dimanche 9 août 2020

Sylvin Rubinstein, les grenades sous la jupe de flamenco


En 2005, un homme âgé vêtu d’un costume traditionnel de flamenco parcourt les scènes de théâtres allemands. Un ex-danseur nostalgique déterminé à poursuivre sa carrière jusqu’à son dernier soupir ? Non, Sylvin Rubinstein était bien plus que cela : une soixantaine d’années plus tôt, il avait été de ceux qui avaient risqué leur vie pour lutter contre la barbarie nazie......Portrait........



Juif d’origine russe, Sylvin Rubinstein ressortait ses castagnettes à 90 ans, à l’occasion de la sortie de "Er Tanzte" ("Danser sa vie"), réalisé par Marian Czura et Kuno Kruse. Ce documentaire retrace le destin à la fois tragique et héroïque d’un résistant aux apparences peu communes.
Il nous raconte.



(Ceci est une mise en récit posthume qui ne constitue pas les dires de Sylvin Rubinstein)

Originaire de Moscou, j’avais grandi à Brody en Pologne où mon père nous avait emmenés en 1917 pour nous protéger des Bolchéviks. Après le décès de mon père, assassiné à son retour en Russie, je vivais avec ma mère et ma sœur jumelle, Maria.
Tous deux passionnés de danse, Maria et moi brûlons tôt les planches du théâtre Adria à Varsovie. Notre duo et numéro de flamenco – Imperio y Dolores – allait bientôt conquérir les grandes scènes européennes.

Du refus de l’étoile juive à l’attentat

Le 29 septembre 1939, l’arrivée de l’armée allemande dans les rues de Varsovie bouscule notre foi en l’avenir. 
Bien qu’avoir refusé de porter l’étoile jaune, obligatoire dès le 23 novembre 1939 en Pologne, ma sœur et moi faisions partie des 138.000 juifs contraints de déménager dans le nouveau quartier juif.
Depuis la création du ghetto, le nombre d’habitants au m² avait été multiplié par 9. Résolu à nous extirper de ce mouroir, j’exécutai 12 officiers allemands de sang-froid. Mais, en témoigne "Le Pianiste" de Roman Polanski, la vie "en dehors" s’avérait parfois tout aussi périlleuse.
C’est alors que ma route croise celle de Kurt Werner, un officier de la Wehrmacht et fan de Imperio y Dolores d’avant-guerre. 
Cette rencontre allait faire de nous des survivants : il nous procure de faux papiers et m’enrôle dans la résistance tandis que ma sœur, elle, décide de rentrer à Brody pour s’occuper de ma mère. 
C’est la dernière fois que je la vois.
En apprenant plus tard qu’elles avaient péri à Treblinka, mon engagement patriotique se mue en une vengeance personnelle sans détour. Dans une brasserie polonaise truffée d’Allemands, je fis exploser deux grenades sur le public devant lequel je jouais Dolores.

Reprendre sa vie là où elle s’est arrêtée ?

La fin de la guerre n’avait pas mis fin au nazisme et n’avait pas non plus étanché ma soif de vengeance. Pour traquer les nombreux fugitifs – passés entre les mailles du filet, ou volontairement ‘oubliés’- j’utilisais mes propres techniques. L’une d’entre elle consistait à exposer des babioles pro-Hitler dans une brocante pour attirer leur attention.
Cette époque se résumait à ‘punir les mauvais’– ou du moins leurs principaux – mais aussi récompenser quelques ‘bons’. C’est pourquoi je parlais en faveur de Kurt Werner devant le Conseil américain de dénazification.
Quant à ma carrière de danseur de flamenco, le duo Imperio y Dolores avait laissé place à Dolores. 
Dans le rôle de ma sœur, je continuais à aller de scène en scène jusque dans les années 70, quand la profession avait changé.
Décédé en 2011, Sylvin Rubinstein a passé le restant de ses jours à ressasser les fantômes du passé. 
Heureusement, le documentaire de Marian Czura et Kuno Kruse libéra sa parole, mais surtout, permit de sortir de l’ombre une histoire héroïque parmi d’autres pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Source RTBF
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