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lundi 28 avril 2014

L'héritage des insurgés du ghetto de Varsovie


La révolte du ghetto de Varsovie, dont nous commémorons le soixante-et-onzième anniversaire, nous interroge. Elle m'interroge en tant que président d'une association militante qui combat le racisme et l'antisémitisme. Elle m'interroge dans mon histoire personnelle, familiale. Dans ce combat inégal face à l'ennemi, dans cette lutte désespérée, s'agissait-il essentiellement de mourir dignement, face à une fin inéluctable? A travers les générations, que nous ont transmis les révoltés du ghetto? Quel est l'héritage légué par ces héros partis sans laisser d'héritiers ? ...



Les insurgés du ghetto de Varsovie ne sont pas seulement un modèle de courage et de détermination. Le cri poussé en 1944 par Mordechaï Anielewicz, par les partisans de l'Organisation juive de combat et de l'Union militaire juive, face aux S.S. qui ont déjà envoyé à la mort plus de quatre-cent mille Juifs parqués à Varsovie et s'apprêtent à liquider les soixante-dix mille derniers, sera entendu dans le monde entier, et continue encore de résonner.
Ce cri de ténacité galvanise les premiers pionniers de l'Etat d'Israël, les compagnons survivants parvenus jusqu'au kibboutz de Bet Lohamei Hagetaot. Ce cri de colère des insurgés du ghetto, ce cri de tous ceux qui se sont soulevés, à Varsovie, à Minsk ou à Riga, jusqu'à Auschwitz et Treblinka, ce chant des partisans qui monte des forêts de Bielski jusqu'au maquis toulousain des fondateurs de l'UEJF, nous l'entendons encore. Ce cri est pour moi une injonction à l'action, à ne pas rester prostré devant le mal. Ce cri m'oblige à m'engager, ici et maintenant.
Aujourd'hui, en France, travailler au quotidien contre le racisme, combattre l'antisémitisme, c'est entretenir la flamme des mille révoltés du ghetto.
Je veux exprimer, à la veille des élections européennes, mon inquiétude de voir se développer un sentiment anti-européen, qui remet en question le bien commun forgé au sortir de la guerre pour éviter qu'un tel déchaînement ne se reproduise.
Je veux dire que la France va mal quand sa ministre de la Justice est traitée de guenon par des écoliers, que les Français empruntent un chemin dangereux quand ils se rallient toujours plus nombreux derrière des partis qui stigmatisent l'étranger, ce que j'ai constaté, lors des élections municipales, lorsque nous nous sommes rendus dans les villes pour combattre pied à pied le Front National. Et que dans certaines des villes qu'il a conquises, le drapeau de l'Europe a déjà été retiré du frontispice des mairies ...
Je veux dire aussi qu'il est urgent de faire un travail de fond dans ce pays pour mettre un terme à la stigmatisation des minorités vulnérables, celle des Roms et gens du voyage, pour en finir avec les discours xénophobes sur les musulmans, avec les préjugés racistes sur les Noirs, les Arabes, les Asiatiques, et pour faire obstacle à la parole homophobe. C'est aussi pour cela que nous avons porté plainte contre le journal régional qui a publié il y a quelques jours dans ses colonnes un classement de la délinquance par nationalité.
Je ne peux pas tolérer que l'on malmène des étudiants de l'UEJF venus parler d'Israël à l'Université, encore moins les cris "Sioniste, la France n'est pas à toi" qui nous ont été jetés à Paris 8, et qui résonnent avec les cris abjects de "Juif, la France n'est pas à toi" entendus le mois passé dans les rues de Paris.
Je veux promettre que nous ne lâcherons rien contre l'antisémitisme, que nous continuerons à intervenir dans les collèges grâce au programme CoExist, que nous continuerons de traduire en justice les négationnistes, à commencer par Dieudonné la semaine prochaine, sans oublier Soral et autres antisémites de la même espèce.
Je veux en profiter pour rappeler que la lutte contre le négationnisme est essentielle, et que nous la mènerons avec une même détermination contre ceux qui veulent effacer l'histoire du génocide des Arméniens, près de cent ans après sa réalisation, que contre ceux qui nient l'existence du génocide des Tutsis au Rwanda perpétré il y a tout juste vingt ans.
Je veux affirmer que le message que j'entends à travers les années, c'est qu'au-delà de leur sort personnel, les insurgés du ghetto de Varsovie ont pensé au sort de l'humanité, et que, ce faisant, ils ont donné un sens à leur vie.
Source Huffingtonpost