Pour la première fois, un parti d'extrême droite allemand ouvertement raciste, le NPD, pourrait remporter un siège au Parlement européen. Les financements de l'UE pourraient même le sauver de la faillite. « Mettre les gaz », voici le slogan de l'une des affiches électorales du parti néonazi allemand pour les élections fédérales allemandes de septembre dernier. On y voyait le candidat pour le Parti national-démocrate d'Allemagne (NPD), Udo Voigt, tout sourire au volant de sa moto...
Malgré l'apparence neutre de ces affiches, l'allusion aux victimes des chambres à gaz était évidente - surtout quand l'une d'elles fut accrochée devant le musée juif à Berlin.
C'est précisément le même Udo Voigt qui souhaite obtenir un siège au Parlement européen en tant que tête de liste du NPD aux européennes. Après la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe d'abroger le seuil électoral de 3 %, le NPD pourrait récolter environ 1 %, le minimum nécessaire pour arracher un siège à l'hémicycle européen.
« Depuis que l'Allemagne a aboli le seuil non démocratique de 3 % pour les élections européennes, de nouvelles opportunités s'offrent à nous. Dorénavant, chaque vote pour le NPD sera également comptabilisé pour le NPD », assure Udo Voigt. Il espère également que son parti va obtenir plusieurs sièges au Parlement européen.
Campagne contre les gens du voyage
La campagne européenne de l'extrême droite allemande repose sur une série d’affiches mettant au pilori des « ennemis ».
L'image du « gitan » est par exemple dépeinte de manière provocante sur les affiches électorales. « De l'argent pour mamy, pas pour les Sinti ni les Roms », peut-on lire sur l’une d’entre elles.
Dans de nombreuses villes, les membres du NPD manifestent devant des centres d'accueil pour réfugiés en scandant des chants racistes, islamophobes et antisémites. Ils appellent à l'expulsion immédiate des immigrants. D'après le programme politique du parti, « il faut mettre un terme à l'immigration de masse incontrôlée en Europe ».
Ils se dressent également contre un autre ennemi : le « Moloch de l'UE, Bruxelles » se tient en travers des intérêts souverains de l'Allemagne.
« Le NPD représente le nationalisme des peuples : une Europe des patries. Dans cette structure, l'Union européenne n'a évidemment pas sa place », explique Patrick Gensing, journaliste et expert de l'extrême droite.
« En termes de contenu, le parti joue un rôle passif dans la campagne électorale. Il s'associe à l'humeur générale et aux discussions dans les médias. L'immigration liée à la pauvreté venant de Bulgarie et de Roumanie en est un exemple. Ce thème est également mis en exergue par l'Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD). Le NPD a tout simplement repris ce message, en déclarant qu'il est celui à l'origine du débat », poursuit le politologue.
« Le NPD est sur le point de s'effondrer »
L'éventuelle réussite du parti néonazi est discutable. Au cours des dernières années, le parti s'est petit à petit fissuré de l'intérieur.« Le NPD est sur le point de s'effondrer. Le parti a loupé le coche avec sa lutte autoproclamée de conquérir les parlements, la rue et les opinions », explique le politologue berlinois Hajo Funke.
Dans les länder Brandebourg, Saxe et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, le NPD a perdu son électorat potentiel, ajoute-t-il. Dans les rues, de nombreuses forces indépendantes mènent la résistance face à des mouvements néonazis. Et certaines parties de l'opinion publique qui soutenaient jusqu'à présent le NPD ne prennent plus ce parti au sérieux.
Selon Hajo Funke, les manifestations citoyennes contre l'extrême droite ont pris de plus en plus d'ampleur, ce qui a entrainé une retraite partielle du parti néonazi.
« Le NPD jouit d'une mauvaise réputation et ne peut pas s'en détacher », assure Patrick Gensing. La référence au national-socialisme façonne toujours l'identité du NPD et cela risque de lui coûter définitivement sa carrière électorale. Selon le professeur en politique, le parti n'a pas été en mesure d'attirer du sang frais dans ses rangs au cours des cinquante dernières années. Le NPD est « en train de mourir », ajoute-t-il.
Le parti n'a pas d'autres choix que d'utiliser ses dernières forces pour provoquer. Il avait par exemple annoncé qu'une dizaine de sympathisants du NPD comptaient interrompre les débats télévisés et les talk-shows sur les élections européennes, selon Patrick Gensing.
L'Alternative pour l'Allemagne, l'échappatoire du NPD
Aux yeux du politologue berlinois, le Front national a plus de succès.
« Le parti français s'est modernisé. Il a laissé tomber ses liens avec le national-socialisme et se concentre avant tout sur le thème de l'immigration. Pour de nombreuses personnes, ce parti est dès lors beaucoup plus attractif et connaît un succès plus franc », assure l’expert.
Le populisme de la droite de l’échiquier politique a également le vent en poupe. L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) est accréditée de 7 % des intentions de vote en Allemagne pour les élections européennes, selon les derniers sondages. Certains électeurs de l'AfD proviennent au départ du NPD.
« À Brandebourg, la moitié des électeurs potentiels pour le NPD ont migré vers l'AfD. Ce dernier partage les mêmes ressentiments que le NPD, mais ils sont très codifiés », déclare Hajo Funke.
Il indique en outre que le NPD est coincé dans une « misère financière ». À cet égard, les élections européennes pourraient sauver le parti néonazi de l'effondrement économique. Chaque eurodéputé reçoit un budget pour son personnel de 21 209 euros et dispose de 4 299 euros pour couvrir ses dépenses mensuelles. La distribution de ces montants ne doit pas faire l'objet de vérification et peut être directement transférée sur le compte bancaire du député européen.
« Alors que le NPD a dû se séparer de bon nombre de ses employés à temps plein en décembre 2013 en raison de difficultés financières, ces fonds [européens] pourraient être utilisés pour parer au manque de personnel », explique Tobias Peter, collaborateur de l'eurodéputé allemand vert Jan Philipp Albrecht et auteur de l'étude Europa Rechtsaußen (« L'Europe à droite toute »).
Alliance européenne de l'extrême droite
Pour l'instant, le NPD est membre du Front national européen même s'il ne reçoit aucun financement de la part de ce mouvement. « Mais l'adhésion à l'Alliance européenne des mouvements nationaux (AEMN) pourrait procurer d'autres avantages financiers : pour l'année 2013, l'AEMN a reçu environ 385 000 euros », constate Tobias Peter.
Chaque eurodéputé allemand aurait également accès à une voiture avec chauffeur ainsi qu’à des infrastructures et disposerait d'un bureau au sein de Bundestag, le Parlement allemand.
« Outre la présence au Parlement européen, ces [avantages] offriraient également une nouvelle scène et une structure solide pour les activités du parti », a-t-il ajouté.
Le candidat tête de liste, Udo Voigt, utilisera son siège au Parlement européen pour approfondir l'intégration du parti au sein du réseau européen des partis d'extrême droite », affirme pour sa part Hajo Funke. Le réseau comprend le parti hongrois Jobbik, l'Aube dorée grecque, le Svoboda ukrainien et d'autres organisations actives en Europe occidentale et en Scandinavie.
Avec ou sans le NPD, l'extrême droite et les ressentiments racistes continueront de trouver le soutien au sein de l'opinion publique, déclare Patrick Gensing. Des forces indépendantes mèneraient par la suite des actes de violence plus agressifs contre les « activistes de gauche » et contre ceux qui ne partagent pas l’héritage des partis populistes de droite. Ou ce soutien de l'opinion augmenterait la force des partis populistes de droite, comme l'AfD.
« En ce qui concerne la culture politique, l'AfD est véritablement plus dangereux que le NPD », a déclaré Patrick Gensing en ajoutant qu’« à l'instar de l'extrême droite, le populisme de droite empoisonne l'ambiance de la société ».
Dario Sarmadi | EurActiv.de - traduction de l'anglais par Aubry Touriel
Source Euractiv