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mardi 6 août 2013

Les juifs hongrois sont sortis de leur ghetto


« Rom, Juif & Gay », affiche fièrement sur son t-shirt un participant au Festival Bankito, en Hongrie, un message politique fort alors que la discrimination contre les minorités est une critique récurrente contre le gouvernement conservateur hongrois. Chaque année en été, le pittoresque village de Bank, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Budapest, accueille pendant trois jours ce festival connu pour sa musique alternative, son art et son activisme civil.


Le premier festival, organisé il y a cinq ans, était centré sur la musique juive, lui valant le surnom de « Jewstock », en référence au légendaire festival de rock de Woodstock (Etats-Unis) en 1969. Il est depuis devenu un haut-lieu du militantisme, où toutes les minorités sont les bienvenues.
« Bankito est un endroit sûr, où chacun peut être ce qu’il est, en toute liberté », explique Adam Schonberger, 33 ans, fils de rabbin et directeur de Marom, une organisation de jeunes juifs laïques de Budapest à l’origine du festival, qui accueille 2.000 personnes par jour.
« Nous avons imaginé un monde où il ferait bon vivre et nous avons commencé de le réaliser », a ajouté Adam Schonberger qui a illustré cette vision comme « une communauté de sous-cultures, avec un zeste de judéité ».bankito 3
L’année dernière, le gouvernement conservateur de Viktor Orban avait adopté une nouvelle constitution, marquée par de profondes racines chrétiennes. Le texte a été très critiqué, par l’Union européenne notamment, jugé antidémocratique, discriminant envers les homosexuels ou les SDF et pas assez protecteur des minorités rom et juive, pourtant souvent victimes de préjugés et parfois de violences.
« Le gouvernement a une vision majoritaire de la Hongrie », selon Adam Schonberger, « ceux qui ne partagent pas ses vues sont exclus ».
C’est là qu’intervient le Festival Bankito. En plus des concerts — de tous types de musique, de l’expérimental à l’électronique en passant par la musique rom –, figurent au programme du théâtre alternatif, des expositions d’art et des ateliers politiques et sociaux sur l’éducation, la liberté de la presse ou l’antisémitisme.bankito 2
Les jeunes juifs hongrois évitent les partis politiques traditionnels mais sont très présents dans la société civile, selon Tamas Buchler, un festivalier de 29 ans: « Nous avons des valeurs très fortes quand il s’agit de démocratie, des droits de l’Homme, de la lutte contre le racisme », a expliqué le fondateur de Minyanim, un groupe qui forme de jeunes juifs d’Europe centrale pour devenir des acteurs majeurs de leur communauté.
Les attaques, verbales ou physiques, en Hongrie contre la communauté juive de quelque 100.000 personnes, une des plus importantes en Europe, restent rares mais la tendance est à la hausse ces dernières années.
Le Congrès mondial juif, qui représente les communautés juives à l’extérieur d’Israël, a tenu son assemblée générale en mai à Budapest pour témoigner sa solidarité aux juifs hongrois. Le Premier ministre, Viktor Orban, avait appelé à cette occasion à la « tolérance zéro » contre le racisme et l’antisémitisme.
Cependant, son parti, Fidesz, est souvent accusé d’avoir un comportement ambivalent à l’égard des communautés rom et juive, certains le soupçonnant de vouloir attirer l’électorat du parti d’extrême-droite Jobbik, ouvertement antisémite et contre les Roms, avant les élections législatives de 2014.
Pour les jeunes juifs au Bankito, l’antisémitisme n’est pas le premier problème: Judit Mokos, 22 ans, se plaint d’une « atmosphère anti-intellectuelle » générale dans le pays. « J’étudie les lettres, ce que le gouvernement qualifie d’inutile et ne finance plus. Je ne suis pas sûre que mon avenir soit en Hongrie », déplore-t-elle.
Pour Adam Schonberger, l’apathie de la population est au moins aussi dangereuse que les lacunes du système démocratique: « Si quelque chose est injuste, seulement quelques centaines de personnes manifestent ici, alors qu’elles sont des milliers en Turquie ou en Bulgarie », regrette-t-il.
Pour Ima, une Roumaine de 23 ans, le festival est déjà un succès en soi et elle dit douter qu’un tel événement puisse être organisé dans son pays: « Les juifs de Hongrie sont définitivement sortis de leur ghetto », se réjouit-elle.
Source Tribune Juive