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dimanche 2 février 2014

Nuits blanches à Jérusalem


C'est dans la rue de Jafa, artère principale de Jérusalem, que toutes les composantes de la société se croisent. Soldats, familles, religieux, gamins en skateboard et anciens papotent sur un banc. Avec le tram flambant neuf, ce spot déjà très couru a retrouvé une nouvelle jeunesse. « C'était une artère embouteillée et crasseuse désertée par les habitants car trop bruyante et polluée, se souvient Beny Karoutchi, ancien prof d'économie qui guide aujourd'hui les pèlerins du monde entier dans les lieux saints. Grâce au tram, c'est devenu un axe de vie et les appartements situés dans les immeubles XIXe rénovés se louent désormais à prix d'or ! » C'est aussi ici que l'on trouve d'ailleurs le Toy Bar et son immense dancefloor où toute la jeunesse hype vient s'étourdir.


 
Jérusalem, la ville trois fois sainte, va-t-elle s'aligner sur Tel-Aviv et devenir un lieu de pèlerinage pour les fêtards et noctambules ? La cité la plus peuplée d'Israël a entamé une véritable mue. Et si les touristes font toujours le voyage pour visiter l'église du Saint-Sépulcre, le mur des Lamentations et le dôme du Rocher, ils bifurquent le soir venu vers les bars branchés et les bonnes tables. Dans cette cité sainte où il était compliqué de trouver un lieu de vie après 21 heures, une révolution festive est en marche. « On avait l'habitude de dire que le meilleur endroit pour sortir de Jérusalem, c'était la route n° 1 qui mène à Tel-Aviv ! », s'amuse Michael Katz, l'un des chefs qui fait swinguer la scène culinaire locale. Si l'exubérante Tel-Aviv, si proche, n'en finit pas de prolonger ses nuits folles, la sage Jérusalem cultive une ambivalence bien à elle, entre journées spirituelles et nuits décalées.
Le quartier de Nahalat Shiv'a, proche de la vieille ville et de ses remparts, est le coeur vibrant de la ville. Il y a quelques années, la rue Moshe Salomon était l'unique artère où s'alignait une poignée de restaurants et de bars. Désormais, toutes les petites ruelles alentour bougent du coucher au lever du soleil. Comme Tmol Shilshom, ce café littéraire qui attire étudiants et intellos venus grignoter un muffin et refaire le monde dans de vieux sofas fatigués. Un peu plus loin, le Mikveh est le QG de la communauté gay et lesbienne. Ce bar musical est l'un des rares endroits où les homosexuels peuvent faire la fête sans limite, dans une Jérusalem où la communauté religieuse ultraorthodoxe veille. « Les choses s'améliorent de jour en jour. On peut même défiler pour la Gay Pride, ce qui était impensable il y a quelques années », reconnaît Shia, une drag-queen habituée du Mikveh dont le nom, comme un pied de nez, signifie en hébreu « le bain rituel avant la prière ».
Après une nuit blanche, le pèlerinage du fêtard conduit ce dernier jusqu'au marché, dans les souks de Mahane Yehuda. Un coeur palpitant, qu'il faut arpenter un vendredi midi durant la frénésie précédant le shabbat. Durant quelques heures, on braille, on se bouscule, on rit fort et on se souhaite un bon week-end. Ne ratez pas l'étal d'Elie Basher le fromager, dont la famille propose depuis trois générations plus d'un millier de références du monde entier. Si vous avez de la chance (ou la patience d'attendre !), prenez place à l'une des petites tables du restaurant Tsofa, l'une des adresses secrètes les mieux gardées du lieu. Ne ratez pas non plus les desserts que l'on sert directement sur la table, sans assiettes, et que l'on partage à grands coups de cuillères au resto Mahane Yehuda.
On y croise des bobos israéliens, français, américains, établis dans le quartier tout proche de Nachlaot, prisé des artistes. Comme la Barbur Gallery ou la Naima House Art du Russe Alexey Mikhailov : « Nachlaot était un quartier d'immigrants très pauvre. Aujourd'hui nous avons pour voisins des millionnaires et des familles orthodoxes. C'est une grande salade mélangée, mais elle a bon goût tout de même », ironise ce dernier. En quittant Nachlaot, Designers in the city est l'escale arty locale sur le chemin de la vieille ville. Mais avant de franchir les remparts de la cité millénaire, empruntez Mamilla Road, artère rutilante avec ses magasins chics et ses galeries marchandes, qui illustrent aussi le renouveau contemporain. Mamilla est d'ailleurs devenue le lieu de promenade préféré de nombreuses familles qui se rendent au « Mur ». L'autre visage de Jérusalem.

Source Obsession.nouvelobs.com