû annoncer l'« échec » de leur mission à Gaza. Pour le secrétaire général du gouvernement, Ali Abou Diak, la faute en incombe au seul Hamas qui leur « a mis à plusieurs reprises des bâtons dans les roues ».
Aucune discussion n'est possible car « le gouvernement n'a pas à négocier : il est le gouvernement de tout le peuple alors que le Hamas ne respecte ni le gouvernement ni la loi », a-t-il dit.
Le Hamas a posé une condition sine qua non à son retrait du pouvoir : que ses 50 000 fonctionnaires, embauchés après 2007 mais plus payés depuis la réconciliation, soient enregistrés et payés par le gouvernement.

Mais la délégation venue à Gaza a d'abord voulu commencer par mettre à jour ses propres listes de fonctionnaires : 70 000 personnes recrutées avant 2007 et toujours rétribuées alors qu'elles ont de fait été remplacées par les agents du Hamas.
Elle n'a cependant pas pu le faire car ses membres, arrivés dimanche, n'ont pas quitté leur hôtel le lendemain. Mahmoud al-Zaq, cadre de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Gaza, a fait état d'intimidations, parlant de méthodes de « voyous » et de « terroristes » du Hamas. Selon le mouvement islamiste, c'est « de leur propre gré » qu'ils ne sont pas sortis. 

Velléités d'indépendance

En établissant des listes, l'Autorité palestinienne veut faire le tri : 30 000 des fonctionnaires du Hamas sont des hommes en armes au sein des services de sécurité. Régulièrement, l'Autorité palestinienne, contrainte par les accords internationaux, dit ne pas pouvoir envoyer d'argent à Gaza parce que le Hamas est considéré comme « terroriste » par Israël, les États-Unis et l'Union européenne.
Face à une Autorité aux mains liées et surtout peu désireuse de satisfaire ses exigences, le Hamas, fort de la « victoire » qu'il revendique sur Israël à l'issue de la guerre de 2014, « estime qu'une place politique d'importance lui revient de droit », note M. Abou Saada.
« Il n'a pas annoncé la création d'un État à Gaza, mais un de ses hauts dirigeants, Mahmoud Zahar, a récemment estimé qu'il n'était pas inenvisageable d'imaginer une entité indépendante à Gaza pour composer avec le blocus » imposé par Israël depuis huit ans, poursuit-il. Et hier, les fonctionnaires du Hamas maintenaient la pression : une nouvelle fois, ils manifestaient à Gaza, harangués par Daoud Chehab, porte-parole du Jihad islamique, la deuxième force à Gaza, qui a prévenu que « les discriminer, c'est entraver la réconciliation ».
« Sans une solution pour ces fonctionnaires, il n'y aura ni solution ni progrès dans la réconciliation », décrypte M. Abou Saada.
Source L'Orient le Jour