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mardi 25 juin 2013

Une antiquité découverte en Provence, le plus ancien témoignage de la présence juive en France



Une spécialiste des juifs comtadins a redécouvert dans les fonds cavaillonnais une lampe à huile antique qui pourrait être le plus ancien témoignage de présence juive jamais découvert. Le musée de Cavaillon abriterait-il le plus ancien témoignage d’un foyer de vie juif en France? L’historienne des religions Simone Mrejen-O’hana en est aujourd’hui à peu près persuadée. Selon cette spécialiste, la petite lampe à huile conservée à Cavaillon depuis sa découverte fortuite à Orgon en 1967, et sur laquelle elle s’appuie pour oser pareille hypothèse, permettrait de penser que des populations de religion juive auraient vécu dans cette partie de la Provence entre le 1er siècle avant et le 1er siècle après J.-C. Soit un millénaire avant les Juifs du Pape !
  La double menorah
Mais au fait, qu’a-t-elle de si particulier, cette petite lampe, pour permettre d’avancer une telle allégation ? Pour ce qui est de sa forme en tout cas, pas grand-chose d’original, comme l’explique l’archéologue des musées de Cavaillon Émilie Porcher : “C’est une forme de lampe typique et très commune du Ier siècle avant J .-C. notamment en Italie“.
Sauf que, dans le cas précis, il y a autre chose : la double menorah (chandelier à sept branches) qui orne la lampe. “Et là, poursuit l’archéologue, on se retrouve devant un problème historique de première importance. Parce qu’en l’état actuel des recherches, la représentation de la menorah n’apparaît pas avant 70 après J.-C., après la 2e destruction du Temple et legrand exode qui ouvre la 2e diaspora“.
C’est bien là toute la question que pose la petite lampe : comment un objet dont la forme renvoie indubitablement au 1er siècle avant J.-C. peut-il porter une décoration qui n’apparaît qu’au 1er siècle après ?
Autant dire que du côté des musées de Cavaillon, et de leur responsable, Nadia Naudeix, c’est une interrogation que l’on ne cesse plus de se poser : “Depuis que la lampe a été découverte, elle a toujours intrigué les responsables des musées, et notamment André Dumoulin, le conservateur de l’époque, qui l’avait faite restaurer“.
Pourtant, au fil des décennies, la lampe avait fini par être peu à peu à nouveau ensevelie dans les sédiments de la mémoire locale.
Jusqu’à ce que, voici quelques mois, la spécialiste Simone Mrejen-O’hana ne procède à un sérieux état des lieux du patrimoine juif comtadin en Vaucluse, et tombe sur le fameux petit objet.
Rapidement convaincue de son importance, elle n’a pas tardé à faire savoir à Nadia Naudeix que, dans les pourtant riches fonds du musée juif comtadin de Cavaillon, elle tenait sans aucun doute la pièce maîtresse. Pour la deuxième fois de sa longue existence, la lampe d’Orgon était redécouverte.

Diaspora naissante

Reste à tenter de comprendre pourquoi cet objet aussi énigmatique se trouvait a Orgon. Et là encore, Simone Mrejen-O’hana a une réponse. “Cette lampe nous parle du judaïsme naissant en diaspora. En archéologie, rien n’est verrouillé. Et, après tout, il y a des présences juives dans l’Antiquité à Marseille, dont nous sommes proches. Alors, pourquoi pas un foyer juif dans ce secteur ?” continue l’historienne qui rappelle que si la religion juive ne fait aujourd’hui aucun prosélytisme, il n’en allait pas de même à l’Antiquité.
De là à penser que des populations locales (Gaulois de Provence dits “celtes ibères”), aient pu être converties au judaïsme au contact des foyers juifs proches…
Pour Simone Mréjen-O’hana, cela semble certain : un tel objet, assurément objet cultuel à cause de sa décoration (la menorah symbolise la flamme divine, donc la présence de Dieu), ne se trouvait pas par hasard sur les lieux de sa découverte, et atteste d’un foyer de culture et de religion juive qui compterait parmi les plus anciens de Provence.

Source Lemondejuif.info