Cet engin volant sans pilote est avant tout une invention militaire. Ses racines remontent aux conflits au Proche-Orient à la fin des années 1970. Nous avons rencontré son créateur. Le drone baptisé Scout, créé par le professeur David Harari dans les années 1970, est le premier modèle moderne doté d’une caméra. L’ancien ministre de la Défense Charles Millon (1995-1997) (à gauche) pilote un drone en présence du professeur David Harari...
Engin de mort pour ses détracteurs et arme indispensable à toute armée moderne pour ses partisans, le drone ou UAV (Unmanned Aerial Vehicle, pour « aéronef sans personne à bord ») a révolutionné l'art de la guerre bien avant de s'imposer comme un jouet pilotable par nos enfants. Même s'il en refuse modestement la paternité, le professeur David Harari, un ingénieur franco-israélien, a inventé dans les années 1970 le tout premier drone moderne doté d'une caméra et baptisé Scout.
Dans quel contexte est né le premier drone ?
David Harari. L'information a toujours été primordiale, surtout en temps de guerre. En France, en 1914-1918, l'armée utilisait des montgolfières pour repérer les positions de l'ennemi. Dans les guerres avec ses voisins arabes, Israël utilisait des modèles réduits avec des appareils photos, mais il fallait quarante-cinq minutes pour développer les photos. Lors de la guerre du Kippour en 1973, 200 pilotes israéliens ont été éliminés en quarante-huit heures par des missiles sol-air tirés par l'Egypte. L'industrie aérospatiale israélienne (IAI), dont je faisais partie, a alors lancé le programme Scout : des caméras de télévision volantes avec des ailes, un moteur et un système de communication.
Comment vous est venue l'idée du premier modèle ?
Nous faisions la course avec les Américains. En 1977, l'armée de l'air israélienne nous a demandé d'être opérationnels dans les quatre ans. Nous n'avions aucune référence, à part les avions classiques. Nous avons tâtonné jusqu'à ce qu'en 1979 le premier UAV, un avion sans pilote, vole avec succès. Avant la livraison à l'armée en 1981, le prototype final a été envoyé en mission secrète au-dessus de la vallée de la Bekaa au Liban afin d'observer une incursion syrienne. Mon équipe et moi avons été mobilisés sur le champ.
Qu'est-ce que l'intervention israélienne au Liban, l'été 1982, a changé ?
L'UAV avait été livré aux services de renseignements, mais il n'emportait qu'une caméra de jour. On nous a demandé de créer une caméra de nuit en une semaine ! Les équipes dormaient à l'usine et, dix jours plus tard, nous avions un modèle qui pouvait voler de nuit avec une autonomie de quatre heures. C'est aussi à ce moment-là que les militaires ont été capables de diriger la caméra de 14 kg sur le terrain. Cette première mondiale est devenue la base de tous les systèmes vendus dans le monde aujourd'hui.
Cette première a attiré d'autres pays ?
La France faisait partie des rares pays à connaître cette invention secrète et voulait s'en servir dans le cadre de la guerre du Tchad. Les Américains, eux, étaient au point mort, douze ans après le lancement de leur programme de recherche à plus de 1 Md$ (884 MEUR). Ils nous ont acheté le nouveau modèle, le Pioneer.
Quelle a été l'étape suivante ?
En 1991, les armées du monde entier ont commencé à s'équiper. La France a acheté en 1995 la nouvelle génération, le Hunter, pour son armée de l'air. En parallèle, nous avons commencé à développer le Heron, un avion de 1,5 t qui vole pendant quarante-huit heures. Six ans plus tard, il était capable d'embarquer une charge de 250 kg, dont le premier système de liaison en direct par satellite. La France l'a rebaptisé Harfang et l'utilise toujours, aux côtés de deux Reapers (General Atomics) américains imaginés par un ancien ingénieur d'IAI.
Source Le Parisien