Alors que les ressources en hydrocarbures situées au large de Chypre et d’Israël pourraient être un des enjeux de tout premier ordre dans la guerre du pétrole et du gaz à laquelle se livrent actuellement les grandes puissances mondiales, Nicosie et Le Caire ont signé lundi un accord qui pourrait conduire le gouvernement chypriote à approvisionner en gaz son voisin égyptien via un gazoduc sous-marin (off-shore)...
Un tel projet permettrait en tout premier lieu à l’Egypte de solutionner son problème de pénurie énergétique, tout en offrant à Chypre la possibilité de s’affranchir d’une éventuelle tutelle financière russe, européenne, ou américaine, voir israélienne.
Si Chypre souhaite réaliser des travaux d’exploration dans le champ gazier Aphrodite récemment découvert au large du sud-est de l’île, ses réserves estimées ne sont pas importantes pour permettre à l’Etat chypriote de développer ses propres infrastructures d’exportation sur la terre ferme.
C’est fort d’un tel constat, que l’accord conclu en début de semaine autorise la holding gouvernementale égyptienne Egas et la Compagnie nationale d’hydrocarbures chypriote à examiner des solutions techniques pour transporter le gaz naturel à travers un pipeline off-shore reliant directement le champ d’Aphrodite au territoire égyptien.
Le ministre chypriote de l’Energie George Lakkotrypis et son homologue égyptien Chérif Ismaïl ont ainsi signé au Caire un protocole, lequel ouvre la voie à un accord global que les parties souhaitent conclure dans les six mois.
Rappelons que le champ Aphrodite découvert en 2011 par la compagnie américaine Noble Energy contiendrait, selon les estimations, entre 100 et 170 milliards de m3 de gaz. Des niveaux de réserves insuffisants pour pouvoir rentabiliser le projet d’usine de gaz naturel liquéfié à Vassiliko, près de la ville côtière de Limassol.
Précisons qu’en janvier dernier, le ministre chypriote de l’Energie, George Lakkotrypis a annoncé que le groupe énergétique français Total devrait abandonner ses travaux de prospection de gaz et de pétrole au large de Chypre. Raisons invoquées : le groupe français n’aurait pas trouvé de cible importante pour entreprendre des forages d’essai.
« Total n’a pas trouvé de structure ou cible géologique pour poursuivre ses obligations », avait précisé quant à lui le ministre à la radio publique chypriote. Ajoutant qu’une décision définitive serait prise dans les jours prochains, en raison d’obligations contractuelles.
Réagissant à ces propos, Total a confirmé avoir « récemment achevé les sondages géologiques, géochimiques et géophysiques des blocs 10 et 11, sans avoir pu identifier de cibles de forage potentielles. » Ajoutant que le groupe français était actuellement en discussion avec les autorités locales sur un potentiel programme de travaux d’exploration additionnels dans la zone.
Selon le ministre chypriote de l’Energie, la décision de Total et avant tout liée à une volonté de « réduire ses pertes », motivée par des considérations de viabilité commerciale et « non par les tentatives d’Ankara d’empêcher l’exploration d’hydrocarbures au large de l’île » dont une partie est occupée par la Turquie.
Simple supputation ou réflexion prémonitoire ? Lors de la récente vente de Rafales de Dassault à l’armée de l’air égyptienne, nous indiquions que que les champs gaziers offshores situés aux larges d’Israël et de l’Egypte n’aient pesé dans la balance, alors que le géant pétrolier français Total éprouve quelques difficultés dans le secteur.
La France aurait pu ainsi consentir à s’éclipser devant l’Egypte au large de Chypre en échange de ventes d’appareils.
Rappelons enfin qu’en mai 2013,nous laissions entendre que les sources d’approvisionnement de l’usine de liquéfaction qui serait construite à terme sur le territoire chypriote pourraient constituer un enjeu de taille dans la bataille que mènent actuellement majors pétrolières russes, européennes et américaines pour tenter de rafler un maximum de licences d’explorations dans les gisements off-shores fort prometteurs situés au large de Chypre.
Car, si jusque là, Nicosie tablait sur l’apport des ressources de gaz israéliennes pour rentabiliser la construction de cette usine, l’Etat hébreu envisageait alors de construire sa propre usine de liquéfaction, voire de faire transiter son gaz via pipeline à travers la Turquie.
Parallèlement, Israël s’était rapproché d’Ankara de manière assez inattendue, présentant ses excuses pour la mort de neuf Turcs lors de l’arraisonnement en 2010 d’une flottille brisant le blocus de l’enclave palestinienne de Gaza. Fortement incité par les Etats-Unis à agir dans ce sens...
Pour Chypre, l’absence des apports gaziers d’Israël pour alimenter l’usine la contraint à attendre que de nouvelles réserves soient confirmées, rentabilité oblige, avions nous déjà fait remarquer.
Elément non négligeable alors que l’Etat chypriote a un besoin crucial de ressources financières …
Par Elisabeth Studer
Source Le Blog Finance