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dimanche 6 octobre 2013

Montre anti-infarctus israélienne : l'histoire d'un succès annoncé


Au mois de mai 2013, siliconwadi.fr vous avait présenté la montre anti-infarctus, Oxitone. Voici un article actualisé sur cette invention médicale, présentant Oxitone sous un autre angle.
“La santé est le plus vénéré des bienfaits pour les mortels” disait Ariphron de Sicyone, un philosophe grec. Dans ce monde hyper connecté, il est possible d’envoyer un email en moins d’une microseconde à l’autre bout de la terre, mais, comme pour James Gandolfini, l’acteur principal des Sopranos, si une crise cardiaque vous frappe dans votre chambre, les quelques petites minutes nécessaires aux ambulances pour arriver sur les lieux peuvent vous être fatales.


Aujourd’hui, il est paradoxal que l’on puisse mourir dans sa chambre alors que l’information est transmise ultra-rapidement. Un pas de géant vers la résolution de ce paradoxe, a récemment été franchi par une startup Israélienne. Comment ? Tout simplement en créant une montre: l’Oxitone. Retour sur ce petit bijou technologique qui aura de grandes conséquences sur la santé mondiale de demain.

Des chiffres et des perspectives alarmants
La population mondiale augmente, mais surtout, elle vieillit. Les personnes âgées ont évidemment une santé plus fragile que les personnes plus jeunes et plus actives. Un enjeu important de nos sociétés modernes sera la prise en charge de cette population grandissante. Dans notre monde industrialisé, où la population active diminue, le sujet des coûts de cette prise en charge fait également débat.
Les personnes âgées sont durement touchées par les problèmes respiratoires et cardiaques. En 2012, plus de 330 millions de personnes dans le monde se sont vues diagnostiquer une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). En bref, ils ne respirent pas correctement et risquent à tout moment du jour comme de la nuit de souffrir d’un manque d’oxygène pouvant avoir de très graves conséquences. Il n’existe aucune cure ou traitement pour cette maladie. D’autre part, chaque année, cinq personnes sur mille sont frappées d’insuffisance cardiaque dans les pays industrialisés. Aux États-Unis on estime à 5 millions le nombre de personnes concernées. En France, plus de 32000 décès par an sont imputables à l’insuffisance cardiaque.

Gérer l’urgence
Pour bien comprendre la révolution technologique qui se met doucement en place grâce au Dr Leon Eisen depuis Rehovot (Israël), il est nécessaire de comprendre les 3 étapes du processus actuel en cas d’urgence médicale:
Lorsque vous vous sentez mal, vous devez appeler, ou au mieux appuyer sur un bouton, pour demander du secours. Mais comment appeler les secours si vous êtes inconscient ? Parfois la violence du problème médical rend le simple fait d’appuyer sur un bouton très compliqué !
La deuxième étape consiste à décrire votre problème à l’opérateur. Alors qu’il est déjà difficile de décrire comment on se sent avec exactitude, dans certains cas, on vous demandera aussi de prendre vous-même votre pouls.
En attendant les secours, l’assistant reste en ligne et vous soutient.
Ce processus met en évidence pourquoi il est possible de mourir dans la rue. Tout d’abord le retard au déclenchement de l’alerte et ensuite la lenteur du flux d’information. Il faut également faire remarquer les coûts opérationnels que ce système implique, dans ce cas, la présence constante d’un opérateur.


Un hôpital peu rassurant
Mais les situations d’urgences ne constituent pas la majorité des cas. Quand vous entrez à l’hôpital pour quoi que ce soit, “la première chose qu’on vous colle, c’est cette pince désagréable pour prendre votre SpO2” (la pression d’oxygène dans le sang) souligne le Dr Leon Eisen.
Lorsque sa femme était enceinte, le Dr Eisen constate très vite que les relevés basiques des données vitales, se font de manière très inconfortable pour le patient, et il est fréquent que les mesures prennent du temps car elles doivent être répétées à plusieurs moments de la journée. Il conclut qu’il faut trouver un moyen plus confortable et efficace de récupérer ces données vitales.
Un jour, l’un de ses amis meurt entre 2 consultations à l’intérieur même de l’hôpital. C’est évident, les communications sont trop lentes et le corps humain réagit trop vite. Pour couronner le tout, après une lourde opération, on vous garde quelque temps à l’hôpital, puis on vous renvoie chez vous. Même si les risques sont faibles, les patients ne sont pas rassurés et appellent souvent leur médecin à la moindre faiblesse ressentie. Il faut améliorer le suivi des patients à distance.
L’idée de la montre Oxitone vient de prendre forme.

Du scientifique à l’entrepreneur
En 1999, le Dr Leon Eisen quitte sa Russie natale et arrive en Israël avec un diplôme en mécanique quantique. Il commence une thèse en optique à l’Institut Weizmann de Rehovot. Durant les 10 années suivantes, il évoluera dans le milieu de la recherche appliquée aux capteurs pour de nombreuses start-ups en tant que consultant technique pour développer tout type de capteur physique, principalement pour des projets qui lui tiennent à cœur, comme le diabète.
Apres s’être formé aux bases du marketing, du management de projet et aux études de marché, il pense réunir alors toutes les compétences pour démarrer son propre projet: la montre Oxitone.
Sans argent, mais bourré de talent
Le Dr Eisen n’a pas d’argent, mais sa startup est sélectionnée, parmi plus de 400 autres start-ups, pour faire partie de la prestigieuse StartUp Health Academy subventionnée par General Electric. Il reçoit alors des subventions de l’état d’Israël et d’investisseurs privés. Aujourd’hui, ils sont 4 ingénieurs à collaborer, sans être salariés. En Israël il y a une principe simple entre les scientifiques et entrepreneurs : “ils s’entraident et s’arrangent après en échangeant des actions ou des parts”, affirme le Dr Eisen.

Oxitone: une montre pas comme les autres
Il y a 3 données vitales très importantes pour le corps humain: la pression sanguine, le pouls et le niveau d’oxygénation du sang. Le but est donc de mesurer ces données de manière confortable et de les rendre utilisables rapidement. La montre Oxitone mesure en continu 2 de ces 3 paramètres (le pouls et la SpO2), elle stocke ces données et les envoie directement à votre médecin, sans aucune intervention du patient. Le fait de mesurer ces données en continu permet également d’avoir accès, après analyse, à d’autres données importantes comme le taux de respiration (calculé à partir de la mesure continue du pouls).
La technologie actuelle ne permet pas de mesurer la saturation en oxygène dans le sang à travers le poignet car la circulation sanguine est trop basse. Le Dr Eisen a approché le sujet différemment. “Le challenge n’est pas de trouver le bon capteur, mais comment améliorer la propagation de la lumière dans le poignet pour effectuer une mesure avec des capteurs normaux” déclare-t-il. “Nous avons donc breveté une technologie unique appelée Trans Illumination Technology et développé un capteur morphologique utilisant cette technologie”.
Avec la montre Oxitone développée par l’équipe du Dr Eisen, votre médecin, vos proches et les urgences ont un aperçu précis de votre état physique en temps réel, même si vous êtes inconscient. L’automatisation de la récolte de ces données peut faire gagner des minutes vitales et permet une forte réduction des coûts liés au suivi médical. De plus, du fait de leurs morphologies particulières, la montre fonctionne mieux sur les enfants et les personnes âgées.

Une bouffée d’oxygène
Il s’agit là de bien faire la distinction entre l’Oxitone et les “smartwatch”. L’Oxitone prend des mesures médicales, et non des calculs de vitesse, du nombre de pas ou du nombre de calories, comme le font toutes les autres « montres-gadget » proposées par les géants tels qu’Apple ou Samsung. L’Oxitone répond à un réel besoin médical pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires, présentant des risques cardiaques, les personnes âgées ou les personnes sortant d’une opération.

Oxitone voit plus loin
Les utilisateurs pourront acheter la montre en pharmacie, mais le circuit principal est dédié aux médecins, assureurs de santé, hôpitaux et services d’urgences. Un service de location de montre peut même être envisagé dans les pays les plus pauvres où les patients ne pourront pas débourser les 200 dollars nécessaires pour acquérir la montre.
Tout est prévu et la montre Oxitone ne vient pas seule. Elle est accompagnée d’un système de connexion au choix (Bluetooth, au mur pour la maison ou via Smartphone) et les données sont récupérées sur des serveurs ou des ‘Cloud’. Un software et une application Smartphone permettent aux médecins de gérer leurs patients à distance et d’analyser leurs données médicales en temps réel.
Aujourd’hui, Oxitone est dans les 2 derniers mois d’une phase de collecte de 3 millions de dollars, argent nécessaire pour développer l’activité. Deux millions ont déjà été récoltés et des partenaires sont déjà prêts à implémenter le système pour leurs patients au Kenya, aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud. Les test R&D sont terminés. Il reste à obtenir les accréditations des instituts sanitaires internationaux et enfin effectuer les tests cliniques. Si Oxitone parvient à réunir les 3 millions de dollars nécessaires, la montre sera commercialisée début 2015.
Les accréditations basiques nécessaires pour démarrer les premières ventes ont été obtenues et la montre, avec son application, est prête. L’Oxitone est une montre destinée à un énorme marché de 100 millions de patients qui ont besoin de mesurer leur niveau d’oxygène pour des raisons de vie ou de mort, et non pas pour leur jogging.

“Se jeter à l’eau”
D’après le Dr Eisen , “le monde des start-ups Israéliennes est fait de collaboration, de partage, de gens passionnés et compétents, motivés et inspirés par une multitude de success-stories Israéliennes”. Mais Israël est aussi un environnement très compétitif “on se sent entouré par des gens très talentueux”, et, pour entreprendre en Israël, le meilleur conseil du Dr Eisen serait “de se jeter à l’eau”. D’après lui, “beaucoup de professionnels donnent des conseils et font des études de marchés. En tant qu’ingénieur, on identifie des besoins, on crée des choses, et il faut ensuite se lancer, car si on n’essaie pas, on ne saura jamais comment il faut faire.”

Source SiliconWadi