Il n’y a pas de jour sans que l’on soulève la possibilité d’une guerre au Moyen-Orient mais la probabilité est faible car les occidentaux, les russes et les chinois veillent à ce que la stabilité soit maintenue dans une sorte de dissuasion généralisée. Le seul risque est qu’un petit conflit circonscrit peut dégénérer en une guerre de plus grande ampleur. Mais la volonté de guerre reste limitée parce qu’il y a un équilibre de la terreur et parce qu’aucun acteur de la région n’est en mesure de prendre à lui seul le dessus des armes.
Le Moyen-Orient est défendu par cinq armées qui se distinguent tant par les effectifs humains que par le niveau de la technologie des armements.
Armée égyptienne
Depuis la fin de la guerre de 1973, l’Égypte a perdu le statut de meilleure armée arabe par suite des difficultés pour le renouvellement de ses équipements. Le président Moubarak avait quitté l’alliance avec les russes pour se rapprocher des occidentaux. Les problèmes internes, liés à la révolution, n’ont pas arrangé la situation car aucune solution tangible n’était en vue, tant sur le plan humain que sur le choix des alliances. Les russes ont perdu leur statut d’alliés privilégiés tandis l’alliance avec les États-Unis reste un rêve inaccessible pour les raisons idéologiques des Frères musulmans.
L’armée égyptienne, seule institution forte du pays en ce moment de crise, peut être soit le moteur de la transition soit l’instrument pour sauver le régime. Son rôle a évolué avec la révolution. Les militaires, qui ont remplacé les policiers et qui fraternisent souvent avec les manifestants, restent populaires tout en étant un pilier du nouveau régime islamique.
Les égyptiens disposent d’une armée encore militairement puissante, au moins sur le plan des effectifs : 468.500 actifs et 479.000 réservistes. La force aérienne aligne 461 avions de combat. La marine dispose de 4 sous-marins et de 10 navires de guerre. L’armée de terre compte 3.723 tanks et plus de 2.150 missiles. Depuis les accords de Camp David, les américains indemnisent l’armée égyptienne pour ne plus combattre son voisin israélien en versant 1,3 milliards de dollars par an en aide militaire en plus des 250 millions d’aide économique.
L’armée reste cependant en déclin parce qu’elle tenue pour suspecte par les tenants islamistes du régime et surtout parce qu’elle n’est confrontée à aucune menace extérieure. C’est ce déclin qui empêche aujourd’hui l’Égypte de reprendre le leadership du monde arabe convoité par la Turquie et l’Arabie saoudite.
Armées du Golfe
La guerre du Golfe aura eu au moins l’avantage de convaincre les pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) de s’unir pour acquérir l’arsenal qui leur manquait mais, malgré cela, leur armée dispose de capacités limitées face aux autres grands. Il fut un temps où ces armées étaient liées pour constituer une force globale de dissuasion de 360.000 soldats. L’Arabie saoudite avait pris le leadership du Golfe, dès 1984, en hébergeant le «Bouclier de la Péninsule» chargé de contrer toute agression contre l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats unis, le Koweït, Oman et le Qatar.Le Bouclier de la Péninsule, sous le commandement en chef de la force commune des monarchies arabes du Golfe, le général saudien, Motlak Alozima, compte environ 40 000 soldats. Une base permanente était en projet aux Emirats. Equipé par les forces américaines, il peut aligner en permanence 40.000 hommes de troupe dans le domaine de l’infanterie, des blindés et de l’artillerie dans une sorte de force d’intervention rapide. Mais l’antagonisme entre l’Arabie et le Qatar a scindé l’union en deux clans aux moyens disparates. Les salafistes de l’Arabie, des Émirats, et du Koweït dominaient les idéologues des Frères musulmans du Qatar, du Bahreïn et d’Oman qui disposent de moyens militaires modestes.
Les armées du Golfe, contrairement à l’armée égyptienne, n’ont aucune expérience militaire. La guerre du Bahreïn et du Qatar a été trop courte pour servir de référence. Mais malgré leur richesse pétrolière, ces pays investissent peu en matériel militaire : 660 milliards de dollars de 2002 à 2012. L’Arabie saoudite sort du lot avec des dépenses représentant 40% du budget militaire du Golfe.
Le Qatar, qui est inquiet de la capacité de nuisance de son voisin iranien, cherche à s’imposer en Égypte et à Gaza et veut être partie prenante en Syrie. Il a compris que son influence sur le terrain ne pouvait dépendre que de la qualité de ses forces armées. C’est pourquoi il consacre 8% de son budget pour l’équipement militaire de 12.000 soldats, dont 7.400 mercenaires, qui pour l’instant ne font qu’illusion sur le plan de l’efficacité. En revanche, les Émirats disposent d’une armée puissante de 50.000 hommes bien équipés grâce à un budget militaire qui est le troisième après celui de l’Arabie et de la Turquie. Ils sont en négociation pour l’achat de Rafale à la France.
Armée turque
L’armée turque, héritière de l’Empire Ottoman, bénéficie d’un long passé historique. Avec ses 800.000 hommes, elle représente la sixième armée du monde au niveau des effectifs et la deuxième de l’Otan après l’armée américaine. Depuis son adhésion en 1951, l’Otan lui a confié, dans le dispositif occidental, la mission de défendre les détroits, l’Anatolie et le Proche-Orient. Essentiellement équipée par les occidentaux et Israël, elle a acquis une expérience sur le terrain dans son combat contre les kurdes.
Mais par crainte d’un coup d’État, une partie de l’armée a été décapitée par le nouveau régime islamiste. La centaine de généraux écartés des centres de décision a cependant réduit l’efficacité des troupes qui subissent de nombreux revers. La liste des morts militaires dans les combats face aux kurdes attestent des difficultés de l’armée à se réorganiser en ordre de bataille.
Ses forces navales sont les plus puissantes de la Méditerranée orientale. Israël intervenait beaucoup dans son équipement militaire et participait à la formation dans les nouvelles technologies. Mais l’incident de la flottille de Gaza a poussé les turcs à trouver d’autres fournisseurs en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Corée du sud, en Chine et en Russie. Dans le même temps, Israël passait de la cinquième place des fournisseurs mondiaux d’armement à la huitième.
Le blocage par Israël de la fourniture de certains armements sensibles, les drones en particulier, a convaincu les turcs d’avoir leurs propres usines de production pour ramener les achats étrangers à 10% de leurs besoins. La Turquie fabrique ainsi sous licence des chasseurs F-16, des fusils d’assaut allemands HK33, des véhicules militaires britanniques, des canons suisses et même du matériel israélien. La Turquie dispose du 15ème budget le plus important du monde et est structurée pour mener le combat sur trois fronts simultanément. L’importance et la qualité de cette armée expliquent la volonté des américains de rétablir l’alliance entre Israël et la Turquie qui représentent les deux pions dans la stratégie américaine.
Armée iranienne
L’armée iranienne est la plus puissante de la région du Moyen-Orient. Depuis la révolution islamiste, elle a été scindée en deux parties distinctes indépendantes, après avoir été pratiquement détruite durant la guerre Iran-Irak des années 1980. L’armée régulière compte 600.000 militaires. Les pasdarans ou Gardiens de la révolution, corps d’élite créé après la révolution de 1979, représentent 120.000 hommes plus puissants et mieux équipés que l’armée régulière.
Les pasdarans, boucliers du régime, sont intégrés dans quatre corps constitués de quatre divisions blindées et de six divisions d’infanterie dans le cadre de la marine, de l’armée de l’air et de l’infanterie. Les Gardiens de la Révolution disposent de leur propre commandement qui répond directement au Guide Suprême avec un budget totalement indépendant de celui de l’armée.
Équipés du temps du Shah par les occidentaux, les iraniens se sont tournés après la Révolution vers la Russie, la Chine, la Corée du Nord et la Pologne. L’armée a été entièrement reconstituée depuis 1998 grâce à un budget militaire en constante augmentation s’élevant à 12 milliards de dollars. Les iraniens disposent à présent de systèmes de télécommunications avancés capables de détecter des chasseurs à basse altitude à plus de 700 km des frontières et des brouilleurs de satellites GPS qui peuvent s’opposer à une frappe militaire étrangère.
Les occidentaux évaluent à 2.000 les missiles de portée de 2.000 km mais il n’y a aucune certitude sur leurs capacités militaires réelles. L’inconnu reste l’état d’avancement du programme nucléaire militaire. L’embargo international a forcé l’Iran à développer une industrie locale dont les réalisations sont sujettes à caution. Les matériels dévoilés ne semblent pas disposer d’une évolution technologie avérée et certains essais de missiles entrent dans la politique d’esbroufe des iraniens.
Le 12 mai, l’Iran a dévoilé ses drones indétectables Épopée, le Hazem-3 et le Mohajer-B capables d’effectuer des vols sur de longues distances, d’évoluer à haute altitude et de frapper les cibles ennemies. Cependant des doutes subsistent sur la capacité de ces matériels sur le terrain. Par ailleurs, pour l’instant, les iraniens n’ont pas passé le cap des missiles à combustible solide qui permettent un stockage dans des abris souterrains, donc une meilleure protection contre une frappe étrangère.
Armée israélienne
L’aide militaire annuelle des États-Unis s’élève à 3 milliards de dollars mais qui doivent être intégralement réinvestis dans des projets américains. L’armée de l’air, la plus puissante de la région, aligne 370 chasseurs modernes F-15 et F-16. Mais l’originalité de l’armée de l’air réside dans l’utilisation intensive de drones de fabrication israélienne ainsi que dans les missiles antimissiles qui ont fait leurs preuves dans les derniers combats.
Lors d’une visite au cœur même de la défense électronique dans une base secrète de Tsahal [1], des généraux nous avaient expliqué qu’ils étaient les seuls au monde à avoir mis la haute technologie au sein des troupes pour réagir en temps réel. Les généraux «plasmas», qualifiés ainsi parce qu’ils dirigent les opérations du front avec leurs ordinateurs depuis les bases du quartier général, nous ont expliqué que Tsahal était capable d’évaluer immédiatement l’impact de l’action de ses troupes sur le terrain. Grâce à leurs systèmes ultra-performants, ils peuvent rectifier très vite les ciblages, mesurer la menace et réorganiser le front en fonction de l’évolution des armées ennemies.
L’armement nucléaire israélien reste toujours un secret couvert par la censure militaire mais les experts internationaux s’accordent à évaluer le nombre de bombes nucléaires à 200. En revanche Israël a fait d’énormes progrès dans la défense anti-missiles qui a permis de réduire les dégâts durant la dernière guerre de Gaza. Cela étant, le budget de l’armée israélienne se situe au 4e rang dans la région du Proche-Orient, derrière l’Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats arabes unis. Mais le nouveau gouvernement a décidé de le réduire de un milliard de shekels pour limiter le déficit budgétaire.
Source TribuneJuive.info