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jeudi 17 juillet 2014

Le piège ?


Contrairement aux campagnes militaires précédentes contre le Hamas et le Hezbollah, aucune tactique surprise n’est à l’origine de l’escalade de violence actuelle. Le nouveau conflit armé, lancé avec réticence par les deux belligérants, ne semble pas répondre à une stratégie bien définie avec des objectifs clairs...
 

Les premiers missiles de l’opération Pilier de défense, en 2012, ont été tirés suite à l’attaque aérienne ciblée de Tsahal qui avait causé la mort d’Ahmed Jabari, le commandant en chef de l’aile militaire du Hamas. L’opération avait permis de détruire le modeste arsenal de missiles longue portée de l’organisation islamiste. Le Hamas était sous le choc.
 La seconde guerre du Liban, en 2006, a pris le Hezbollah par surprise : en 34 minutes, la Force aérienne d’Israël a éliminé les missiles longue portée de l’organisation terroriste chiite, grâce à des renseignements précis.

Une double menace

Cette fois-ci, l’état-major manquait partiellement d’informations concernant la puissance de feu du Hamas et la localisation de son arsenal de roquettes longue portée. Ainsi, à l’heure où nous mettons sous presse, le Hamas et le Djihad islamique avaient déjà tiré près de 1 000 roquettes sur Israël, dont 150 en direction du centre et du nord.
Israël a jusqu’à présent effectué quelque 600 sorties ciblées dans la bande de Gaza, contre les chefs militaires et leurs maisons, les agents sur le terrain, les dépôts de missiles, les rampes de lance-roquettes mobiles et fixes, et les tunnels souterrains.
Ces tunnels sont l’un des plus grands défis auxquels l’armée israélienne doit faire face dans cette guerre. Selon Tsahal, plus d’une centaine ont été démolis à ce jour, mais des centaines sont encore intacts. Bien que ce ne soit pas la raison principale, ces tunnels et fortifications souterraines justifient, en partie, l’hésitation de l’état-major israélien à envoyer des forces terrestres dans la bande de Gaza.
Les tunnels constituent une double menace. La première vise les communautés rurales le long de la frontière avec Gaza. Tsahal, qui ignore leur emplacement précis, estime qu’il en existe des dizaines d’où des terroristes tentent de s’infiltrer en Israël pour tuer ou enlever des civils et des soldats, afin de démoraliser le public israélien. C’est d’ailleurs par un tunnel que les forces spéciales du Hamas ont réussi à surprendre l’équipage d’un tank, en 2006, tuant deux soldats et kidnappant le canonnier Guilad Shalit, qui n’a opposé aucune résistance et été transporté via ce même tunnel vers une cache secrète à Gaza.
Le reste est entré dans l’histoire et a été répété à maintes reprises. L’affaire Shalit s’est transformée en question de sécurité stratégique nationale. Cinq ans plus tard, Israël rachetait sa liberté au prix de la libération de 1 027 terroristes palestiniens.
En début de semaine, un tunnel encore plus sophistiqué qui menait au kibboutz Kerem Shalom a été, fort heureusement, découvert et mis hors circuit par Tsahal.

Les « araignées » de Gaza

L’autre menace posée par ces tunnels concerne directement les forces armées israéliennes, si elles venaient à pénétrer dans Gaza. Ils seraient utilisés pour ralentir son avancée, au moyen de tactiques dilatoires d’arrière-garde, appelées en jargon militaire : « champ de bataille en milieu souterrain ».
Le Hamas a commencé la construction de tunnels il y a près de 25 ans. Les premiers étaient destinés à relier Gaza au Sinaï et dédiés à la contrebande d’armes et de marchandises.
 Au fil du temps, les ingénieurs et les ouvriers qui les ont creusés, appelés les « araignées » par l’armée israélienne et le Shin Bet (Agence de sécurité intérieure), ont acquis une grande expertise et un savoir-faire technologique. Les tunnels se sont étendus rapidement et leur exploitation est devenue vitale pour l’économie de la bande de Gaza, lors du blocus imposé par Israël il y a huit ans. Grâce à l’entrée de marchandises en contrebande, ils ont aussi permis de financer les activités terroristes du Hamas via les taxes imposées aux contrebandiers.
Au cours de ces dernières années, le Hamas a commencé à développer un véritable réseau de « villes souterraines », avec bunkers et fortifications, alimentés en oxygène et en électricité. Certains ont été creusés jusqu’à 30 mètres de profondeur.
 Le Hamas a reçu l’aide d’ingénieurs iraniens et du Hezbollah pour leur construction, mais s’est directement inspiré d’une stratégie mise au point au Vietnam : l’armée nord-vietnamienne et les Viêt-Cong avaient développé un immense réseau de tunnels et d’installations militaires souterraines, qui leur a permis de lancer des attaques surprises contre l’armée américaine et ses alliés sud-vietnamiens.
De la même façon, mais à une moindre échelle, le réseau de villes souterraines du Hamas sert au stockage des armes et des munitions, aux postes de commandement, aux salles de contrôle et de communication. Il tient aussi lieu de refuge aux chefs militaires et politiques du mouvement terroriste.
Ce vaste réseau d’infrastructures souterraines, grâce auquel le Hamas a réussi à fourvoyer partiellement le renseignement israélien, a facilité l’acheminement de roquettes de longue portée en provenance du Sinaï. Fournies par l’Iran, elles transitent via le Soudan et parfois, la Syrie et le Hezbollah. Autre source d’approvisionnement, le marché noir florissant autour du matériel militaire libyen.

Saigner l’Etat juif

Les arsenaux du Hamas disposent de deux types de missiles longue portée. Le M-75, de fabrication locale d’après le Fajr 3 iranien et 5 modèles dérivés : bien qu’imprécise, cette roquette possède une tête d’une quarantaine de kilos. Elle a été lancée, dans le conflit en cours, contre Jérusalem, Tel-Aviv et Dimona. Et le M-302, dont la portée peut atteindre jusqu’à 200 km. Il a été tiré sur Hadera, dans le centre du pays, et au Nord sur Haïfa. Le M-302 est à l’origine de fabrication chinoise, sous licence de fabrication accordée à la Syrie, et fourni également au Hamas par l’Iran.
Ce sont ces installations souterraines qui permettent au Hamas de poursuivre et d’améliorer ses tirs. Elles montrent que certains de ces lancements souterrains sont opérés à distance, électroniquement, par télécommande, sans intervention humaine.
 Jusqu’à présent, l’armée a réussi à détruire plus de 200 rampes de lancement, fixes et mobiles.
 Si la campagne aérienne ne met pas bientôt fin aux tirs de roquettes ou si un cessez-le-feu n’est pas obtenu, l’armée israélienne n’aura pas d’autre choix que d’envoyer ses forces terrestres dans la bande de Gaza. Malgré les réticences du cabinet du Premier ministre et de l’état-major israélien, les tirs de roquettes incessants et le mécontentement de la population ne leur laisseront à terme pas d’autre choix.
Contraindre Israël à une incursion terrestre : telle est exactement la stratégie du Hamas. Il sait qu’Israël n’a nullement l’intention de renverser son régime. Pour Jérusalem, le vide politique qui en découlerait entraînerait la montée de mouvements terroristes encore plus extrémistes comme l’EIIL (Etat islamique d’Irak et du Levant) ou al-Qaïda.
Le Hamas ne craint pas l’incursion israélienne. Il lui suffit de tenir le plus longtemps possible, de poursuivre ses tirs de roquettes pour prolonger la guerre et forcer le gouvernement israélien à envahir Gaza, afin d’infliger des pertes dans les rangs de Tsahal, saigner l’Etat juif et l’amener à s’enliser dans les dunes gazaouies.
Source JerusalemPost