Les soldats qui servent en Judée-Samarie Décrivent une réalité journalière complexe qui n'a rien de juste ou d'injuste, de vrai ou de faux. À leurs yeux, c'est à ça que ressemble la troisième intifada.
Ces genres de témoignages, rapportent par des soldats qui servent sur "la ligne" en Judée-Samarie ne sont pas uniques. Ces dernières semaines, des dizaines de témoignages arrivent de la part de soldats qui servent en Judée-Samarie, réservistes où appèles, quand ils rentrent en permission. Et ils racontent tous la même chose : lors des dizaines, voire des centaines d'incidents de provocation de la part des Palestiniens, ils jettent des pierres et des cocktails molotov sur les soldats. La réaction de Tsahal se traduit par le silence, l'ignorance, le repli et la fuite.
Ces genres de témoignages, rapportent par des soldats qui servent sur "la ligne" en Judée-Samarie ne sont pas uniques. Ces dernières semaines, des dizaines de témoignages arrivent de la part de soldats qui servent en Judée-Samarie, réservistes où appèles, quand ils rentrent en permission. Et ils racontent tous la même chose : lors des dizaines, voire des centaines d'incidents de provocation de la part des Palestiniens, ils jettent des pierres et des cocktails molotov sur les soldats. La réaction de Tsahal se traduit par le silence, l'ignorance, le repli et la fuite.
Ces témoignages sont recueillis avec soin, ils sont croisés avec d'autres et relient les uns aux autres. Les témoins représentent une large fourchette de la population israélienne : des soldats de tout le pays, des laïcs et des religieux, des gens d'avis politiques différents, des gens de droite comme de gauche. Les soldats sont des secteurs et d'unités différentes. Le plus jeune a 19 ans et il fait son service obligatoire. Le plus âge a 44 ans. Tous ont servi en Judée-Samarie durant ces derniers mois, et une partie d'entre eux sont encore en train d'y faire une période de reserve ou de faire leur service militaire obligatoire.
Tous les témoins parlent de cas où ils étaient impliqués directement, ou d'incidents auxquels ils ont assisté. Il ne s'agit pas de bruits ou d'histoires racontées. Quand il leur a ete demande de décrire ce qui leur est arrivé, ils ont tous utilisent les mêmes expressions : "honte", "humiliation", "castration" et "impuissance". Ils ont parlé de situations ou ils ont dû fuir devant les Palestiniens, ou se cacher.
"Nous sommes partis monter un barrage de contrôle, entre deux villages, a une heure du matin", raconte M. Il est chef de peloton, âge de 28 ans, et est réserviste dans un régiment d'infanterie dans la région de Ramallah. "Après quinze minutes passées sur le terrain nous avons commencé à entendre des sifflets venant du village voisin", explique-t-il. "Nous avons compris qu'ils venaient pour troubler l'ordre. Nous Etions 8 en tout et pour tout. J'étais le commandant. Je savais que cela prendra du temps si je demandais des renforts, alors j'ai dit "ça ne va pas". Nous nous sommes replié de suite et nous sommes partis. Nous avons disparu, nous nous sommes enfuis. Je dis clairement le mot "fuite"".
Qu'as-tu ressenti ?
"J'ai été trés énervé. Je me suis senti vaincu. Mes soldats m'ont dit : nous fuyons encore . C'est du défaitisme de la part de Tsahal. J'ai l'impression qu'on m'a amèné là-bas que pour etre "un soldat sur un jeu d'échecs". Me montrer et ne pas agir".
Il s'agit des meilleurs garçons, des meilleurs soldats, du "mellah Haaretz". M., par exemple, fait partie des excellents officiers. Il a été formé a l'école de formation d'officiers n.1, et pendant son service, il a servi dans une unité combattante. Tous ces soldats ont dû faire face, à leur detriment, à des situations impossibles. Les consignes d'ouverture du feu qui existent actuellement en Judée-Samarie sont floues, ambiguës, incompréhensibles et peu claires. "Nous ne les comprenons pas" nous ont expliquent les dizaines de soldats avec lesquels nous nous sommes entretenus. D'ailleurs, aucun d'entre eux n'a ces consignes sous la main.
Les soldats expliquent que l'on ne les laisse pas s'occuper des troubles de l'ordre, des jets de pierres et de cocktails molotov, alors que ce genre d'incident ne fait qu'augmenter ces derniers mois. "Tu te tiens là-bas comme un idiot et tu ne peux rien faire", raconte L., âge de 25 ans, officier dans les blindés et qui a fini récemment son service dans Tsahal et qui était basé en Judée-Samarie. "La politique actuelle c'est la patience, on y met plein de mots différents mais c'est de la connerie. Nous sommes complètement neutralisés. Nous sommes des soldats avec une arme, cinq chargeurs, et nos mains sont attachées dans le dos. Nous ne sommes pas autorisés à nous défendre de la manière la plus basique. Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelqu'un lève la main sur un soldat de Tsahal et il faut rester sur place et sourire . Et pourtant c'est l'ambiance actuelle".
"Je suis d'accord avec la politique qui dit qu'il faut agir intelligemment et éviter la dégradation", declare L., "mais il y a une grosse différence entre ça et la situation ou la vie des soldats est en jeu".
Ces dernières semaines, des soldats du rang et des réservistes ont créé un nouveau groupe sur Facebook appelé "laissez Tsahal gagner" ("תנו לצה"ל לנצח"), dont le but est d'informer le grand public et d'arriver à faire des changements de façon conséquente sur les consignes d'ouverture du feu. Les membres de ce groupe nous ont aidé à obtenir d'autres témoignages et d'élargir notre champ de vision. "Notre honneur est bafoué", nous a-t-on répondu quand nous avons demandé pourquoi ce groupe a été créé. "Nous ne pouvons pas réagir, nous n'avons pas de moyens de dissuasion, nous n'avons pas les moyens d'être une armée. Nous voulons que tout le monde le sache".
Chaque réaction contre les Palestiniens depend d'une liste de conditions (distance, âge, actions, impressions, et ainsi de suite), qui donnent lieu à de longues discussions, des recherches d'alternatives, de nombreuses autorisations emanantes de différents officiers qui souvent ne sont pas sur le terrain. Dans de nombreux cas, par exemple, nous avons rapporté des cas de soldats blessés par des jets de pierres, mais aucune autorisation n'est arrivée. Il n'y a rien à faire. Les soldats parlent de peur, de repli, de perte de contact".
Les officiers supérieurs prétendent qu'il n'y a pas de problème avec les consignes d'ouverture du feu. Eux aussi sont d'accord pour dire qu'il y a un écart entre les officiers et ce que comprennent et savent les soldats sur le terrain. Chez les grades qui encadrent les soldats, presque tout le monde est d'accord pour reconnaitre que la confusion règne souvent, ainsi que l'incomprehension et l'impuissance. Les soldats préfèrent ne pas répondre plutôt que d'agir, de faire des erreurs et de se retrouver devant une enquête. "Tu réagis et tout de suite on te demande pourquoi", explique L. "Nous essayons de tout faire pour éviter le contact. Le vent a changé, on évite d'agir. Notre sentiment, à nous les officiers sur le terrain, c'est que même s'il y a possibilité d'agir, il faut éviter. Si tu agis, tu vas t'amener des interrogatoires et du bordel".
"Comme dit le commandant d'unité", cite L. en parlant du fait que toutes les actions de Tsahal en Judée-Samarie sont filmées par les Palestiniens et les gauchistes, "une photo peut tout détruire". "c'est-à-dire, ne vous mettez pas dans ce genre de situation, ce serait dommage pour vous. Tout ira bien, a la fin, on finit tous notre service. Faites plutôt un voyage en Amérique du Sud, promenez-vous et reposez-vous, ça ne vaut pas la peine de passer devant un tribunal".
Il y a deux semaines, un film a ete rendu public, il montre une unité de blindes au sud d'Hebron et des Palestiniens qui montent sur les jeeps et jettent des pierres. Les soldats ont decié de rester enfermes dans les jeeps. Aucun d'entre eux n'est sorti des jeeps. Ce genre d'incident peut arriver, nous a-t-on raconté, à chaque soldat qui sert en Judée-Samarie.
Suite à cet incident, une enquête a ete ouverte, et celui qui va surement en payer le prix, comme toujours, sera apparemment le commandant de section, celui qui était sur le terrain. "À chaque fois un officier de terrain est renvoyé a la maison parce qu'il n'a pas respecte les consignes. Sauf que les consignes ne sont pas claires", declare M. en colère, lui l'excellent officier. "Je ne comprends pas les consignes d'ouverture du feu, et je ne suis pas le seul. C'est simple, a chaque fois, on coupe la tete de l'officier sur le terrain".
"Il faut peu de chose pour passer la ligne rouge", prévient M. "quelqu'un finira par enlever un soldat, ou par tirer un des nôtres dans son véhicule".
C'est un voyage sur une autre planète, sur la planète de la troisième intifada. Cette dernière, raconte les soldats dans leurs témoignages, a déjà commencé. Nous n'y avons pas fait attention. Pour des raisons de place, nous ne publions qu'une partie des témoignages, et des résumés. Les noms complets des témoins sont préservés car selon la loi militaire, il leur et interdit d'être interviewe sans autorisation préalable.
Ce sont les voix claires et limpides, modérées, retenues et sobres, de ceux qui sont sur la ligne de front, sur les collines et dans les villages, en plein milieu des troubles de l'ordre. Ils sont face aux jets de pierres et de cocktails molotov. Ce sont des gens qui font face à une réalité journalière complexe, souvent grise plutôt que toute noire ou toute blanche, qui n'est pas toujours juste ou injuste. Ils sont revenus de là-bas confus et humilient.
Maintenant ils rompent le silence.
L'hôpital ou le tribunal
"Tu arrives sur un incident de jets de pierres", raconte le sergent S. "en face de toi il y a deux cents personnes. Tu commences à recevoir des pierres. Tu entends tac, tac, tac. Tu vois des pierres, des pierres et des pierres. Tu essaies de comprendre d'où elles viennent. Tu entends les boums, tu vois les bosses sur la jeep. Les pierres te mettent en pièces. Ce n'est pas du gravier, mais de vraies pierres".
"Tu te dis, les gars, dispersez-vous, faisons quelque chose. Il y en a un qui te dit : écoute, j'ai des enfants, laisse-moi en arrière. Le deuxième me dit : moi aussi j'ai un petit enfant. Il me demande : laisse-moi dans la jeep. Alors tu dis, les gars, malgré tout, peut-être qu'on va encore avancer un peu . Et ils te disent : les pierres vont nous toucher, nous ne bougeons pas. Alors tu sors dehors, tu essaies de tirer un peu de gaz lacrymogène, si tu en as reçu l'autorisation. Tu comprends alors que cela ne sert à rien, mais tu n'as pas le choix. Tu restes là et serais tu regardent les pierres qui volent. Tu te dis, yallah, elle ne m'a pas touché, ça m'a presque touché ou ça m'a touché, c'est la loterie".
Et tu réagis .
"Tu ne peux pas réagir. Tu n'as pas d'abri, tu es sur la route. On nous a appris à être des combattants, on ne nous a pas appris à venir et faire les canards. Tu te mets derrière la jeep et tu te caches".
C.a 40 ans et il habite à Raanana. Il a fait son service militaire dans les garde-frontières pendant la première intifada. Depuis les 20 dernières années, il fait ses périodes de reserve dans une unité d'artillerie dans la région de Ramallah. C'est le soldat le plus âge de son unité. Sa dernière période de reserve remonte au mois de décembre, et l'incident dont il parle à eux à l'endroit surnomme "la colline des pneus brulés", parce que les Palestiniens font rouler depuis son sommet des pneus en feu. Cette colline se situe entre Navi Selah et Teveh Tsof.
Ils étaient 4 soldats. S., le commandant, avec deux autres soldats et le chauffeur. "Je me suis senti degrade, comme un homme impuissant qui ne peut rien faire", raconte-t-il quand il explique qu'il a dû se cacher derrière la jeep. "Cela fait 20 ans que je suis réserviste. J'en ai mangé des manifestations dans ma vie de là jusqu'au bon D Ieu, mais pendant cette dernière période de reserve, j'ai eu peur de sortir sur le terrain. Je suis reste impuissant. Ils vont me toucher . Et sinon, ne pas réagir. Peur de réagir. On te castre, on te dit : c'est interdit. Tu as peur de bouger. L'officier qui nous a donné les ordres sur le terrain nous ont dit : ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Le lendemain, il a reçu une pierre qui lui a cassé la main. L'adjoint du commandant de l'unité m'a dit : je préfère rendre visite aux soldats à l'hôpital que de le faire au tribunal".
"Le commandant se tenait à cote de nous. Les Palestiniens ont des cocktails molotov. Ils les allument. Il était à cote de deux tireurs d'élite. Tirez-leur dessus a-t-il dit la première fois, mais ils n'ont pas tiré. Tirez dessus a-t-il dit la deuxième fois, mais ils n'ont pas tiré. Ce n'est que la troisième fois qu'ils ont tire. Après, ils ont ete convoques par le commandant".
"Nous ne sommes pas venus à cette période de reserve. Nous nous sommes sauves. Tu ne peux pas travailler après. Nous sommes repartis très effrayes. Tous ceux qui étaient avec moi en sont ressortis effrayes. J'ai peur. Tu reviens à la maison en miettes. Tu as honte de mettre l'uniforme. Je suis rendu humilie. Wallah, on me jette des pierres, je suis comme une sorte de canard, avec une arme, des chargeurs, avec tout, avec des moyens pour disperser les manifestations, j'ai tout entre les mains, et j'ai honte de te dire que je ne peux par répliquer".
Les soldats en Judée-Samarie sont très bien équipes : des moyens pour disperser les manifestations qui comprennent entre autres des grenades anti-émeutes et des grenades à gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc de différentes sortes, et bien sûr la possibilité de tirer à balles réelles. Chacun de ces moyens peut entrainer des complications, et nécessite une autorisation préalable. Les grades qui donnent ces autorisations, parfois ce sont des commandants ou plus, sont différents selon les moyens utilisés, et l'utilisation du tir à balles réelles n'est autorisée qu'en cas de "danger de mort réel", notion compliquée et vague. Le jet de pierres ne sera jamais considéré comme un danger de mort.
Y., âge de 31 ans, est un réserviste qui a servi dans la région d'Hebron. Pendant son service il était parachutiste, et aujourd'hui il sert dans l'infanterie, dans une unité de blindes de l'infanterie. "Nous voyageons vers une opération, tard dans la nuit. Je vois un adolescent qui lève un rocher avec ses deux mains tellement il est lourd.
J'ai été surpris de voir qu'il peut lever un rocher aussi gros. Il se rapproche à un metre de la voiture, et le jette. Nous sommes déjà en fin d'opération quand ça se passe".
Et vos faites quoi ?
"Je ne fais rien. Ce sont mes ordres".
Et qu'est-ce que tu ressens ?
"De la frustration. Il y a d'autres choses choquantes : les cocktails molotov. Les ordres sur ce sujet ne sont pas clairs. Je suis quelqu'un qui comprend les choses, mais là je n'ai rien compris. Il nous est arrivé de repérer un homme avec un cocktail molotov allumé. Nous n'avons pas su quoi faire".
Et vous avez fait quoi .
"Rien. Quand j'ai vu un Arabe apporter une cigarette à un soldat du barrage, malgré qu'il était plus ancien que moi, je lui ai dit "rends-lui cette cigarette". D'après moi ce n'était pas moral. Mais je pense que sur ces lanceurs de pierres, je n'aurais aucun problème pour tirer. Et surement pas avec une balle en caoutchouc si c'était autorisé".
Il n'y a personne
Les témoignages sont durs. Les rumeurs passent de bouche-à-oreille, et les soldats sont contents de parler. Nous arrivons même à contacter des soldats qui sont en plein voyage à l'étranger après leur service. Pour eux aussi il est important de parler, de témoigner, de raconter. Ils font abstraction des distances et du décalage horaire, mais aussi de la gene et de la honte. Nous sommes étonnent de voir, chez tous ceux-là, combien ils sont reconnaissants. Un de ces soldats nous raconte qu'il a voulu organiser un mouvement de protestation quand il est rendu à la maison. Il a fini sa période de reserve en Judée-Samarie fin mai. Il ne veut pas protester contre les conditions de son service, il ne parle pas des pierres, juste de l'insulte.
L., il a fini son service au sein de Tsahal il y a quelques mois, un service militaire réussi dans les blindes. Il a servi à Bi l'in et Ni 'lin, à Jénine, à Hérodion et dans le sud de Gaza. "Quand tu franchis la ligne, la première chose qui arrive c'est que tu as un entretien avec le commandant. Il te donne ses consignes du jour sûr comment passer la ligne". "On te dit : la ligne doit être passée le plus calmement possible pour ne pas énerver le terrain".
"Je peux parler de moi, des situations ou j'ai été le plus humilie", raconte-t-il. "On te jette dessus des pierres, et nous on reste là et on regarde, et ils savent que l'on ne fera rien. Et alors il y en a un qui baisse son pantalon et commence à jouer avec son sexe en face de moi. Face à nous. Là, tu comprends qu'il te pisse dessus. Tu n'es rien pour lui. Mon honneur importe peu, mais pas l'honneur de Tsahal, ce qui ne veut rien dire pour eux. Ceux qui sont censes être entre l'ennemi et les Israéliens, ce sont les soldats. quand les soldats ne servent à rien alors il n'y a personne".
"Il a le sexe a l'air et m'insulte. J'étais en poste, et mon rôle était de calmer la situation. Quand quelqu'un fait ça en face de toi, la réponse devrait être agressive. Mais tu es un soldat, tu ne peux pas faire ça. Dans le fond, il n'a rien fait, il ne t'a pas blessé. Il a quand même jeté des pierres par la même occasion, mais elles sont tombées devant nous, sans nous toucher. Alors tu es là et tu regardes, et tu te dis "Bekhiat rab'bak', qu'est-ce que je fais ici dans cette situation surréaliste. Tu es soldat, tu as une arme, tu es protege. Il est cense avoir peur de toi, mais il te montre exactement ce qu'il pense de toi. Je te le dis : il baisse son pantalon, tient son sexe dans sa main, et comme ça, il le bouge en face de toi".
Et qu'est-ce que disent tes soldats au même moment ?
"Ils me disent : laisse-moi lui tirer dessus, laisse-moi juste lui tirer dessus. Pas avec des balles réelles, avec des balles en caoutchouc, avec du gaz, avec quelque chose quoi !"
Et qu'est-ce que tu réponds?
"Non, calmez-vous. Et pourquoi je ne tire pas ? Parce que si on me demande après pourquoi j'ai tiré, et que je dis que je me suis senti humilie, ce n'est pas une réponse qui sera acceptee".
L. continue : "les Arabes ont ce qui s'appelle "la fronde de David'". Une pierre a de la force, mais quand elle est lancée avec une fronde - ils la font tourner avec un tissu - le poids de cette pierre et encore plus fort. Un de mes soldats à reçu comme ça une pierre de la taille d'un poing, en plein visage. Ça a été très impressionnant. Il a perdu le contrôle, il a crié "assez, j'en ai marre, je mets un chargeur et je leur tire dessus, Halas. D'un côté on te jette des pierres, tu as un soldat blessé, mais tu dois t'occuper de lui dire de retirer son chargeur et de lui expliquer que nous ne sommes pas censes leur tirer dessus".
"Si tu peux entrer dans une banque, il n'y a ni policiers, ni gardiens, combien de chances y a-t-il que tu ne prennes pas d'argent ? C'est comme ça que les Arabes de Judee-Samarie se sentent aujourd'hui".
Interdit, impossible
"A., âge de 34 ans, il est sergent-major réserviste dans les blindes. Fin avril, il a terminé une période de reserve à cote d'Hebron. "Tous les soirs, il y a un briefing qui rappelle les conditions d'ouverture du feu. On nous dit : pour des pierres, il n'y a aucune raison d'ouvrir le feu. On a demandé ce qu'il faut faire si quelqu'un vient et nous jette un rocher, a quel moment on peut tirer. On nous a répondu : c'est interdit. On a dit : on le voit avec un rocher dans les mains, il ne l'a pas encore jeté. On nous a répondu : dans tous les cas il est interdit de tirer".
"On a demandé quand est-il possible de tirer ? On nous a répondu : "c'est impossible". On a dit qu'il jette maintenant le rocher sur la route où des voitures passent, on ne peut pas l'arrêter comme ça, on ne peut rien faire. On nous a répondu : si vous le voyez vraiment tenir ce rocher vous vous en tenez aux consignes sur l'arrestation d'un suspect, et alors vous pouvez lui tirer dans les jambes. Mais s'il est à plus de cent mètres de vous, alors c'est interdit. Cela veut dire que dans 99,9% des cas, c'est interdit. Cela veut dire que le mec arrive avec un rocher, il le jette, le rocher vole et alors tu dois le poursuivre à pied. Les premiers jours je protestais. Après j'ai compris que c'était comme parler avec un mur".
N'est sergent, il a 29 ans, il a servi pendant son service au sein de l'unité Nahshon, du régiment Kfir. Aujourd'hui, il est réserviste dans l'infanterie et est base dans la région de Gush-Etsion : "a chaque sortie pour une opération et même pendant, on t'explique de ne pas faire ceci et cela. Tout ce que tu fais doit être soumis à autorisation. Si tu fais quelque chose sans autorisation, tu reçois des cris. Une fois, j'ai tiré du gaz lacrymogène par erreur, sans autorisation, alors qu'on nous lançait des pierres et des billes. Il faut comprendre que ce genre de billes a détruit l'oeil d'un de mes amis.
On nous a dit "attendez un peu avant de tirer", et j'ai tiré tout de suite. J'ai ete convoque et on m'a engueulé".
N'a pas récemment fini sa période de reserve dans la région de Gush-Etsion. Il décrit ce qui se passe à cote du Yishouv Efrat, un endroit qualifié de chaud par les soldats : "on était en poste là-bas toute la journée. En face de nous, il y avait des dizaines d'adolescents, entre 10 et 20 ans. C'est leur activité peri-scolaire. Ils te jettent des pierres et t'insultent, en Hébreu et en arabe. Ils sont à deux cents mètres de toi, et te font des gestes obscènes".
Et tu fais quoi .
"Je ne peux rien faire. Il y a un mec, à 20 mètres de moi, il me jette des pierres. La seule autorisation que j'ai, c'est de lui jeter des gaz lacrymogènes, ce qui le deranissait à peine. Ils attrapent les grenades de gaz et nous les renvoient. Ils viennent avec des masques à gaz, des casques, mettent des tee-shirts mouilles sur leurs visages. Les gaz ne les dérangent pas, nous en souffrons plus qu'eux, nous avons du mal à respirer. Ils n'ont pas peur, ils savent que l'on ne peut rien faire. Ils s'approchent, nous lancent des grenades lacrymogènes dans les jeeps et se marrent, "c'st un grand exploit". Les habitants du village les guident, et quand ils atteignent leurs buts, ils les applaudissent".
"Une fois, j'ai attrapé des pierres, des petites, et j'ai commencé a leur lancer en retour. Un soldat m'a dit : "laisse les tranquilles, laisse-nous rentrer à la maison".
Et les cocktails molotov ?
"Une fois, on nous a lancé un cocktail molotov avec une fronde, à 80 mètres de nous. Il y avait vraiment danger de mort. Le commandant d'unité à tir à balles réelles sur le lanceur, sans le toucher, il a appliqué les consignes d'arrestation d'un suspect. Il a tout respecté, tout. Après il a ete convoque pour interrogatoire et on lui a dit : que cela ne se reproduise pas".
"Le vent a tourné", raconte N. "pendant les cours sur les troubles de l'ordre, par exemple, on nous dit-il n'est pas nécessaire de disperser les troubles de l'ordre, il faut juste les contrôler". J'ai ete surpris, cela ne semble pas normal. L'idée est de prendre des coups, de contrôler l'incident, "cela s'arrêtera, quand arrivera l'obscurité ils rentreront chez eux et on continuera"".
Et il est impossible de réagir .
"Non. J'ai beaucoup filment ces événements, et on voit bien que nous sommes sur la défensive".
La queue entre les jambes
L'arrivée sur les lignes avancées. Les soldats passent une série d'incidents et réponses", des simulations. Apparemment Tsahal n'economise pas les moyens, et malgré tout, d'après les résultats, il manque quelque chose. Même après cette formation, les soldats et leurs officiers sont envoyés sur le terrain et sont confus, perdus et impuissants.
M.est sergent, il est âge de 28 ans et est originaire de Rehovot, il est réserviste dans une unité d'infanterie. "Trois fois de suite, on nous a présenté les consignes d'ouverture du feu. Cela a ete fait deux jours avant d'être envoyés au front. Ils ont réuni tout le monde. Au début, ils nous ont présenté toutes sortes de cas, puis un officier et arrivent et ont présente une situation : "arrivent un type avec un cocktail molotov et il le lance, tu tires ou non .". Chacun a répondu quelque chose de différent, il nous a complètement embrouillés".
"Nous avons répondu pour la plupart, "dis-nous-toi ce que tu fais dans ce genre de situation, nous voulons savoir le fond de l'histoire". Et il a répondu : ah, ça je vous le dirai la prochaine fois. Alors est arrive le commandant, il nous a montré des films. Tout est bien, mais nous voulons connaitre les consignes d'ouverture du feu. Je n'ai rien compris, et je ne suis pas le seul".
"À la sortie nous sommes allés le voir, je lui ai dit : que fait-on si par exemple, on nous jette une pierre sur le véhicule . Il nous a répondu que ce n'était pas un cas de vie ou de mort et que donc on ne tirait pas. Je lui ai dit : et dans le cas où la pierre nous a déjà atteints ? Le commandant a répondu : non, sauf si le véhicule roule vers un autre véhicule, et que de ce même véhicule, on jette une pierre, et qu'elle arrive dans un angle particulier du véhicule, alors dans ce cas seulement, il y a danger de mort".
"Nous avons fait venir deux acteurs qui travaillent avec l'armée pour faire des simulations. Supposons un cas de jet de cocktail molotov. Un homme se rapproche, 300 mètres, 150 mètres, jusqu'à ce qu'il finisse par arriver. Un Palestinien et un soldat. Nous avons pris un grade parmi ceux qui nous ont présenté les simulations pour voir quels seraient ses ordres. Il n'a donné l'ordre de tirer pour tuer que lorsque le Palestinien est arrivé à 25 mètres du soldat, et après a commencé la discussion - pas les explications - sur tout ce qu'il devait faire à chaque instant, et est-ce que c'était juste. Chacun de nous a spéculé, personne n'a expliqué le fond des choses. Nous sommes sortis de du complètement confus".
"On te dit, s'il a moins de 13 ans, on fait comme ça, et s'il a plus de 14 ans, on fait comme ça. Moi je n'arrive pas à evaluer l'âge d'un type, bien sur que non à de telles distances, et surtout je dois decider rapidement si je tire ou non. Quand j'étais soldat, les consignes d'ouverture du feu tenaient sur une page, écrite sur deux faces. Cette feuille était plastiquée et rentraite dans la poche de chaque soldat. Aujourd'hui, c'est une brochure qu'il faut sortir en plein affrontement et commencer à la lire".
M. continue, sa voix est rauque. "Après nous sommes montes au front", raconte-t-il. "Je n'ai pas eu honte, j'ai dit a mes soldats et à mes officiers : écoutez, je n'ai pas compris les consignes d'ouverture du feu. J'ai pris la responsabilité sur moi, en tant que commandant, de ne pas entrainer mes soldats dans des situations où ils devraient ouvrir le feu".
Si on s'approche de toi et de ta jeep tu ne tires pas . Si on te jette un cocktail molotov tu ne tires pas .
"Je peux dire aujourd'hui que je ne sais pas quand il faut tirer. Les Palestiniens se sont approches d'une de nos jeeps. Ils ont jette une grosse pierre sur la tete d'un garde-frontière qui était assis dans un véhicule équipé d'un canon à eau. C'était en pleine manifestation. Alors tu reçois un ordre par la radio : faites attention à ne pas tirer, restez dans la retenue. En gros, ne perdez pas votre sang-froid à cause de ça".
"Après il a été fait un bilan de l'incident. Ils ont dit au chauffeur qu'il était responsable car il n'avait pas fermé la porte. Personne n'a demandé comment il se fait que les Palestiniens se soient approchés si près du véhicule, ouvert la porte et blessé un soldat".
"Chez nous, un soldat a été blessé et est tombé. Il était, bien sur, avec d'autres soldats. Ils ont jeté des pierres sur eux, ainsi que des bâtons et des clous. J'étais à 50 ou 100 mètres de là, avec mes soldats. Nous n'avions aucun moyen de les protéger, d'empêcher cela. J'ai demandé l'autorisation de tirer à balles réelles, à partir des genoux et en dessous. On ne nous a pas donné l'autorisation, nous avons attendu, j'ai précisé qu'il s'agissait de provocateurs. Il n'a été pris aucune décision. Après, nous avons décidé de faire battre en retraite nos forces. Nous Etions comme des canards sur le terrain, avec un brancard et pratiquement rien d'autre. Et nous sommes partis, je te le dis sérieusement, avec la queue entre les jambes, recevant des pierres et se taisant, parce qu'on ne pouvait rien faire, jusqu'à ce que nous nous soyons enfuis de là-bas".
"Je suis allé voir le commandant du bataillon. Je lui ai demandé pourquoi nous n'avions pas reçu les consignes sur le terrain, pourquoi nous ne savions pas quoi faire, et où étaient les ordres - même là-bas nous avons reçu des ordres ambigus - et où en était la détérioration sur le terrain".
Qu'est-ce qu'il a répondu ?
"Il m'a dit : "ce n'est pas le Liban ici, d'accord . Et même du Liban, on est repartis avec des blessés'. Comme si "ce n'est pas si grave'".
Ils cherchent tout le temps des solutions. De donner des réponses à ce qui se passe sur le terrain. "Nous devions veiller à garder la voie libre, c'était ça notre mission", raconte M. "Nous avons commencé à appliquer les règles de bon voisinage, dans une version un peu différente", pour mémoire, cela a ete interdit par la cour suprême. "Nous avons arrêté des véhicules, que des véhicules de Palestiniens en circulation sur cette voie. Il y aussi des véhicules de Juifs qui circulent sur cette route. Chaque fois qu'l y avait des jets de pierres sur la route, nous faisions des files de voitures palestiniennes, et alors si les pierres arrivaient sur la route, elles touchaient aussi leurs voitures. On arrivait à des situations où les conducteurs palestiniens montaient sur les collines et engueulaient les jeteurs de pierres. Nous devions choisir quelles voitures arrêter ou non. Ce n'était pas agréable. Les voitures avec des enfants, on les laissait passer, nous ne voulions pas que des enfants soient blessés, pas plus que d'autres personnes bien sûr".
"Je pense qu'il a eu honte"
A. est premier sergent, originaire de la région de Hatsor hagalilit, il a fini son service il y a un an et demi au sein du Nahal. "Je me souviens qu'après toutes les manifestations, je repartais frustré, humilié. Les Arabes venaient, ils nous humiliaient, nous jetaient des pierres, se moquaient de nous, nous crachaient dessus, et on n'avait même pas le droit de leur répondre".
"On te dit "soldat fils de pute', des choses comme ça. Tu n'as pas le droit de répondre, mais intérieurement, tu bous. Je me souviens d'un soldat éthiopien, un ole Hadash. Ils l'appelaient koush (négros). Il s'est énervé, il a presque pris son arme pour tirer. Le commandant l arrête au dernier moment".
A. à été pour son dernier poste base dans la région de Halamish. Il prend une situation à nous donner en exemple : "plusieurs Arabes nous jetaient des pierres avec des frondes et des lance-pierres. Petit à petit, ils se rapprochaient de la route. Nous avons essayé de les arrêter. Les Arabes savent que l'on n'a pas le droit de tirer, alors ils ont continue de jeter des pierres. Comprends bien, il s'agissait de quelques dizaines de mecs, des fois ils sont plus d'une centaine à nous lancer des pierres. Je me souviens d'un commandant de brigade de chez nous, quand il a vu qu'il n'y avait rien à faire, il a decié de se replier. Au commandement, ils ont carrément dit qu'il s'était enfui. Le commandant a decié de l'évincer. Et c'est tout. Nous avons été très en colère, ça a été frustrant. Qu'est-ce qu'ils attendaient de lui ? Il y a 100 Arabes qui arrivent, qui nous jettent des pierres, on n'a pas le droit de tirer, de répondre, on ne peut rien faire. Alors qu'est-ce qu'ils attendaient de lui, qu'il reste juste comme ça ? Comment peut-il être possible de l'accuser d'avoir fui ?".
Après, les soldats ont eu un entretien avec le commandant d'unité, raconte A. "Il nous a dit que le commandant de brigade avait termine son service dans l'unité, et qu'il avait été decide de l'évincer. On nous a dit ce qu'on attendait de lui . Ce qu'il aurait dû faire . Il était là-bas, sans autorisation d'ouvrir le feu, sans autorisation de quoi que ce soit. Il devait rester là-bas et prendre des pierres sur la tete jusqu'à la mort . Ça nous a fait mal. Le commandant de brigade qui avait amené ses soldats au combat était evincé comme ça, parce qu'il aurait fui ?
Il ne nous a même pas dit au revoir, il est tout simplement parti. Je pense qu'il a eu honte".
D. habite Jérusalem et est âge de 23 ans, il est premier sergent. Il n'a commencé son service plus tard que la normale et a fini il y a peu. Il servait dans une unité Kfir. "Les grenades anti-émeutes et les grenades à gaz ne servent plus à rien sur les émeutiers. Ça ne les derange pas. Ils connaissent les consignes d'ouverture du feu mieux que nous. Ils nous disent "ça vous n'avez pas le droit", et "ça non plus'".
"Nous Etions dans une émeute qui était en cours dans un village de la région d'Hebron. Nous avons dû fuir vers la route, on ne pouvait rien faire. Est arrive un groupe de 20 à 30 Arabes. Ils nous ont jeté des pierres, nous avons eu l'autorisation de jeter du gaz. Après, nous avons eu l'autorisation d'utiliser les grenades anti-émeutes. Cela ne les a pas empêché de continuer. Nous avons fini par reculer, par se rapprocher de la route, et ils nous suivaient en réduisant l'écart entre eux et nous. Ils n'ont pas peur. C'est comme de jouer à chat, pour eux c'est un jeu. Pour nous, c'est une humiliation. Nous ne pouvons rien faire, juste la possibilité de fuir. Si tu ne veux pas dire que tu fuis alors tu dis que tu te "replies".
"C'est different en fonction des endroits. En général, ils jettent de grosses pierres. Si tu passes en véhicule pour faire des patrouilles dans les villages, cela peut-être des parpaings, des carcasses d'animaux, des réfrigérateurs. Même dans ces cas-là, il vaut mieux tracer la route. Tu préfères ne rien faire, si tu t'arrêtes, c'est encore plus dangereux".
"Dans tous les cas, chez nous, au sein de l'unité, les gens préféraient ne rien faire pour ne pas se retrouver avec des procédures disciplinaires et judiciaires. Les soldats savent que dès que l'on se sert de nos moyens de dispersion, après c'est le bordel, les interrogatoires et ce genre de choses, et ils ont peur de ça. Si tu es dehors et qu'on te jette des pierres, la consigne c'est de rester sur place et c'est tout. On ne fait rien. Une fois toutes les unes a deux semaines, tu entends qu'un tel a été blessé, ou qu'un autre a reçu des coups. Une fois c'est l'oeil, une fois c'est la jambe. À chaque fois c'est quelqu'un d'autre".
"L'année dernière, pendant le jour de du nabka, on nous a annoncés que les consignes d'ouverture du feu étaient encore plus strictes. En jour normal, tu peux tirer sur quelqu'un qui te met en danger de mort, et tu peux tirer pour tuer, mais pour cette journée, ils nous ont dit : vous ne pouvez tirer que si vous voyez les genoux de celui qui vous menace, alors seulement vous pouvez lui tirer dessus. Si vous ne voyez pas ses genoux, alors vous ne pouvez pas lui tirer dessus. Afin de chauffer encore plus les esprits, l'absurdité a voulu que nous sortions sur le terrain en état d'alerte "niveau guerre", avec une mitrailleuse dans le dos, des munitions, des grenades. Tu ressors de ces histoires complètement déboussolé".
"La regle du jeu"
Nous essayons de comprendre les consignes d'ouverture de feu. Nous demandons à tous ceux avec qui nous discutons de nous expliquer une situation assez simple, ce qu'il doit faire dans un cas précis. Les réponses sont complexes comme la réalité. Les officiers nous promettent de vérifier et de nous répondre, de chercher les formulaires qui contiennent les consignes, de chercher, de prendre conseil, d'essayer de parler".
L'un d'eux m'écrit ceci : "je n'ai rien d'écrit là-dessus. En gros, en cas de danger de mort lie a un lanceur de cocktail molotov : tirer pour tuer. Dans les cas qui ne sont pas des dangers de mort : tirer dans les jambes et en dessous, et dans tous les cas après que le lanceur ait lancé son cocktail molotov.
Et de nouveau cette notion de danger de mort porte à réflexion.
B., âge de 36 ans, il a servi dans une unité d'élite. Aujourd'hui, il fait des périodes de reserve dans l'infanterie en Judee-Samarie. Lors de sa dernière convocation, il était à Hebron, c'était pendant l'opération "Hamoud Anane". B. habite à Samarie.
Il surnomme les consignes d'ouverture du feu "la regle du jeu", une longue série de "si" et "alors" et une multitude de possibilités et de notions différentes. "Je me suis retrouvé à Hebron dans une situation ou un lanceur de cocktail molotov à touche une soldate des garde-frontières. Il l'a touchée à la jambe et a continue son chemin. Je n'ai rien fait. À une époque, un lanceur de cocktail molotov était considéré comme un danger de mort réel. Nous avons passé un cap particulier dans l'humanité et la pureté des armes".
Qu'est-ce que tu ressens quand tu ne répliques pas ?.
"De la cruauté. C'est toujours un "examen du résultat final". Si la soldate avait ete brulee, j'aurais passé le reste de ma vie avec un sentiment de culpabilité. J'ai vu le Palestinien jeter son cocktail molotov, mais je ne pouvais pas tirer parce que je ne voyais que la partie supérieure de son corps, et lui tirer dessus, c'était le condamner à une morte certaine, et c'était contraire aux ordres. Tu es tout le temps entre la décoration et la dégradation. Si je l'avais vu en entier, bien sur que je lui aurais tiré dessus, dans les jambes. Mais si on ne voit que la partie supérieure, alors tu sais qu'il va mourir et c'est interdit".
"Après, la soldate des garde-frontières est venue me voir et m'a demandé : "tu as vu ?" je lui ai répondu :'écoute, c'est un problème, et je n'ai pas de réponse". Elle ne m'a pas demandé "pourquoi tu n'as pas tiré ?" elle m'a juste dit "qu'est-ce que ça fait peur, c'est grave"".
"J'en suis ressorti avec un sentiment mitigé. D'un côté, tu n'as pas envie de tuer un enfant de 12 ans. C'est quelque chose que je ne veux pas faire. J'ai un enfant de 12 ans. D'un autre côté, qu'est-ce qu'il se serait passé si elle avait ete touchee ?".
Plusieurs soldats ont raconté qu'avant de partir en reserve, ils regardent des films sur Youtube, des films qui montrent des activistes de gauche, et parfois des Palestiniens. L'idée est de mémoriser des cas et des réponses données par ceux qui y ont ete confrontes. Comment ne pas y penser, disent-ils, c'est un sujet constant sur le terrain. Et surtout, que va en penser le reste du monde. "Tu es filmé en permanence, on te met la caméra dans la figure pour vérifier que tu ne perdes pas le contrôle", me raconte un des soldats. "On se moque de toi, on te cherche,'on va voir si tu es un homme', "qu'st-ce que tu racontes à tes enfants avant qu'ils aillent se coucher?'. Voilà le genre de réflexions qui viennent de la part des Palestiniens, mais aussi de la part des extrémistes de gauche qui sont sur le terrain".
"Pourquoi ils ne nous filmeraient pas, ils se marrent, on passe pour les méchants? Ou on passe pour des voyous parce qu'on n'a pas respecte les consignes d'ouverture du feu, ou pour des faibles".
H. est âge de 37 ans. Il est réserviste dans l'infanterie. Il y a quatre mois, il a fini une période de reserve. "Les ordres du commandement sont "je ne veux pas que vous sortiez de là avec des photos". On est arrivé sur le terrain après qu'ait ete publiee la photo de la petite fille qui a craché sur l'officier. Cet officier n'a pas répliqée. On nous a dit que le commandant à declare : "Vous voyez . C'est une bonne photo, l'officier s'est retenu".
"Quelqu'un a dit qu'il fallait tirer sur cette petite fille . N'importe quoi ! Il était interdit de faire quoi que ce soit à cette petite fille, elle a l'âge de ma fille, Oi vavoi. Mais de la à dire que c'est une bonne image . Presenter cela comme une réussite de la retenue ? La réussite, c'est de ne pas arriver à ce genre de situation. Comment peut-on en arriver à une situation ou une petite fille crache sur un soldat ? L'honneur national est une notion qui ne se remet même pas en question".
H. raconte un incident qui lui est arrivé dans le village de Silwad, a cote de Ramallah : "Nous sommes entre à l'intérieur à bord de deux belles jeeps, le premier jour de ma période de reserve. On a entendu des sifflets, et alors ça a commencé. Tu passes, et tu reçois une quantité impressionnante de pierres. D'un coup, on nous a jetté un frigidaire du deuxième étage d'une maison. Le pare-brise a explosé, on ne voyait plus rien. On est rendu dans un mur, et alors on a reçu une pluie de pierres. La jeep de derrière nous a guidé. On a traversé le village à 20 km/h. On tirait en l'air mais ça ne les arrête pas. Ils n'font pas du tout peur".
"À cause de ça, lors de ma dernière période de reserve, j'ai decié, pour la première fois, de ne pas sortir du tout sur le terrain, de rester en salle d'opération".
Des soldats de carton
Nous recevons des témoignages de soldats blessés par des pierres. Arcade Sourcilliere ouverte, nez casse, jambe, main, plein de blessures que personne ne compte. Une pierre dans la figure, une autre, puis une autre. Un des soldats me raconte avoir lui-même appelé le service d'information d'une radio pour dire qu'il était blessé. "Comment se fait-il que personne n'en parle ?", demande-t-il.
Y. est sergent. Il a ete blesse par des jets de pierres à Bnei Selah, pendant cet hiver. Habitant de Jérusalem, âge de 33 ans, il est arrivé seul de France à l'âge de 16 ans, et il s'est porte volontaire dans Tsahal. Il est réserviste dans une unité d'infanterie. "J'étais allonge, et au-dessus de moi, on jetait des pierres. Pas de pierres de la taille d'une balle de tennis : des parpaings, des morceaux de béton, du carrelage, des objets de vingt kilos. Et personne ne réagissait. Mes amis me disaient : "nous demandons une autorisation". Alors j'ai attendu, puis rien".
Qu'est-ce que tu as ressenti ?
"Comme un objet à descendre, une figurine en carton. La même chose. En fait, on te dit tout le temps que s'il y a un danger de mort évident et immédiat, alors tu peux tirer. Et d'un coup ça devient un jeu de mots. Ce n'est pas une armée, c'est de la philosophie".
I. est aussi sergent. Il a 28 ans et habite Haïfa. Il est aussi réserviste dans une unité d'infanterie. Il a fini sa période de réserviste il y a moins d'un mois. Il était à Gush Etsion. Il a reçu une grenade anti-émeute.
"Il y a un poste à cote d'Efrat, ou chaque jour, ils jettent des pierres, à des heures fixes, de midi jusqu'au coucher du soleil. Les Arabes bloquent la route avec des rochers, nous devons descendre de la jeep, pour dégager les rochers, et alors ils nous jettent des pierres. Alors on monte vers le village, et pendant des heures, on reste là-bas. Ils nous jettent des pierres, de la taille de deux balles de tennis, avec des lance-pierres".
"Ce qu'il s'est passé, c'est qu'un jour, au début de ma période de reserve, ils étaient entre 30 et 50 et nous seulement 3 (il y avait encore 7 autres soldats en renfort, mais disperse ailleurs). À un certain moment, ils se sont approches à 30 mètres de nous, ce qui est très près, et ils continuaient de nous jeter des pierres. Nous avons demandé par radio l'autorisation de répliquer. Pas d'autorisation. Ils se sont approches encore plus. Nous avons demandé de nouveau l'autorisation, rien. Alors d'un coup, j'ai vu quelque chose lance dans ma direction, et ça ressemblait à une pierre. Je n'ai pas vraiment compris ce que c'était, mais c'est tombe à un centimetre de moi. D'un coup il y a eu une forte explosion, au début j'ai cru que c'était une vraie grenade. On s'est tous jetés à terre. J'étais sous le choc. Après quelques secondes on a compris qu'il n'y avait rien de grave, que c'était qu'une grenade anti-émeute. Une grenade de Tsahal. Nous avons pris contact par radio et on nous a de nouveau refusé l'autorisation de répliquer. Rien. Incroyable. Cette grenade aurait pu être une vraie grenade, et alors nous Etions morts tous les trois. Et toujours pas d'autorisation".
Qu'est-ce que tu as pensé ?
"Impuissant. J'ai eu l'impression d'être un jouet, une cible sur lequel les Arabes pouvaient jeter des pierres. L'expression qui revient tout le temps ici c'est "endigué". Cette expression n'existait pas quand j'ai fait mon service".
"Quand nous sommes retournes le soir à la base, j'ai crié sur le commandant d'unité. Je lui ai dit "ce n'est pas normal, je ne veux pas retourner là-bas comme ça, je mets ma vie en danger pour rien. On n'a aucune autorisation pour rien". Le lendemain, ils ont alleé les consignes, ils nous ont autorisé à tirer des grenades à gaz lacrymogène. On est arrivé à être dans une situation où trois soldats, en six heures, tiraient 200 grenades. C'est quelque chose d'incroyable, une somme d'argent importante gaspillée chaque jour. Une fortune. Et ce ne sont que trois soldats parmi cent autres. Et ça ne pas derange les Arabes".
Tous les incidents n'arrivent pas jusqu'aux medias. Il y a des barrages techniques, mais le barrage de la honte bloque tout le monde. Et pourtant, les soldats et les officiers de terrain parlent ouvertement. Ils en ont marre, disent-ils, d'être de la chair à Canon pour la politique d'endiguement. Le prix physique, on est prêts à le supporter, mais cette politique a aussi un prix mental. Ils veulent les honneurs, l'honneur de Tsahal et l'honneur du pays. Encore et encore, ils ont decié que la politique serait de poster des gardes de ce genre, sur les collines, face à des dizaines de manifestants, et que nous prenions des pierres sans fin et des humiliations".
Les officiers supérieurs reconnaissent que la situation est complexe, et ces histoires sont vues complètement différemment par eux. Comme, par exemple, tous les incidents qui se sont déroulé pendant l'opération "Hamoud Anane". Les soldats réservistes de l'unité ont été mobilises en recevant le "tsav 8'", afin de servir dans la région d'Hebron. Les Palestiniens se sont approches de du tour de garde (amdate pillbox), et on commence à l'escalader, nous raconte un des soldats de l'unité. Les soldats n'ont rien fait, mais ils ont demandé des renforts qui sont arrivé et ont regle l'incident en quelques minutes. "Nous devions faire ce qui est appelé dans le nouveau language,'endiguer l'incident'", raconte un soldat. "Et cela malgré que les Arabes avaient déjà pris d'assaut le tour de garde".
Un des officiers supérieurs de terrain est d'accord pour dire que le travail des soldats est problématique, mais par contre, il prétend que le problème n'est pas chronique, et qu'il ne vient pas des consignes d'ouverture du feu. "Les soldats étaient dans la tour, et les civils manifestaient. Ils sont venus et ont touché à la tour, et les soldats n'ont pas répondu comme leur permettaient les consignes d'ouverture du feu. La leçon de tout cela est que, pour les soldats, ces consignes n'étaient pas claires. Pour chaque soldat dans un tour de garde où en poste a un endroit fixe et permanent, des lignes à ne pas dépasser sont fixées, et le soldat sait que personne n'a le droit de les passer. Chaque ligne franchie par un intrus amène une action différente. Ces lignes sont clairement expliquées aux soldats dans les tours. Même si elles ont ete expliquees, concrètement elles n'ont pas été comprises. C'est un fait".
"Dans chaque tour de garde il y a du matériel pour disperser les manifestations. Ils étaient censes commencer à agir, à disperser cette manifestation, et cela n'a pas été fait. Je ne les accuse pas. Ils sont arrivé avec un "tsav 8'", et non pas eu le temps de se préparer. Ils ont rendu compte par radio, les garde-frontières et d'autres renforts sont arrivé, et en une seconde et demi tout est rendu dans l'ordre. Ça s'est terminé avec des caméras cassées, et de nombreuses autres choses, ce qui prouve une atteinte à notre souveraineté. Dans les faits, ces soldats ont continue de servir pendant encore trente jours de reserve et un cas de ce genre ne s'est pas renouvelé".
La semaine dernière E. a fini sa période de reserve. Il a 29 ans, et est premier sergent. Il a fini une activité opérationnelle dans la région de Macabim (Bil.). Il est soldat dans une unité d'artillerie et habite à Tel Aviv.
Son témoignage nous est arrive peu de temps après qu'il soit rendu chez lui, furieux, blesse et frustre. Lors d'un repas de shabbat, il a raconté à des amis ce qu'il a vécu. "Rien ne te prépare à ça. À l'impuissance, au sentiment que tu ne peux rien faire. Tu ne fais qu'être là-bas et te protéger. Tu n'as rien d'autre a faire que ça. Ils te traitent de "criminel", de "nazi", en Hébreu. Tu te demandes : qu'est-ce que je fais là ? En fait, même comme ça, on ne te donne rien à faire".
"La première chose que tu fais quand tu entres sur le secteur, c'est de te remettre dans le bain avec ta précédente unité. Les premières consignes que l'on te donne concernent les conditions d'ouverture du feu. Il y a là-bas, ce qu'il s'appelle "on The Record" et "off The Record". c'est-à-dire, ce que l'on te dit qu'il se passe et ce qui se passe en réalité. "Off The Record", on t'explique tout simplement combien tu es limite".
"On a des moyens pour disperser les émeutes. Il y a aussi le tir à la balle caoutchouc, ou à balles réelles. Interdit, interdit, interdit. Le caoutchouc, ce n'est qu'avec l'autorisation d'une haute autorité. Même quand tu tires au caoutchouc, ce n'est que dans les jambes. Les moyens de dispersions se résument en trois choses : grenades anti-émeutes, fumée et gaz. Le problème, c'est que les mecs là-bas ne sont pas des pigeons, ils viennent proteges. Ils se mettant en face de toi et te rient à la figure. Tu es à petite distance d'eux, 15 mètres environ, et tu les entends t'encourager :'Yallah, yallah, jette, on te le renverra, yallah'".
"Pour eux c'est un jeu. C'est leur activite sportive. Comme nous, on va jouer au basket le vendredi, eux ils viennent jeter des pierres sur les soldats. J'en ai recu des dizaines, peut-être même des centaines pendant ces deux semaines. Les pierres lancées sur toi avec des lance-pierres, si elles te touchent de la distance ou ils les tirent, tu n'as aucune chance de survivre.
Ils visent pour toucher, ils ne tirent pas dans le vide. J'en ai repéré un comme ça avec une fronde. Les pierres qu'il jetait... D.Ieu ça fait peur. Nous avons demande l'autorisation de lui tirer dessus à la balle au caoutchouc, bien sur dans les jambes, conformément aux consignes de tir. Ça prend plusieurs minutes ce genre de truc".
"Des fois quand ils voient que tu vas tirer au caoutchouc, alors ils se baissent. S'ils sont baissés tu n'as pas le droit de tirer. Finalement nous avons reçu l'autorisation. Je cherche le mec, et je ne le trouve pas. Je monte face à l'observatrice et elle me dit qu'il est juste en dessous de moi. En angle mort. Je ne peux pas le voir, ni lui tirer dessus. Soudain je vois un parpaing voler vers moi - pas une pierre, un parpaing. L'observatrice m'a raconté après, qu'il l'a lancé "comme une grande mere" tellement il était lourd. Par chance le parpaing à touche ma protection".
"Nous sommes rentré avec trois blesses : un à la poitrine, et deux aux jambes. Ils étaient blessés légèrement, mais ce n'est qu'une question de temps jusqu'à ce qui se passe une catastrophe. Tu vois tes amis blessent et tu as envie de les trouer, ces Palestiniens. Tu ne le fais pas parce que tu as peur pour toi, par parce que tu penses à eux. Il est clair qu'ils feraient de toi un bouc émissaire. Ils ne les protègent pas moins qu'ils nous protègent".
C'est qui eux ?
"Le chef de brigade et celui qui écrit les consignes de tir. Tu fais ta période de reserve en tant que clown pour les Palestiniens. C'est humiliant. Tu as le sentiment de servir de décor. Tu leur donnes le moyen de se défouler, et quand ils en ont marre ou qu'ils ont trop chaud, ils rentrent tout simplement chez eux".
Et toi ?
"Moi je me sens castré".
Il n'y a pas de dissuasion
Nous décidons de finir avec ce que nous raconte B., il a 37 ans et il est avocat à Tel Aviv. Il y a quatre mois, il a fini sa période de reserve dans la région de Ramallah. Premier sergent, il est commandant de force. B. est cynique, humilie et en colère.
"L'armée nous donne le sentiment d'être insultes", témoigne-t-il. "J'arrivais à Bnei Selah à six heures trente du matin, tous les vendredis. Je voyais notre niveau de preparation, les jeeps, les soldats, les garde-frontières, chacun arrivait comme s'il était une sorte de Rambo et quart, commando par-ci ou commando par là. Nous sortions sur le terrain de combat, et nous n'allions nous battre contre personne. Après quatre heures sur le terrain, nous repartions avec la queue entre les jambes, nous rentrions honteux à la maison et comptions nos blesses. Un soldat a pris une pierre en plein visage. Un autre soldat a essayé de tirer une grenade et elle lui a explosé entre les mains. Un autre a essayé de descendre de la montagne et s'est casse le pied pendant sa descente. Un soldat a eu le nez casse par une pierre. Et nous sommes tellement contents d'avoir tiré une grenade à gaz entre deux Palestiniens, ou parfois, incroyable, on a même réussi à arrêter l'un d'entre eux, ce qui donne une satisfaction suprême".
"Nous vivons au "là le land". Nous n'avons aucun effet de dissuasion. Nous allons sur le terrain avec un kit d'idees de moyens : des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène - et même là, il y a différentes sortes : 60 ou 50 mètres - des grenades anti-émeutes. Les Palestiniens connaissent tous ces moyens de dispersion. Quand ils voient un soldat prendre quelque chose de sa panoplie, ils savent à quelle distance se tenir afin que ce moyen de dispersion ne soit pas effectif. Je me tenais là-bas et je regardais en attendant que quelqu'un de nous perde patience. Et je sais que c'est toujours nous qui la perdons les premiers".
"Il y a des limites très importantes à notre capacité de dissuasion. Un Palestinien peut arriver au contact d'un soldat, et nous ne répliquons pas toujours. Lors de ma dernière période de reserve, nous Etions a moins d'un metre d'eux. Je voyais des Palestiniens sur la colline, et qui me jetaient des pierres avec des frondes, des pierres qui volent à plus de 100 km/h, et qui peuvent tuer quelqu'un".
Et ce n'était pas un danger de mort .
"Pour l'armée ? non. Les conséquences de la décision que je peux prendre au même moment me font peur. Le fait qu'après je doive comparaitre devant un enquêteur de la police militaire âge de 21 ans, sans expérience du terrain, qui essaiera de prouver qu'il n'y avait pas de danger pour ma vie, ou que j'aurais pu siffler pour faire fuir le Palestinien, ou encore faire moins que ce que j'ai fait oui ça fait peur. Si Tsahal nous laisse faire notre travail, il est impossible qu'ils nous disent "dans tous les cas revenez à la base avec zéro faute". Une faute pour l'armée c'est un Palestinien tu, un Palestinien grièvement blesse. Ils ne prennent pas en compte les soldats blessés".
"Je ne commande pas au sens classique du terme. J'ai un gilet pare-balles et une arme, j'ai des soldats et des officiers autour de moi, des commandants. Je ne suis pas seul. L'aventure vient de la façon de diriger, des ordres que l'on reçoit. Les consignes d'ouverture du feu ? Qu'est-ce qu'il faut faire ou ne pas faire ? Pour comprendre ça il faut être diplômer du Technion".
"Je n'ai pas de problème avec la politique, mais avec les zigzags. J'ai un problème avec le fait qu'on attend de moi de porter l'uniforme, d'arriver sur le terrain et d'effectuer une mission sécuritaire ou de garde en ne mettant que ma vie en danger, sans risquer celle des Palestiniens. On me limite, me dissuade, me fait peur. Fait attention si tu te sers de ton arme, tu vas devoir expliquer pour tu l'as fait. Je ne suis pas pour l'exagération, je ne suis pas pour le fait que chaque soldat ressente le besoin de mettre un chargeur dans son arme et tire. D'ailleurs, cela n'a jamais été comme ça, par contre toutes les limitations actuelles créent une situation qui met en danger la vie des soldats, et seulement celle des soldats de Tsahal. Ah, et aussi de l'humiliation".
"Nous allons étudier les incidents exceptionnels et les traiter", à declare en fin de semaine un officier supérieur du commandant du centre, qui a pris connaissance d'une partie des témoignages. "Nous améliorerons la manière de transmettre les choses, en particulier aux commandants sur le terrain. Les consignes d'ouverture du feu permettent de remplir nos missions en Judée-Samarie. Il n'y a aucune raison professionnelle, ni dans la pensée ni dans l'analyse, d'arriver à des situations ou les soldats de Tsahal aient à fuir, ou qu'ils aient le sentiment de ne pas avoir les moyens de répliquer. Ce que révèle cet article renforce le sentiment qu'il y a un écart entre la façon dont nous transmettons les choses, et la façon dont cela est fait au niveau des officiers supérieurs et des commandants qui se trouvent sur le terrain. Nous allons corriger cela, c'est cela que nous devons faire, et non pas changer les consignes de tir".
c'est-à-dire ?
"La compréhension des ordres des commandants est erronée. Il est vrai qu'il faut éviter l'escalade de la violence sur le terrain, éviter les situations où nous ouvrons le feu et tuons des Palestiniens, mais il y a une mauvaise interprétation de ces faits qui mène a ce sentiment de ne pas avoir les moyens de répliquer, et c'est injustifié".
Alors d'où vient ce sentiment éprouvé par les soldats ?
"Les consignes d'ouverture du feu, pour moi, sont larges et permettent d'agir dans de nombreux cas et dans une large possibilité d'actions - à partir de l'utilisation des moyens de dispersion et jusqu'au tir à balles réelles. Cette impression de manque de moyens vient d'un problème professionnel et d'une incomprehension, mais pas d'un problème provenant de ces consignes. Je ne nie pas notre responsabilité, c'est la nôtre. Il vaut mieux expliquer ces consignes, mais pas les changer. Il faut les mettre en exercice. L'les explications ne sont pas toujours claires". L'officier s'est exprimé sur les exemples donnés par les témoignages donnés dans cet article. "Je peux aussi apporter des exemples contraires", declare-t-il. "Depuis le début de l'année nous avons tué un nombre important de Palestiniens en conséquence de l'importance de la menace et de tirs à balles réelles, même quand cela n'était pas nécessaire. Par contre, aucun soldat n'a ete blesse grièvement, juste parce qu'il n'a pas ouvert le feu".
Les soldats parlent d'impuissance, de castration. Ils sentent qu'ils ont les mains liées.
"J'accepte cette critique, et je pense que nous devons mieux transmettre notre politique. Il faut expliquer qu'il n'y a pas de contradiction entre l'usage de la force de manière proportionnée, pour éviter la mort de personne qui ne ferait qu'aggraver la situation, et le fait qu'il faut agir de manière résolue et ferme, et veillez à faire respecter l'honneur des soldats de Tsahal. J'accepte aussi la critique selon laquelle nous devons former de manière plus professionnelle comment agir, et changer ce blocage mental, ce sentiment d'incapacité de répliquer, qui existe chez certaine, qui sont selon moi une minorité. Nous faisons cela ces derniers temps".
c'est-à-dire ?
"Notre manière d'agir passe par la formation, par l'exercice fasse à ce genre de situation. Le but n'est pas que l'exercice verbal, mais aussi l'exercice concret. Nous étudions des incidents, bons et mauvais, et nous en tirons des leçons. C'est comme cela que nous faisons correspondre des consignes professionnelles et des capacités professionnelles, et que nous pouvons influer sur la perception mentale".
Sur les consignes d'ouverture du feu, l'officier supérieur précise qu'aucun changement important n'a ete effectue. "On a peut-être changé un point par ci et un point par là. Les consignes permettent d'ouvrir le feu et de tuer tous ceux qui mettent la vie des soldats en danger", declare l'officier. "Mais les consignes correspondent aux situations. Nous ne sommes pas en pleine période de terrorisme suicidaire comme il y a dix ans. Nous ne tirons pas de 150 mètres sur chaque enfant qui lève un cocktail molotov. Ce n'étaient pas non plus les consignes données par le passé, mais leur interprétation qui à amène a de nombreux morts inutiles".
Alors d'où vient le sentiment sur le terrain que ces consignes ont changé ?
"Là aussi je reconnais l'écart qu'il y a entre nous et les soldats et officiers sur le terrain, qui surinterprétent ces consignes d'une manière que nous n'attendions pas. La politique dit "agissons de manière proportionnée, évitons d'ouvrir le feu à balles réelles qui feraient des morts". Au niveau des commandants d'unités il y a une bonne compréhension, l'écart se fait avec les commandants sur le terrain et les soldats. Le problème ne vient pas des consignes mais de leur interprétation. Les consignes permettent d'agir de façon professionnelle et ferme, et de répondre aux menaces. Il y a une tendance à dire qu'il faut changer ces consignes, moi je dis que non".
"Nous faisons face à des dizaines de troubles de l'ordre chaque semaine. Dans la majorité des cas les soldats agissent correctement. Ils emploient les moyens de dispersion, agissent comme il faut, ne sont pas humiliés et rien de tout cela".
Et quand les soldats parlent de la culture du silence ?
"Il n'y a aucune volonté que les soldats sur lesquels on jette des pierres et des grenades ne puissent pas répliquer. La volonté est que les soldats réagissent, et dans la majorité des cas ils réagissent fortement. Nous arrêtons des dizaines de lanceurs de pierres, y compris des enfants, qui sont après mis aux arrêts. Le sentiment que nous ne faisons rien est erronée, pas objective".
C'est un sentiment retrouvé chez de nombreux civils.
"Cela ne changera pas les données réelles, et nous agirons pour changer ce sentiment. Tout d'abord avec les soldats, parce que c'est notre obligation. Nous sommes actuellement dans une situation sécuritaire acceptable. Il y a des attentes et nous nous sommes habitué à une situation bien plus calme, alors chaque pierre lancée prend une proportion exagérée. Et nous ne négligeons pas les blessures légères. Notre responsabilité est d'assurer la sécurité maximale des civils".
Quand on lance des pierres sur les civils et que vos consignes sont de ne pas tirer, c'est "assurer la sécurité maximale des civils" ?
"Des milliers de pierres sont jetés en Judée-Samarie, et la grande majorité d'entre elles le sont sur des soldats, sans mettre leur vie en danger. Les soldats font face aux menaces et au danger, et ne tirent pas toujours. Si nous tirions à balles réelles à chaque occasion nous aurions une dizaine de morts par jour, et nous arriverions à une escalade de la violence bien plus importante avec encore plus de victimes civiles. On dit que nous nous inquiétons plus de la sécurité des Palestiniens que de nos soldats, ce n'est base sur rien. Nous veillons sur la vie de nos soldats et de nos civils, et parfois nous tuons aussi des Palestiniens trop agressifs. Parfois par erreur, et parfois non. Nous agissons dans un environnement violent, et nous utilisons la force. Ce genre de propos est parfois l'expression d'un sentiment de frustration, il exprime parfois un sentiment subjectif qu'il faut prendre en compte, mais je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de réel le dedans, d'un point de vue professionnel".
Et que dire du commandant qui a declaé que quand une petite fille crache sur un officier de Tsahal et qu'il ne répond pas c'est "une excellente image" ?
"Je ne pense pas qu'il soit juste de dire qu'une telle image est bonne, mais si le soldat l'avait giflé ou l'avait tiré par les cheveux cela aurait été bien plus mauvais. La réalité est complexe, et nous devons faire du mieux possible en comprenant que nous nous trouvons dans un environnement médiatisé. Je ne pense pas qu'il soit juste de dire qu'une telle image est bonne, mais peut-être qu'elle est la moins mauvaise dans la réalité où nous nous trouvons".
Et que dire sur les soldats qui ont peur de répliquer, par crainte de complications ?
"Les soldats qui répliquent, même s'ils font une erreur de jugement, sont complètement couverts. Le mythe selon lequel un soldat a besoin d'un avocat n'a aucun fondement".
L'officier supérieur ne parle pas de "l'endiguement", mais "d'actions proportionnées". L'officier supérieur est d'accord pour dire que les soldats de Tsahal ne doivent pas se retrouver dans des situations comme celles decritent dans ces témoignages. "Chaque incident de ce genre est un dysfonctionnement", declae-t-il. "Il faut faire attention au contexte. Le terrain est à l'origine de dizaines et de centaines d'incidents par jour. Ici et là il y a des dysfonctionnements, et il faut agir pour les éviter, et non pas en ressortir frustre".
"Il est important que les soldats de Tsahal, et Tsahal, ne soient pas humiliés. Nous avons les outils. Quand on se retrouve humilie, ou quand on a des sentiments de ce genre, au lieu de pleurer nous devons tout simplement s'occuper des problèmes, expliquer les choses, s'entrainer". Sur ces dizaines de témoignages il declara "je pense que ce sont des exceptions, et même des exceptions graves, et qu'il faut s'en occuper".
La réponse du porte-parole de Tsahal :
"les forces de Tsahal qui agissent en Judée-Samarie font face tous les jours a une réalité complexe et a des défis qu'exigent professionnalisme et fermeté, ainsi que de la réflexion. Les consignes d'ouverture du feu permettent une large possibilité d'actions face à des menaces diverses, et elles sont réétudiées en fonction de l'estimation de la situation".
"Il faut préciser que la prise de mesures proportionnées face à des fouteurs de troubles et des terroristes ne viennent pas en contradiction à une action ferme et effective, et qui est basée sur la compréhension qu'un nombre réduit de victimes aideront à préserver l'équilibre sécuritaire dans la région. Avant de commencer les opérations en Judée-Samarie les soldats sont préparés opérationnellement et mentalement à faire face aux incidents complexes tout en respectant les ordres et les valeurs de l'armée. J'ajouterai que chaque incident est étudié et que nous en tirons tous des leçons, soldats et officiers, et que celles-ci sont apprises au niveau opérationnel. Tsahal continuera d'agir pour mieux expliquer les consignes d'ouverture du feu".
Source haabir-haisraeli