Comment l’enfant chéri des urnes est devenu l’ennemi public numéro 1 de la classe moyenne en moins de 2 mois. Le ministre des Finances Yair Lapid garde la tête haute en période de crise. Un prophète, Barack Obama ? Lors de sa visite au mois de mars, le président américain a été accueilli à l’aéroport Ben-Gourion par une rangée de ministres fraîchement nommés. Obama, qui avait visiblement bachoté ses notes, a eu un mot personnel pour chacun.
Et une attention particulière pour le nouveau ministre des Finances, Yaïr Lapid. « Ma femme dit toujours : “Prends garde à tes désirs, car ils pourraient bien se réaliser” », a souri le président.
Deux mois plus tard, Lapid est bel et bien aux prises avec le rêve devenu réalité. L’enfant chéri des urnes est devenu l’homme que l’on adore détester : un véritable punchingball politique. La semaine dernière, un sondage d’Aroutz 2 révélait que pour 50 % des Israéliens, sa nomination au ministère des Finances était une erreur et que 28 % des électeurs de Yesh Atid ne comptaient pas revoter pour lui. Puis une étude publiée ensuite par le journal Haaretz enfonçait le clou : seuls 19 % des sondés se disaient satisfaits de l’action du ministre, tandis que 53 % s’en déclaraient mécontents.
Jeudi 16 mai, le nouvel élu tentait de faire bonne figure au micro de la radio militaire. Les deux ou trois mandats perdus virtuellement par son parti prouvent la résistance de Yesh Atid, a voulu croire Lapid. Et de balayer d’un revers de la main l’idée que le Premier ministre Binyamin Netanyahou aurait cherché à torpiller sa carrière politique en lui confiant le portefeuille financier.
« J’ai entendu parler de ces théories conspirationnistes », a déclaré Lapid. « Personne n’a cherché à me duper. On m’a confié l’opportunité, que j’ai méritée en remportant 19 mandats parlementaires, de changer le visage du pays. L’Etat traverse une période difficile et mon défi consiste à le relever. J’en suis très heureux ».
En 2006, l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert avait été accusé de nommer Amir Peretz au ministère de la Défense pour lui porter préjudice politiquement. Mais si l’ancien travailliste ne savait rien de l’establishment militaire avant d’accepter le poste, Lapid, lui, s’est formé auprès d’experts économiques pendant plus d’un an avant de prendre les commandes du Trésor. Et, contrairement à Peretz, qui vivait sous la menace d’un retour d’Ehoud Barak, Lapid contrôle son parti et est considéré comme le ministre le plus puissant du gouvernement.
Des journées de 20 heures
Un ami de longue date affirme aujourd’hui que l’ancien journaliste n’en veut ni à la presse ni à l’opinion israélienne de le juger trop rapidement. Et se dit convaincu que Lapid surmontera cette mauvaise passe et fera ses preuves sur la durée. « On place la barre haut, mais on sait qu’il n’y a pas de formule magique », commente le confident du leader.
« On fait confiance aux Israéliens pour comprendre qu’on ne peut pas tout changer en 2 mois et qu’il faut avant tout mettre un terme à la crise budgétaire. Lapid conserve son calme, comme lorsque les sondages ne lui donnaient plus que 6 sièges à un moment donné de la campagne.
Il ne stresse pas outre mesure, il est cool. » Cette même source admet tout de même que la manifestation devant la demeure des Lapid, au nord de Tel-Aviv, a heurté la famille.
Mais le ministre, poursuit-il, continue de travailler 20 heures par jour, va souvent se coucher à 3 ou 4 heures du matin, et ne renonce jamais, pour autant, à son entraînement matinal quotidien.
Celui qui passe un temps considérable avec Lapid tient à préciser que l’élu n’a jamais semblé regretter son choix d’accepter le portefeuille des Finances, au lieu des Affaires étrangères. « Lapid sait très bien qu’il aurait pu aller en Chine, boire des cocktails et se faire chouchouter par la presse », ironise le confident. « Il sait qu’il aurait gagné en popularité aux Affaires étrangères. Mais il a préféré un poste où il est impossible de contenter tout le monde. Il l’a accepté parce qu’il avait envie de changer les choses. Et chaque jour qui passe le persuade de la justesse de son choix ».
Un candidat parmi d’autres
Haaretz a récemment affirmé que l’équipe de Lapid souhaite le porter à la tête de l’Etat d’ici deux ans. Faux, rétorque son ami. Selon lui, le ministre aspire à passer 4 ans aux Finances afin de faire ses preuves et connaît la valeur de la stabilité gouvernementale. « Notre action prendra du temps et des élections anticipées sont une mauvaise chose, en particulier pour l’économie. Lapid ne se cache pas de vouloir se présenter dans 4 ans. Mais il sera un candidat parmi d’autres. » Difficile pour l’instant de prédire qui seront ces candidats.
Le sondage de la semaine dernière, réalisé au moment où étaient révélées les folles sommes consacrées aux résidences du Premier ministre, montre que les Israéliens ne sont pas davantage satisfaits de Netanyahou qu’ils ne le sont de Lapid. Le ministre de la Défense Moshé Yaalon, dont la cote de popularité se porte mieux, pourrait bien se servir de son poste comme d’un tremplin vers la course. Quant à l’ancien chef d’état-major Gaby Ashkénazi, il vient d’ouvrir une page Facebook, ce qui équivaut souvent à une entrée en politique de nos jours.
Mais le président Obama ne s’en est pas tenu à la sagesse de son épouse Michelle, lors de l’échange sur le tarmac. Il a également affirmé à Yaïr Lapid : « Nous aurons souvent l’occasion de travailler ensemble ». Prophète, Barack Obama ?
« Les allocations ne font que perpétuer la pauvreté »
Israël est le pays le plus pauvre de l’OCDE. Yaïr Lapid réagit au rapport désastreux paru la semaine dernière.
La réponse à la pauvreté ? L’emploi. C’est ce qu’a martelé le ministre des Finances Yaïr Lapid. L’élu avait organisé un chat sur Facebook afin de répondre directement aux questions des internautes, alors qu’il est attaqué de toutes parts en raison de son budget qui n’épargne pas la classe moyenne, comme il l’avait pourtant promis au cours de sa campagne électorale.
Dans ce contexte déjà tendu, la publication du rapport de l’OCDE en fin de semaine dernière a fait l’effet d’une bombe. Israël est l’Etat le plus pauvre des pays développés, affirme l’Organisation de coopération économique en se basant sur les données disponibles pour l’année 2010.
Jeudi 16 mai, Lapid avait déjà déclaré au micro de la radio militaire que « ce ne sont pas les allocations qui freinent la pauvreté, mais le travail ». Et de souligner que deux secteurs de la population contribuent à la pauvreté générale plus que tous les autres : les ultraorthodoxes et les Arabes israéliens. « Il est triste que ces 2 groupes soient prédéfinis comme pauvres », a déclaré le ministre, arguant que le plan de budget 2013-2014 et les réformes à venir pousseront massivement ces catégories vers le marché du travail.
« J’ai touché aux harédim comme jamais auparavant », a poursuivi le ministre, faisant allusion aux allocations familiales qui bénéficient surtout aux ultraorthodoxes, avec un taux de natalité 4 fois supérieur à la moyenne israélienne. « Une allocation familiale, c’est quoi ? C’est se dire : “J’ai des enfants, mais c’est quelqu’un d’autre qui paie la note”. Mais qui paie ? Quelqu’un d’autre qui a aussi des enfants, et qui donne son argent pour la progéniture des autres. » Le Rambam était aussi médecin Ces coupes dans les allocations auront donc pour conséquence de pousser les parents vers le marché du travail, a prédit Lapid, ajoutant que la responsabilité du gouvernement ne consistait pas à financer les familles, mais à fournir une solide éducation à la jeunesse ainsi qu’une bonne expérience militaire. « Les allocations n’empêchent pas la pauvreté, elles ne font que la perpétuer », a-t-il lancé Jeudi soir, au cours du chat Facebook, un des internautes, se présentant comme un étudiant de yeshiva à temps plein, s’est plaint des restrictions budgétaires, affirmant qu’elles laisseraient sa famille sur le carreau et que sa femme allait devoir divorcer afin d’obtenir des aides réservées aux foyers monoparentaux. « Il y a aussi une autre possibilité », a immédiatement riposté Lapid, « que vous vous mettiez au travail ». Et de noter que 10 heures de travail hebdomadaires permettraient à cet homme de remédier à l’absence d’allocations.
« Le Rambam était aussi médecin », a-t-il rappelé en référence à Maïmonide, « et cela ne l’a pas empêché d’être le Rambam. » Le ministre a poursuivi son offensive alors que de nouvelles manifestations ont eu lieu samedi soir à Jérusalem et Tel- Aviv pour la deuxième semaine consécutive, même si la foule était nettement moins nombreuse cette fois-ci.
Répétant sur tous les tons qu’à terme, la classe moyenne bénéficierait du nouveau budget, Lapid a souligné à maintes reprises que les personnes âgées ou handicapées et les rescapés de la Shoah étaient épargnés par les restrictions, tandis que l’Etat continuait d’investir dans l’éducation. Et promis que les nombreuses réformes économiques à venir réduiront le coût de la vie.
Source JerusalemPost