Commémorant le massacre de Kafr Qassem, avec un discours empli d’émotion, le président Rivlin a esquissé un futur d’égalité et de respect pour les Israéliens et les Palestiniens. Le president Israélien Reuven (Ruby) Rivlin s’est rendu lundi dans la ville Palestinienne de Kafr Qassem pour commémorer le massacre de 49 habitants de cette ville par la Police des Frontières en 1956. Il est le premier président à assister à une cérémonie officielle dans cette ville, et le deuxième Président à s’y rendre, selon Haaretz..
Après 15 années pendant lesquelles les relations entre Palestiniens et Juifs Israéliens n’ont cessé de se détériorer, cette visite représente un geste bonne volontiers exceptionnel de la part d’un dirigeant Israélien. Avec le terrible climat qui règne depuis la guerre de l’été dernier les gens ont plus l’habitude d’entendre les élus traiter les Arabes de terroristes, de traitres et de chevaux de Troie et de les entendre également appeler au boycott des commerces Arabes ( au fait cela ne devrait il pas être illégal ?)
Mais déjà avant la guerre la Knesset avait passé des lois à l’encontre des Arabes, et avait discuté de projets plein de mesquineries à l’encontre des Arabes. L’étoile du fanatique Avigdor Liberman n’a fait que monter . Cet état d’esprit couronne une sombre décennnie qui a débuté en Octobre 2000 lorsque 13 Arabes Israéliens furent tués pendant les manifestations . Cet évènement a marqué un tournant décisif dans les relations entre Arabes et Israéliens.
Le massacre de Kafr Qassem en 1956 survint alors qu ‘il y avait une escalade sur la frontière est avec la Jordanie et le début de la campagne du Sinaï.
La plus grande partie de la population Arabe a été soumise à la loi militaire de 1949- à 1966 . Le couvre feu auquel était soumise cette population dans cette région fut tout à coup modifié passant de 21heurs à 17 heures. L’ordre avait été donné de tirer sur quiconque violait ce couvre feu. Dans cette région il y avait de nombreux fermiers qui étaient partis aux champs lorsque l’heure du couvre feu a été changée. Dans les autre villes alentour, les militaires réalisèrent que les habitants ne pouvaient être prévenus du changement et décidèrent que l’ordre n’était pas logique et donc non applicable. Mais à Kfar Qassem les soldats de la police des frontières tirèrent tuant 49 civils, non armés qui revenaient des champs.
Cet épisode terrible a peut être été à l’origine d’un certain progrès. L’état s’enorgueillit que le juge de la cour Suprême Benjamin Halevi ait condamné les soldats assassins créant une juris prudence selon laquelle il est du devoir d’un soldat de refuser « un ordre manifestement illégal sur lequel flotte le drapeau noir de l’illégalité. » Les soldats accomplissant de tels actes sont passibles de passer en jugement. Les soldats refusant d’accomplir un tel acte peuvent utiliser cette jurisprudence pour se défendre. Certains disent même que le massacre de Kfar Kassem a hâté la fin de la loi militaire qui a été appliquée pendant 18 ans.
Mais dans les faits ce progrès est largement limité, et on peut dire que ce prgrès est en quelque sorte schizophrènique. Le devoir de refus représente une valeur de la vie israélienne, mais dans la pratique il est très compliqué pour un soldat d’y faire appel. En ce qui concerne le massacre les longues peines de prison aux quelles les soldats furent condamnés furent dans les faits raccourcies par des décisions politiques, grâce à des méandres administratifs et même grâce à un inexplicable pardon présidentiel. De plus on peut constater qu’il a fallu encore 10 longues années avant la fin de l’application de la loi militaire aux populations arabes.
Cinquante huit ans plus tard la visite du president repréente un signe de fraternité symbolique. Il a prononcé des mots que j’attendais en vain depuis longtemps, et surtout après les mots aux vitriol généralement prononcés ces derniers temps par les dirigeants Juifs Israéliens.
“ l’Etat d’Israel reconnait le crime qui a été commis ici. Il est juste que je présente des excuses. Je suis ici pour dire quel horrible crime a été commis ici. Nous devons comprendre ce qui s’est passé. Nous devons enseigner aux futures générations ce qui s’est passé , et quelles leçons nous en avons tirées . » .
Ce paragraphe représente des excuses. L’insistance du Président sur la nécessité d’enseigner ces faits aux futures générations représente un changement important par rapport aux attitudes précédentes qui tentaient de cacher les crimes de l’Etat. La position de Rivlin est éloignée des mensonges tendant à fabriquer faussement une pureté de l’état, et encourage Israël à faire face à son passé. Il continua.
“ Je suis venu aujourd’hui surtout pendant ces jours difficiles pour tendre ma main, avec la foi que vous aussi vous allez tendre vos mains vers moi et vers les Juifs Israéliens. Amis. Je jure ici, en mon nom et au nom de tous nos descendants que nous n’agirons jamais contre le principe de l’égalité des droits et que nous n’obligerons jamais personne à quitter cette terre. “
Cette affirmation présente, pour une fois, une vision désirable du futur surtout si on la compare aux horreurs qui ont lieu présentement.
Rivlin dit une chose rarement entendue que ce soit à droite ou à gauche: Il affirme qu’ici est également la patrie de Arabes Palestiniens. En parlant comme il a parlé il ne s’adressait pas à eux comme s’ils étaient une cinquième colonne, de nouveaux arrivants ou des sujets mais en tant que citoyens natifs de cette terre et égaux. Il s‘adressait à eux en tant que partenaires et non en tant que « problèmes » . Dans une phrase toute simple il les reconnut comme faisant partie de la nation.
“ l’Etat d’Israel est la nation du peuple Juif qui est retourné sur sa terre après deux mille ans d’exil. Pourtant l’Etat d Israël sera aussi pour toujours la patrie du peuple Arabe. La population Arabe n’est pas un groupe marginal de la société israélienne. Cette population fait partie de cette terre, c’est une population différente avec son identité et sa culture et qui sera à jamais une composante fondamentale de la société israélienne. »
Ainsi, donnant une grande claque à l’extrême droite, il justifia le fait que cette population n’abandonnera jamais son identité pour adopter celle du peuple conquérant.
… »Les Juifs doivent comprendre que le souhait de vivre côte à côte avec des Arabes sionnistes chantant fièrement la Hatikvah ne pourra jamais se réaliser. ».
Le Président reconnut même les sentiments les plus sensibles des Arabes d’Israel: leur sentiment pour les Palestiniens vivant sous occupation militaire israélienne, le racisme et le fléau de la discrimination quotidienne dans leur propre pays.
« Je sais bien que la création de l’état d’Israël n’était pas la réalisation d’un rêve pour les Arabes. De nombreux Arabes Israéliens, ressentent les douleurs et les souffrances de leurs frères de l’autre côté de la ligne verte. Beaucoup d’entre eux expérimentent fréquemment de la part des Juifs des marques de racisme et d’arrogance ». «
… »Nous devons reconnaitre que la population Arabe Israélienne a souffert pendant des années de discrimination dans le budget de l’éducation, celui des infrastructures et de la construction des zones commerciales et industrielles. Cela représente un autre obstacle sur la voie de la confiance. Un obstacle qui doit être dépassé ». .
Ces affirmations sont presque parfaites en terme de morale et développent une vision d’Israel avec laquelle je suis en accord.
Mais tout comme les suites de l’épisode de Kfar Kassem, le discours du président présente des contradictions qui risquent d’en gâcher le réel progres. Certains de ses mots peuvent en fait perpétuer la dynamique qu’il cherche à changer.
Etrangement il appelle les citoyens Arabes à renoncer à la violence et au terrorisme en leur reprochant de ne pas le faire, alors qu’il n’y a pratiquement aucune violence nationaliste dans cette communauté.
« La population Arabe en Israël et les dirigeants Arabes en Israël doivent clairement prendre position contre la violence et le terrorisme. Tous ceux qui vivent ici doivent se lever et condamner la violence et condamner également ceux qui tentent de nous précipiter dans les abysses. Et je dois vous dire que ces mots ne sont pas entendus. Ils ne sont pas dits assez clairement et assez fort. »
Il est compréhensible que le Président ait été émotionnellement bouleversé car il venait juste d’assister à l’enterrement de l’enfant de trois mois qui avait été tué dans une attaque terroriste à Jérusalem. Durant sa visite une seconde personne est morte des suites de cette attaque. Comme si la mort d’un bébé de trois n’était pas assez horrible cette femme était une touriste de 22 ans.
Il semble dire qu’il existe un lien implicite entre les citoyens d’Israël et les attaques terroristes perpétrées par les Palestiniens vivant sous occupation, ce qui est absurde. Cela renforce en quelque sorte le stéréotype selon lequel tous les Palestineins seraient les mêmes, tous terroristes. .
L’affirmation , venant après un été pendant lequel plus de 1000 civils, et pas seulement un enfant mais des centaines d’enfants ont été tués par l’armée israélienne me fait grincer des dents. Cette guerre était en fait l’extension de 47 ans d’occupation militaire violente. En fait le Président devrait implorer les Juifs Israéliens pour qu’ils condamnent la mort d’innocents à Gaza. .
Neanmoins je crois vraiment que les intentions du Président étaient sincères. Il est grand temps que les Israéliens aperçoivent une lumière quelque part. Il a commencé à tracer un chemin – qui n’est pas parfait- mais il a tracé les grandes lignes d’une égalité future, et de respect. Le peuple Israélien et le gouvernement doivent ouvrir la voie à une telle politique.
Source Mediapart